Invité de Marc-Olivier Fogiel sur RTL pour évoquer son rôle de maître de cérémonie au 67ème Festival de Cannes, qui s’ouvrira ce soir, le comédien de 55 ans a pris la défense de Christiane Taubira. "Je suis extrêmement énervé que personne ne dise qu’il est temps de changer les paroles de La Marseillaise qui sont d’un autre temps. Quand j’entends ‘Qu’un sang impur abreuve nos sillons’, je suis sidéré qu’on continue à chanter ça" !, s’est indigné Lambert Wilson. Pour lui, il n’est donc pas choquant que la ministre de la Justice se soit tu au moment où l’hymne national a retenti."Les paroles sont épouvantables, sanguinaires, d’un autre temps, racistes et xénophobes. Il y a pas mal de paroles qui passent et certaines qui sont...
Les propos de l’acteur expriment la quintessence de l’idéologie contemporaine, celle du meilleur des mondes, d’un monde de bonté, de gentillesse, d’amour, d’ouverture, d’accueil, de sublimation de "l’autre". Mais la Nation s’est construite dans la violence et dans la haine. L’histoire se compose de guerres, de révolutions sanglantes, de massacres. Par delà ses aspects positifs,en particulier l’invention de la démocratie en France, la Révolution française, référence suprême et indépassable de la gauche, dont la Marseillaise est issue, fut elle aussi sanguinaire, nationaliste et xénophobe. "Le respect des différences n’était pas dans l’air du temps. Il (Saint Just) eut au contraire le sentiment que la républicanisation du pays passait par l’élimination des empreintes étrangères" (Saint Just, Bernard Vinot, Fayard)." Les étrangers font partie des premiers "suspects" dans un pays en guerre contre quasiment toute l’Europe et "l’étrangère" Marie-Antoinette, la figure honnie des révolutionnaires. La notion de "sang impur", celui de l’ennemi, de l’aristocrate, du Vendéen, de l’étranger en général, ressenti comme une menace pour la République imprègne la pensée révolutionnaire. Lambert Wilson touche du doigt la contradiction fondamentale de l’idéologie dite "de gauche" qui sublime aujourd’hui une humanité parfaite, idéale, au prix de la table rase sur l’histoire, sur sa propre histoire. Cette attitude, qui consiste à bannir de la conscience collective l’aspect sombre ou sanglant de la réalité humaine, à nier la cruauté, la souffrance, pour sublimer un monde aseptisé, purifié du mal, de la couleur du sang et de la haine, n’est pas forcément la plus responsable. En effaçant la pensée ou la connaissance de la violence qui coule dans nos veines collectives, en plongeant dans l’oubli, la négation les moments de terreur qui nous ont forgés, qui ont cimenté notre société, elle rompt les chaînes de la conscience historique et ouvre la voie à de nouvelles formes de barbarie ou d’esclavage. C’est l’éternelle utopie de ceux qui ont produit le malheur au nom de la pureté et de la perfection. Nous aimons la Marseillaise pour ce qu’elle porte en elle de vérité sur les gloires comme sur les tragédies, les déchirures et les souffrances nationales. Qui se souvient que l’hymne national était interdit sous l’Occupation allemande en tant que "chant guerrier"? Le 11 novembre 1940, les étudiants et les lycéens de Paris s’attiraient les foudre de la répression en entonnant l’hymne national sous le feu des mitrailleuses de l’armée d’Hitler. Touche pas à la Marseillaise!
Maxime TANDONNET