La crise du parti créé par Jean-Marie le Pen devrait, logiquement, ouvrir un boulevard à l’opposition modérée. Ce parti n’existe que sur une gigantesque tartufferie, bâti sur une faille qui ne cesse de se creuser. Ses dirigeants actuels doivent tout à un personnage qui a construit le parti, l’a développé pendant 30 ans sur la base de violentes provocations verbales qui sont le socle de son histoire, de son identité, de sa réussite médiatique. En reprenant le parti, qui est le fruit de cette politique, ils valident nécessairement, logiquement, reprennent à leur compte tout ce qui en a fait le « succès ». Un héritier récupère le patrimoine, mais aussi les dettes. Dès lors, reprendre le parti tout en essayant de tuer son créateur est une attitude qui ajoute à l’abject des paroles passées, l’abject du cynisme présent. Rien dans la mémoire politique récente du pays n’est aussi sordide que cette sombre histoire de famille et de tentative de parricide, autour d’un vieux sanglier blessé qui se débat encerclé par ses bourreaux et qu’on ne parvient pas à achever. En principe, le parti lepéniste devrait être considérablement affaibli voire disparaître dans les mois à venir. Mais il faudrait pour cela une condition: que l’opposition modérée soit moins lâche et moins idiote qu’elle ne l’est aujourd’hui et se pose enfin les vraies questions: pourquoi 88% des Français pensent que « les politiques ne s’intéressent pas à ce que pensent les gens comme nous? » Pourquoi « 37% éprouvent de la méfiance envers la politique et 31% du dégoût »? (CEVIPOF février 2015). Quelles transformations profondes du pays sont indispensables dans les domaines qui tourmentent si profondément le pays, sur la crise de l’emploi, ses angoisses identitaires, ses préoccupations sur l’immigration, l’Europe, la sécurité? Quels bouleversements sont nécessaires pour permettre à une majorité, un gouvernement, de faire des choix, de gouverner plutôt que de fuir le réel à travers des coups de communication et de postures? Comment mettre fin au sentiment du carriérisme et de l’ivresse mégalomaniaque que donne la classe politique aujourd’hui? Voilà les grandes questions que l’opposition modérée devrait se poser pour tenter de sortir le pays de sa morosité et profiter de la bouffée d’oxygène que donne au pays la crise du parti créé par Jean-Marie Le Pen. Mais je crains sincèrement que la lâcheté et la bêtise ne les étouffent, au point de ne même pas pouvoir envisager cette remise en cause, pourtant vitale.
Maxime TANDONNET