En réalité sauf en 2016, il n’y avait pas de mode de sélection organisé. Si l’on remonte, même au-delà de deux décennies, la sélection s’effectuait spontanément. C’est l’électorat qui choisissait son favori. Ainsi, en 1974, deux candidats de droite étaient en lice, Chaban Delmas et Giscard d’Estaing. Pendant la campagne du premier tour, la candidature de Chaban Delmas, au départ grand favori, a été étouffée par celle de VGE, vainqueur final. En 1981, VGE, président sortant, s’imposait naturellement contre Jacques Chirac au premier mais il était battu au second tour par Mitterrand. En 1995, Edouard Balladur, grandissime favori se présentait contre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Finalement au prix d’une campagne éclair, Chirac prenait l’ascendant sur Balladur et l’emportait. En 2002, président sortant, Chirac était le candidat naturel de la droite. En 2005-2007, une rivalité opposait deux candidats de droite favoris pour succéder à Chirac, de Villepin et Sarkozy. C’est le second qui prit l’ascendant dans l’opinion, au point que Dominique de Villepin décidait, avec sagesse et courage, de ne pas se présenter. Ainsi, jusqu’à 2007, il existait une sorte de sagesse naturelle des candidats et de l’électorat de droite qui faisait que le candidat ayant le plus de chance de gagner s’imposait naturellement. Cela ne semble plus être le cas aujourd’hui, d’où le recours à des primaires qui ont inconvénient de souligner les clivages personnels et de favoriser des « chapelles » plutôt que l’unité et de rompre avec une tradition gaullienne de rencontre (spontanée) entre une personnalité et la Nation. Peut-être qu’avec 4 ou 5 candidats tous aussi déterminés, est-on devenu incapable de faire autrement, incapable de s’entendre par la sagesse et le dévouement au bien commun. Mais ce n’est pas forcément très bon signe…
- A un an de la présidentielle, il y a plusieurs candidats potentiels pour la droite mais aucun qui soit clairement choisi. Quelles sont les idées et les grandes lignes programmatiques qui ont rencontré une vraie adhésion populaire à la présidentielle mais aussi aux différentes élections intermédiaires ?
Depuis 20 ans, ce sont surtout les sujets régaliens qui permettent les succès de la droite. En 2002, la sécurité était le sujet phare de la campagne de Jacques Chirac. Le 2 février à Garges-Lès-Gonesse, le président lançait sa campagne en annonçant « un plan pour la sécurité ». « La violence est en train de changer le visage de la République » déclarait-il, avant d’annoncer « l’impunité zéro ». Cette campagne lui permit d’être devant Lionel Jospin au premier tour, lui-même devancé par M. le Pen. Par la suite, M. Jospin déclara : « nous avons été naïfs sur la sécurité ». En 2007, Nicolas Sarkozy mit de nouveau au premier plan de sa campagne les sujets régaliens, avec son projet de créer un « ministère de l’immigration et de l’identité nationale » tout en s’engageant à créer des peines planchers pour les récidivistes. A l’heure actuelle, dans une période chaotique marquée par la poursuite de l’augmentation de la violence, il ne fait guère de doute que ce sujet sera décisif pour l’emporter en 2022. Cependant, il ne peut pas être le seul. Les quatre ou cinq candidats potentiels de droite vont tous mettre l’accent sur la sécurité et l’immigration. Ils doivent se démarquer sur d’autres choses qui préoccupent les Français, des questions fondamentales comme l’avenir de la démocratie française, les libertés – ravagées par les confinements et couvre-feu – le vertigineux déclin scolaire. Et bien entendu le travail et l’emploi dans un contexte dramatique où 4 à 6 millions de personnes sont privées d’emploi – dans l’indifférence générale. Pour l’instant, ces questions capitales sont plus ou moins passées sous silence.
- Y a-t-il des lignes qui n’ont jamais réellement séduit les électeurs de la droite traditionnelles au cours de ces dernières années et que devrait éviter le candidat ou la candidate LR s’il veut fédérer ?
Dans une optique de gagner les élections, il serait de mon point de vue suicidaire de mettre au premier plan du projet une (nième) grande réforme des retraites ou des transports publics ou encore du code du travail. Rien ne serait pire que de faire du Macronisme à la place de M. Macron. Proposer aux Français en 2022 une nouvelle « transformation de la France » serait désastreux. L’image du quinquennat actuel laissera toujours le goût amer d’un décalage absolu entre le mythe claironné d’un « nouveau monde » et la pauvreté des réalisations, entre l’affichage d’une volonté de modernisation et des résultats piteux sur le plan de la dette publique (120% du PIB) et des déficits publics (9% du PIB) et encore 4 à 6 millions de chômeurs. Il serait irresponsable de la part de candidats de droite de reprendre la posture de la « présidence jupitérienne », de « l’autorité verticale », de la « transformation » imposée à un peuple de « Gaulois réfractaires ». Dès lors, les électeurs préféreront toujours l’original à la copie. Un candidat de droite doit au contraire se placer à l’écoute du pays et à son service. Des réformes et des efforts sont nécessaires évidemment, mais il vaut mieux avancer pas à pas en écoutant le pays et en le respectant plutôt que de brandir la foudre réformiste pour un résultat proche du néant.