Il arrive que les banques assistent leurs clients pour les opérations immobilières dans l’immobilier locatif. Le schéma pour le banquier est assez efficace: d’un coté, il prête de l’argent au promoteur pour lui permettre d’ériger son immeuble (le promoteur pouvant être une société liée à la banque) et de l’autre coté, il prête à l’investisseur pour lui permettre de réaliser son investissement. Dans un marché haussier, le schéma est souvent gagnant/gagnant. Le client trouve dans le banquier un interlocuteur solide: un bon gestionnaire de patrimoine sur lequel il peut se reposer sans avoir à chercher ailleurs un support d’investissement. Mais dans un marché baissier, la mentalité n’est plus la même: l’investisseur s’aperçoit que l’investissement est mal adapté et la double casquette du banquier prête à la suspicion…
Prenons un cas simple: vous vous présentez chez le banquier, il vous explique que compte-tenu de vos impôts, il faut faire de l’investissement locatif. Il vous met en relation avec un gestionnaire de patrimoine qui commercialise des produits dans une petite ville de province que vous ne connaissez pas.L’investissement est minime, puisque c’est financé par emprunt, en plus ça allège l’impôt. Que demander de plus?
En premier lieu, le conseil du banquier est mauvais: il envisage pour vous un placement dans l’immobilier locatif pour les niches fiscales que l’investissement procure. En réalité, vous n’êtes pas tellement taxé et votre situation familiale évolue: l’arrivée d’un enfant au sein du foyer aura pour effet d’amoindrir l’intérêt d’avoir des réductions d’impôt.
En second lieu, le support d’investissement est catastrophique: le conseiller vous explique, « étude personnalisée à l’appui », qu’en vous endettant auprès du banquier pour investir, il vous coûtera peu, surtout après imputation de l’avantage fiscal. Ni le banquier, ni le conseil, ne vous explique que l’investissement immobilier est situé sur un territoire où la situation locative est tendue et que le bien devrait être difficile à louer dans les conditions prévues dans l’étude chiffrée. Nulle part, dans l’étude « personnalisée » du conseil en gestion de patrimoine, auquel le banquier se réfère pour accorder le prêt, il est fait état du risque « loyer » (absence de paiement) et des conséquences de l’absence de loyer sur le schéma des flux de trésorerie et sur les avantages fiscaux (ils sont remis en cause lorsque le bien n’est pas loué). Il arrive parfois que le risque loyer soit garanti, c’est bien souvent un nuage de fumée: la garantie d’une société insolvable. Pour le fisc…ça ne vaut rien.
Dans un tel cas, il ne faut pas attendre bien longtemps après l’investissement pour vous apercevoir que pour une simple économie d’impôt sur le revenu vous avez mis l’intégralité de votre patrimoine en jeu. Vous recevez une proposition de rectification des services fiscaux : les engagements des niches fiscales ne sont pas respectés…Le banquier vous demande de rembourser les échéances d’emprunt alors qu’aucun loyer n’est perçu. Il faut taper dans vos économies…En plus, comme vous avez contracté avec un taux variable, la mensualité de l’emprunt se révèle parfois insupportable. C’est la dégringolade….une promesse de quelques milliers d’euros de réduction d’impôt aura suffit à vous ruiner. Evidemment, le banquier pour vous accorder votre prêt, n’aura pas manqué de prendre quelques sûretés (hypothèque de la maison, cautionnement des proches etc….).
Dans ce cas, il ne vous reste plus qu’à vous retourner vers un avocat. Faisant le bilan coût/ avantage d’une situation si difficile à démêler, l’avocat envisagera son investissement personnel dans un contentieux avec la plus-grande prudence….Comment se plaindre? Contre qui? Qu’est-ce que je peux gagner pour le client?
Jusqu’à peu les Tribunaux avaient tendance à appliquer un principe bien connu des juristes: « caveat emptor »: il appartient à celui qui achète de faire attention à ce qu’il fait. Les personnes qui se laissent séduire par de belles promesses et entrent dans le jeu « scabreux » de l’optimisation fiscale ne doivent pas encombrer les Tribunaux: ils doivent avoir un minimum de jugeote avant d’investir. Le droit protège contre la folie, mais pas contre l’imbécillité. Dans une société libérale, il faut bien que fortune se fasse et se défasse.
Mais depuis quelques années un courant de jurisprudence plus favorable à la protection des investisseurs se développe: les Tribunaux commencent à considérer que l’investisseur a été trompé par le mauvais conseil du gestionnaire de patrimoine. Si le conseil réalisé pour faire investir le client était orienté et inexact le client peut obtenir des dommages-intérêts sur le fondement de la faute: un conseiller, même s’il n’est pas impartial, doit rester objectif. Dans cette dernière hypothèse, même si le manquement au devoir de conseil du gestionnaire de patrimoine est reconnu par les tribunaux, le client n’est pas tiré d’affaire. Le gestionnaire de patrimoine a bien souvent fait faillite avant d’avoir à affronter financièrement la responsabilité qui est la sienne…d‘où la tentation, pour l’avocat, d’aller demander au banquier de réparer la faute commise.
Dans un arrêt du 20 février 2012: la Cour d’Appel de Bordeaux retient la responsabilité en commun (in solidum) du banquier et du gestionnaire de patrimoine. Pour la Cour ‘ »en favorisant la souscription de ce placement qui revêtait manifestement un caractère inadapté voir périlleux, la banque a failli dans son obligation de conseil et d’information ainsi que l’a retenu à bon droit le tribunal«
Voilà de quoi aider les investisseurs victimes des mauvais conseils de leurs banquiers…Reste à savoir quel rayonnement pourrait avoir cette jurisprudence. En aucun cas il ne saurait être question de retenir automatiquement la responsabilité du banquier. Il faut que les circonstances démontrent qu’il est impliqué dans le mauvais conseil: cet arrêt est important car il démontre que le fait qu’il ait été fait appel à un gestionnaire de patrimoine pour la réalisation d’une étude personnalisée ne saurait exclure la garantie du banquier: un banquier ne peut pas être aussi crédule que son client.Par ailleurs, la motivation spécifique sur le devoir de conseil afférent aux emprunts à taux variables devrait résonner comme une porte de sortie judiciaire aux problèmes financiers des maires des petites communes,. Vous savez….ceux qui sont empêtrés dans des emprunts complexes mais qui n’osent pas le dire…..avant que taxe foncière ne parle pour eux.
Stanislas Lhéritier