Les gilets jaunes? C’est l’histoire d’une déconnexion, poussée à son paroxysme. Le pouvoir affirme qu’il « ne reculera pas » et se pose en défenseur de la réforme, du mouvement et de la modernisation, confronté au populisme et à la démagogie. Or, nous ne sommes en aucun cas dans la situation de décembre 1995. Aujourd’hui, la différence, c’est que la réforme n’existe pas. Une nouvelle augmentation de taxe sur les carburants, ce n’est rien d’autre que le prolongement d’une vieille habitude française d’augmenter en permanence les impôts et les taxes. Les dirigeants se sont trompés, sous estimant l’exaspération et la souffrance populaires, mais ils se braquent et s’isolent. Dans le contexte d’une personnalisation du pouvoir à outrance, qui touche à sa quintessence, la défense d’un ego est l’unique fondement de cette posture: le statu quo pour l’image de fermeté. La crise est entrée dans une phase irrationnelle, donc explosive. 84% des Français soutiennent le mouvement. Cette révolte n’est plus seulement dirigée contre une décision gouvernementale. Le pays est entré en rébellion contre une image d’arrogance. La fonction présidentielle n’existe plus. Le chef de l’Etat est en principe un arbitre, au-dessus de la mêlée, dont la mission essentielle est d’incarner l’unité et la continuité du pays. Dès lors qu’il est devenu exactement le contraire, l’expression même de ses déchirements et de ses soubresauts, réceptacle de l’exaspération populaire, sa raison d’être se trouve anéantie. Le sujet n’est pas celui de la défense d’une politique qui n’existe pas: augmenter le prix de l’essence n’a jamais fait une réforme. Deux nihilismes sont entrés en guerre, celui d’une vanité outrancière, paroxystique, qui signe le pire d’un régime politique, et celui d’une désespérance populaire généralisée face au ressenti d’un immense mépris. Que va-t-il en sortir? Sans doute un nouveau désastre pour notre pauvre pays qui ne voit pas venir la fin de ses malheurs.
Maxime TANDONNET