La destruction de l’humanité

L’Etat islamique, le Daech, vient de détruire au bulldozer les ruines de Nimrud, vestige de la civilisation de Mésopotamie, qui remonte à plusieurs siècles avant Jésus Christ (lien ci-dessous). Je ne suis pas du tout un spécialiste de l’antiquité, mais de lointains souvenirs de la classe de sixième me sont revenus, à cette nouvelle. La civilisation humaine est née, me semble-t-il, en Mésopotamie, environ 13 siècles avant notre ère. C’est sur ces terres, couvertes aujourd’hui par l’Irak, ou ce qu’il en reste, que tout est apparu : l’écriture, l’agriculture, la propriété, les cités, la vie sociale, la culture, la religion, bien avant les autres plus anciennes civilisations, égyptiennes, chinoises… D’un point de vue symbolique, détruire les ruines de Mésopotamie revient à éradiquer les racines mêmes de l’humanité. La politique de la table rase, ce n’est pas nouveau. Mère de tous les totalitarismes, elle a sévi sous la Terreur en 1793-94, lors de la révolution bolchevique, le national-socialisme (autodafés des livres et oeuvres d’art), la Chine de Mao et le Cambodge de Pol-Pot: tout détruire du passé dont se nourrit la personnalité des hommes pour construire un homme nouveau, éthéré, sans caractère et prêt à tout croire, se soumettre à n’importe quelle propagande. Avec Daesh, un seuil supplémentaires est atteint par la destruction des fondements mêmes de l’histoire de l’humanité. Mais je demeure personnellement abasourdi par l’indifférence, la passivité, la résignation avec laquelle cette oeuvre maudite se déroule, comme si l’humanité, inconsciemment, avec ses six milliards d’habitants, l’immensité de ses richesses et de ses moyens, ses empires, ses gigantesques arsenaux militaires, avait choisi la reddition face à une poignée de fanatiques déterminés à en saper les bases. Mais cette absence de réaction significative, face à un crime abominable contre le patrimoine commun de l’humanité, ne confine-t-elle pas à une sorte de complicité tacite? L’humanité sans passé, sans pensée, sans ancrage dans la culture et l’histoire, l’humanité sans l’homme, la fin de la civilisation, n’est-ce pas la marche normale du monde? Je n’en sais rien, je m’interroge…