Valeur républicaine, la mixité vise à faire vivre ensemble les différences en attendant de leur rencontre un enrichissement. Elle repose sur l'idée d'une complémentarité des diffé-rences sans que celle-ci soit nécessairement une évidence. Dans les établissements et ser-vices de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) comme à l'école, la présence de filles et de garçons est une donnée prise en compte et travaillée au quotidien. La mixité était d'ail-leurs au cœur de la dernière édition du Challenge Michelet. En 2013, 34 000 filles ont été prises en charge, toutes mesures confondues, par la PJJ contre 103 000 garçons. Dans les services de milieu ouvert, la part de filles suivies était de 12% contre 9% dans le cadre d'un placement et 6% en déten-tion. Si certes, les filles prises en charge sont largement moins nombreuses que les garçons, la PJJ ne peut faire l'économie d'une réflexion sur ce thème aussi bien en milieu ouvert qu'en matière de placement, de détention et dans les dispositifs d'insertion. Il est même essen-tiel de faire vivre la mixité dans les services puisque la société est par essence composée de femmes et d'hommes. Sur le terrain, le travail des profession-nels vise avant tout à gérer la mixité au quotidien lorsqu'il y a au moins une fille suivie mais aussi à travailler autour de la question de la mixité voire de celle de l'égalité femmes-hommes.
Relever le défi au quotidien
Quelque soit le dispositif, les interrogations existent : com-ment prendre en charge de façon adaptée les filles et les garçons concomitamment ?Quelles valeurs porter ? Sur quelle pédagogie se fonder et surtout comment gérer au quoti-dien les prises en charge de façon à apporter une réponse adaptée à chaque adolescent ?Stéphane Xavier-Grelet, la res-ponsable de l'unité éducative d'hébergement collectif (UEHC) de Villiers-le-Bel dans le Val-d'Oise, évoque son expérience : « Au sein de l'unité, nous avons accueilli au maximum quatre filles en même temps et, depuis janvier 2014, deux jeunes filles ont été prises en charge suc-cessivement. Je suis favorable à cette mixité même si les filles sont peu nombreuses car, selon moi, un foyer doit représenter ce qui se passe dans la société.
Cela demande de la vigilance supplémentaire mais l'impact est très positif en termes de socialisation et de dynamique de groupe. La présence de filles permet souvent d'apaiser le cli-mat, d'ouvrir la discussion et d'inciter les garçons à montrer le meilleur d'eux-mêmes. Certes, la mixité complexifie le travail éducatif mais, gérée en équipe par l'ensemble des pro-fessionnels, elle constitue un plus. Elle nous pousse à adap-ter notre manière de fonctionner et modifie un peu nos liens avec les garçons ». Une réflexion sur l'organisation de l'espace a été nécessaire, « au premier étage de l'UEHC, à côté de la cham-bre de veille, nous avons amé-nagé deux chambres et une salle de bains réservées aux filles pour offrir davantage d'inti-mité. La proximité avec la chambre de veille nous permet de surveiller facilement les allers-retours », précise Stéphane Xavier-Grelet.
Un levier éducatif
La mixité questionne le rapport à l'autre, à la famille et les représentations collectives et individuelles des jeunes pris en charge mais aussi des professionnels de terrain. Afin de soutenir les équipes éducatives dans leur tâche de sensibilisation, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse collabore depuis 1989 avec l'association de prévention et d'édu-cation « Je.tu.il... ». Ce partenariat, renouvelé par une conven-tion nationale signée le 12 novembre 2013, a donné lieu à des interventions auprès de 187 jeunes et à la formation de 263 professionnels en Ile-de-France entre 2011 et 2013. L'association crée, en effet, des outils audiovisuels à visée éducative, inscrits dans la réalité et les préoccupations des adolescents. Deux programmes sont aujourd'hui particulièrement utilisés par la PJJ. Le documentaire « Cet autre que moi » a pour objectif d'amener les jeunes de plus de 12 ans à s'in-terroger sur les représentations qu'ils se font de l'Autre, à l'âge de l'éveil à la sexualité. Le sup-port « Ce je(u) entre nous » comprend un court-métrage et une mosaïque de connaissances avec les réponses de professionnels de la santé, de la police et de la justice sur le thème de la responsabilité recouvrant la question du consentement, de l'orientation sexuelle et de l'apprentissage de l'altérité.
Pour Bernard Bétrémieux, directeur de « Je.tu.il... », et Virginie Dumont, responsable pédagogique de l'association : « L'objectif est d'accompagner les professionnels dans le travail qu'ils mènent au quotidien autour de la mixité. Renforcer l'éducation à la responsabilité sexuelle et affective des jeunes en déconstruisant les stéréotypes à l'œuvre dans les relations entre les sexes, mais aussi entre les garçons ou entre les filles, est l'un des leviers qui permet de diminuer les comportements à risques et de renforcer les compétences psychosociales ». Cela passe aussi par la formation des éducateurs, des responsables d'unités éducatives et des directeurs de service. « L'association a développé un programme de Formation-Action », précise Bernard Bétrémieux. « La première étape consiste en un temps de formation sur site pour permettre aux professionnels de clarifier leurs positions et d'enrichir leurs connaissances. La seconde est la mise en acte des acquis de la formation c'est-à-dire l'adaptation des pratiques et le déploiement d'actions et d'espaces d'échanges avec les jeunes ».
Ainsi, à l'instar du développement de la mixité au sein de l'Education national, la mixité à la PJJ s'est imposée de fait. A chaque équipe aujourd'hui de se l'approprier et de lui donner un sens.