L’écrivain Kamel Daoud publie son deuxième roman, « Houris » (Gallimard), qui brise enfin le tabou de la guerre civile algérienne. Il a répondu à quelques questions de nos confrères du Point, chez qui il est éditorialiste. Extraits :
L’islamisme en Europe s’est développé avec une ingénierie propre et redoutable, qui sait où taper, comment culpabiliser, faire la jonction entre le colonial, le décolonial et l’islamisme. Les islamistes investissent la communication et la propagande d’une manière efficace. En France, ils ont réussi avec l’école, le milieu associatif et sportif. Comme en Algérie. Ils choisissent leurs combats de manière ciblée. Par exemple, le voile dans l’administration. L’État leur a dit non pour certaines administrations. Ils ont répondu d’accord. Mais ils ont obtenu qu’une femme puisse porter le voile sur la photo d’identité de sa carte professionnelle. Vous voyez comment ils grignotent… J’ai vu arriver la même stratégie en France pour la carte professionnelle journalistique. Ils sont très forts.
Comment expliquez-vous une telle attention aux détails ?
Tous les mouvements fascistes l’ont eue. Ils sont délivrés des lois de la démocratie ou de la soumission à l’autorité. Nous, nous portons la démocratie comme poids et comme idéal, nous en fixons les règles pour les respecter et cela nous inhibe. Eux, ils en sont affranchis. La démocratie, me disait une amie tunisienne, ne sait pas se défendre. Nous la défendons, nous l’incarnons et elle endosse nos faiblesses et nos limites. C’est une partie de poker où l’un est affranchi de toutes les règles que l’autre doit incarner et respecter.
Puisque vous avez vu se dérouler toutes les étapes, quelle serait la prochaine chez nous ?
La France est aussi mon pays. Et j’ai la chance d’être né en Algérie et d’être ici. L’au-delà, avec ses jardins et ses fleuves de vin, existe pour moi à Paris. L’au-delà, c’est la France. Donc je n’ai pas envie que ça aille dans ce sens-là d’une énième défaite devant ce fascisme. Mais c’est toujours possible. Si on regarde ce qui se passe en Belgique, il y a de quoi craindre de voir émerger un émirat au cœur d’une Europe contrite et aveuglée par la culpabilité et la lâcheté…
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