Interview de Marisol Touraine à L’Usine Digitale : « Le numérique doit être un facteur d’émancipation du patient »


Marisol TOURAINE a répondu aux questions de Sophie EUSTACHE, journaliste de « L’Usine Digitale », pour une interview relative au numérique.

Vous pouvez lire son interview ci-dessous ou sur le site de L’Usine Digitale en cliquant ici.

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Avec l’émergence des objets connectés et des applis mobile, le big data a envahi nos vies, et la santé ne fait pas exception. Sujet sensible, l’exploitation des données de santé inquiète. Comment préserver le secret médical ? Quelles applications pour le soin ? Jointe par e-mail, la ministre des Affaires sociales et de la Santé Marisol Touraine a répondu à L’Usine Digitale. 

L’Usine Digitale : Avec l’arrivée des objets connectés de santé, comment ne pas verser dans la crainte du « big brother » ?

Marisol Touraine : Je peux comprendre cette crainte, car les objets connectés – nos smartphones en premier lieu – révèlent une foule d’informations sur notre vie privée, nos habitudes de vie. C’est pour cela que je suis particulièrement vigilante à l’utilisation de ces données dans le secteur de l’assurance en santé par exemple : il est impératif d’éviter toute dérive qui permettrait aux assureurs de facturer de nouvelles primes à certaines catégories d’assurées à partir des informations fournies par des objets connectés, indicatrices de leur état de santé.

La protection des données personnelles est un sujet sensible. La France est-elle prête à relever ce défi ?

C’est un enjeu majeur auquel la France est déjà préparée. La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), gardienne des données personnelles des citoyens, évalue et autorise chaque traitement de données. Elle définit par ailleurs les conditions de sécurité qui doivent être remplies en fonction de chacun d’entre eux.

La CNIL est particulièrement vigilante sur les données de santé – elle a d’ailleurs énoncé sa position sur les objets connectés en santé il y a plus d’un an déjà, le but étant d’adapter la régulation à cet environnement et d’en comprendre les acteurs.

Avez-vous pris des mesures en ce sens ?

La stratégie e-santé 2020, que je présenterai très prochainement, proposera des mesures concrètes pour aller encore plus loin dans cette régulation.

Le numérique doit être un facteur d’émancipation du patient pour qu’il soit plus à même de décider, de prendre soin de lui mais il est impératif que cela soit fait en toute sécurité.

Que permet le big bata en termes de santé publique ?

Contrairement à la recherche traditionnelle, qui veut confirmer ou infirmer une hypothèse de travail, le big data analyse des masses de données extrêmement volumineuses et d’origines multiples pour identifier de nouvelles corrélations. L’utilisation de cette méthode d’analyse pourrait par exemple nous permettre de mieux comprendre les liens entre santé et environnement, d’identifier plus tôt des problèmes liés aux médicaments pour certains profils de patients, de mettre au point de nouvelles applications de suivi à distance ou d’interprétation des données médicales pour assister les médecins dans leurs diagnostics…

Quelles applications souhaitez-vous voir apparaître en priorité ?

C’est justement pour répondre à cette question de manière collective, en exploitant l’expérience des acteurs les plus impliqués dans tous les secteurs, que j’ai souhaité lancer la réflexion publique sur le « big data« . Je veux aussi entendre la voix des associations d’usagers du système de santé, des organisations syndicales, des entrepreneurs, et des citoyens qui souhaitent s’exprimer : c’est l’objet de la consultation en ligne que j’ai lancée le 22 avril et qui restera ouverte jusqu’au 20 juin.

Consultation publique sur le big data

Dans le sillage de la loi de santé, promulguée le 26 janvier 2016, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine a lancé une consultation publique. »Chaque internaute peut par ailleurs dès aujourd’hui se connecter au site faire-simple.gouv.fr pour donner son avis sur les usages du big data en santé qu’il ou elle souhaite voir soutenus ou encadrés, et dans quelles conditions », explique Marisol Touraine, lors d’un échange de mail avec l’Usine Digitale.  La consultation est ouverte jusqu’au 20 juin 2016. À l’issue de cette consultation, une synthèse des contributions sera envoyée aux participants et intégrée aux travaux du groupe de réflexion lancé en septembre 2015 sur les enjeux du big data en santé.

Qui sont les acteurs de santé les plus avancés sur l’utilisation du big data ?

Aujourd’hui, le big data appliqué au domaine de la santé n’en est qu’à ses balbutiements – pas uniquement en France. L’initiative de la CNAM (qui a noué une convention avec Polytechnique, ndlr) est intéressante ; l’AP-HP se met en ordre de marche pour permettre l’exploitation utile, à grande échelle, de certaines données hospitalières.

Quel volume représente les données de santé en France ?

Ces données ne sont aujourd’hui pas quantifiées, mais ce volume est considérable. Chacun d’entre nous génère des données : lorsque nous consultons un médecin équipé d’un logiciel informatique, que nous nous rendons à l’hôpital, que nous appelons le centre 15, que nous faisons des analyses ou une radio, que nous utilisons une application mobile pour suivre notre activité physique, notre rythme cardiaque, etc. Toutes ces données sont récoltées par des acteurs différents et ne sont généralement pas regroupées dans des silos. La majorité ne sort ainsi jamais du logiciel où le professionnel de santé les a saisies.

Le séquençage du génome est un big data en soi. Quel sont les défis à relever ?

Le séquençage du génome ouvre les portes d’une nouvelle révolution de la médecine, c’est pourquoi le Premier ministre a demandé à Yves Levy, Président-Directeur général de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), de développer une réflexion spécifique sur ce sujet. Les conclusions de ce rapport seront intégrées aux conclusions issues du groupe de travail et de la consultation en ligne.

SOPHIE EUSTACHE

Author: Redaction