Il ne suffit plus au bac d’avoir été bradé, galvaudé par des décennies de démagogie. Tout le monde sait qu’il ne signifie plus grand chose en soi. Créé sous le premier Empire pour fonder la réussite sur les performances intellectuelles plutôt que sur l’héritage, il fut longtemps sélectif. Jusqu’aux années 1980, la taux de réussite était d’environ les deux-tiers. Aujourd’hui, il est de 90%. Or, il ne suffit plus de l’avoir bradé. Aujourd’hui, le bac est saboté. Des enseignants ont pris en otage des copies du bac qu’ils ont refusé de remettre. Une copie, dans l’enseignement, c’est quelque chose de sacré: le fruit d’un travail d’un étudiant susceptible de lui ouvrir la voie de la réussite. Prendre des copies du bac en otage est un acte de sabotage, de destruction. C’est une attitude qui fait penser au sabotage des usines d’armement françaises à la veille de la deuxième guerre mondiale. Le nihilisme: plus rien ne vaut, plus rien ne compte. La France d’en haut a craché sur les Gilets Jaunes pour avoir occupé des ronds-points. Mais il y a pourtant bien pire : la prise en otage des copies du bac. Quant à l’attitude des pouvoirs publics, elle donne l’image même de la lâcheté et de la démagogie. Il fallait à tout prix sauver les apparences – à 9 mois des élections municipales. Alors, tant pis pour les copies confisquées par les correcteurs. Plutôt que d’imposer le respect du droit et du devoir de tout enseignant, ils ont bricolé la prise en compte de la moyenne des contrôles continus des élèves concernés, ce qui ne veut absolument rien dire dès lors qu’il n’existe aucune garantie de cohérence et de rigueur dans le passage de ces contrôles continus et leur notation. Avec la déchéance du bac, créé il y a 200 ans pour fonder la réussite sociale sur la performance intellectuelle plutôt que l’entregent familial de l’aristocratie, c’est un pilier supplémentaire de la société française qui s’effondre. Dans l’état où il est, le bac devrait être supprimé une fois pour toute. Mais alors, il faudrait rouvrir le dossier explosif de la sélection à l’entrée de l’université: le tabou absolu. Tout plutôt que de devoir faire des choix, arbitrer, décider, en un mot gouverner. Le pouvoir politique, rongé par la lâcheté, la démagogie, le carriérisme, continuera de se pavaner plutôt que de devoir agir pour l’intérêt général.
Maxime TANDONNET