Madame la présidente,
Mesdames et messieurs,
Je suis heureuse d’être aujourd’hui à vos côtés et de participer aux 4èmes Etats Généraux des infections nosocomiales et de la sécurité du patient.
Je souhaiterais tout particulièrement remercier l’association le « lien » qui est à l’initiative de cette rencontre. Les missions que vous remplissez sont essentielles : vous défendez les victimes d’accidents médicaux, et plus particulièrement les victimes d’infections nosocomiales. Vous leur apportez une aide personnalisée. Vous accompagnez les patients et vous représentez les usagers. Vous vous engagez, au quotidien, pour promouvoir la sécurité des soins et la qualité de la prise en charge.
Ces objectifs, nous les partageons.
Nous les partageons avec l’ensemble des acteurs de notre système de soins, au premier rang desquels les médecins et les professionnels de santé.
Aujourd’hui, un patient hospitalisé sur dix est victime d’un événement indésirable grave. Or, nous savons pertinemment que la moitié d’entre eux, au moins, est évitable.
Plus précisément encore, 7% des hospitalisations se compliquent par une infection nosocomiale, soit environ 750.000 cas sur les 15 millions d’hospitalisations annuelles. Chaque année, ces infections seraient la cause directe de plus de 4000 décès. Autant que le nombre de personnes tuées par les accidents de la route.
Ces incidents ne sont pas des cas isolés. Ils se produisent dans tous les établissements sanitaires et sociaux. Ils concernent aussi bien les soins primaires que les actes chirurgicaux, le médico-social et la prise en charge des pathologies lourdes, l’hôpital public et les structures privées.
Les patients ne sont pas tous égaux face à ces incidents : les personnes âgées et fragiles sont particulièrement exposées. Certains gestes présentent également plus de risques que d’autres : je pense, par exemple, à tous les gestes invasifs, comme la pose de cathéters intraveineux. Ces incidents sont évidemment des traumatismes individuels lourds.
Par ailleurs, ces dysfonctionnements représentent un coût important pour la collectivité. À l’heure où la contrainte financière nous impose d‘éviter les dépenses inutiles, nous avons le devoir et la responsabilité de réduire le nombre d’évènements indésirables liés aux soins. Nous savons en effet que la non-qualité a un coût. L’absence de qualité a un coût.
Face à ce constat, je veux vous assurer de ma détermination à relever le double défi de la sécurité et de la qualité.
Nous savons pertinemment que les risques et les événements indésirables associés aux soins sont directement causés, le plus souvent, par des problèmes d’organisation. Nous ne sommes donc pas démunis face à ces accidents. Vous ne me trouverez jamais du côté des résignés : c’est pourquoi je veux aujourd’hui vous dire que nous avons les moyens d’agir.
I/ Ma conviction, c’est que la qualité des soins et la sécurité des patients sont indissociables.
A de nombreuses reprises, j’ai pu constater l’engagement et la mobilisation des professionnels de santé pour prodiguer les meilleurs soins. Ils sont, chaque jour, en première ligne : la qualité de leur travail, au plus près de nos concitoyens, est indiscutable.
Toutefois, l’activité médicale n’est pas exempte de risques. Nous savons, par exemple, que les médicaments ne sont pas des produits comme les autres : chacun d’entre eux a des effets bénéfiques sur l’organisme mais comporte également des effets indésirables.
Au fil des années, la sécurité des patients est devenue une priorité majeure de santé publique : certains domaines, comme celui de la lutte contre les infections nosocomiales, ont fait l’objet de politiques dédiées.
Dans ce champ, la France s’est par exemple dotée, en 2001, d’un dispositif de signalement.
Ce système vise à améliorer les pratiques des professionnels, grâce à l’articulation des systèmes d’alerte, d’expertise et de soutien aux établissements de santé.
Son objectif est clair : il nous permet de conduire un travail en amont, afin de détecter, le plus tôt possible, des situations à risque. C’est là l’unique moyen pour mettre en oeuvre des mesures de prévention et de contrôle adaptées et efficaces.
Ce dispositif de signalement se déploie à tous les échelons :
a/ Il nous permet d’agir dans chaque établissement de santé. Je veux souligner, à cet égard, la vigilance constante des équipes opérationnelles d’hygiène et des professionnels de soins. Les progrès que nous avons réalisés, ces dernières années, sont le fruit de leur mobilisation.
b/ Cette bataille pour la qualité et la sécurité du patient, elle se mène également dans toutes les régions, grâce aux Agences Régionales de Santé (ARS) et aux Antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales (ARLIN).
c/ Enfin, à l’échelle nationale, les établissements de santé bénéficient d’une aide précieuse de la part des Centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales, de l’Institut de veille sanitaire et du ministère de la santé.
A plusieurs reprises, ce dispositif a montré sa capacité à identifier des phénomènes émergents et à en prévenir la diffusion.
Aujourd’hui, nous devons aller plus loin encore.
La qualité des soins et la sécurité du patient constitue une priorité de ma politique de santé : elle est au cœur de la stratégie nationale de santé qui a été présentée par le Premier ministre, vendredi dernier.
Pour agir efficacement, nous devons mieux coordonner les actions des professionnels de santé. Chaque étape est déterminante. Chaque partie prenante du parcours de soins doit prendre la mesure de la responsabilité qui est la sienne.
Le travail pour la sécurité du patient et pour la qualité des soins doit être conduit partout et à tous les niveaux. Tous les établissements des champs sanitaire et social et tous les professionnels doivent être directement impliqués. Dans ce domaine, il ne peut y avoir de place pour l’exception.
II/ Pour toutes ces raisons, j’ai fait le choix de lancer aujourd’hui le premier programme national pour la sécurité des patients.
Au cours des quatre prochaines années, il constituera un cadre à partir duquel les politiques de sécurité des soins pourront s’articuler et se renforcer entre elles.
Pour progresser, nous devons tirer les leçons du passé et faire remonter, sans discontinuer, les expériences de terrain. Ma conviction, c’est que l’expertise des associations et des professionnels de santé nous est indispensable pour réussir.
Le premier programme national pour la sécurité des patients s’articulera autour de quatre grandes priorités :
a/ La première d’entre elles, c’est de mieux informer le patient. La relation soignant-soigné est la clef d’une prise en charge réussie. Elle doit se fonder sur la confiance et sur la transparence. Elle doit permettre au patient d’être l’acteur, à part entière, de sa sécurité. C’est pourquoi nous associerons davantage les représentants des usagers à l’élaboration de la politique de gestion des risques associés aux soins dans les établissements de santé. En parallèle, nous favoriserons la formation des représentants des patients à la sécurité des soins.
b/ La deuxième priorité vise à améliorer la remontée de l’information. Je l’ai dit, nous devons tirer les leçons des dysfonctionnements. Voilà pourquoi il est nécessaire de tout faire pour promouvoir le retour d’expérience dans chaque établissement. Dans le même temps, les professionnels de santé doivent avoir les moyens de mieux signaler et de mieux déclarer les événements indésirables. Je veux être claire : tout incident doit faire l’objet d’une déclaration. Il ne s’agit pas là de stigmatisation et encore moins de délation : c’est par ce travail d’apprentissage que nous pourrons mieux assurer la sécurité de nos concitoyens. Sur ce sujet, vous savez que j’ai confié, au Directeur général de la santé, la mission de réformer notre système de vigilances pour le rendre plus cohérent et plus efficace. Il lui appartiendra de faire des propositions avant la fin du premier semestre.
c/ La troisième priorité, c’est le développement d’une culture de la sécurité et de la qualité : elle doit s’étendre à tous les actes et à toutes les pratiques.
Pour cela, nous renforcerons la place de la sécurité des soins dans la formation des professionnels de santé au moment de la formation initiale et dans les programmes de développement professionnel continu (DPC). Nous devons ainsi leur donner les moyens de sélectionner les pratiques qui permettent de réduire les risques et d’éviter les actes inutiles. Pour aller plus loin, il nous faut innover : nous aurons ainsi recours à des méthodes pédagogiques nouvelles comme la simulation en santé. Pour aller plus loin, il nous faut aussi apporter un appui à l’ensemble des professionnels : nous soutiendrons les projets pertinents qui visent la qualité et la sécurité des soins.
d/ Enfin, la quatrième priorité, c’est le renforcement de la recherche sur la sécurité des soins. C’est en conduisant une action éclairée, que nous garantirons au patient sa sécurité. Les travaux de recherche devront associer toutes les disciplines, sans oublier les sciences sociales et l’économie, afin de saisir la réalité dans toute sa complexité.
Mesdames et messieurs,
Voilà les grandes orientations qui seront les nôtres, au cours des quatre prochaines années.
Elles s’inscrivent pleinement dans la stratégie nationale de santé, dont j’ai aujourd’hui la responsabilité : c’est en bâtissant notre système de santé autour du parcours de la personne que nous améliorerons la sécurité du patient et la qualité des soins.
Au cours de ces deux journées, je ne doute pas que vos échanges et vos réflexions autour de cet enjeu majeur seront particulièrement riches. Je tiens à vous assurer que je serai particulièrement attentive aux conclusions de ces Etats généraux : elles contribueront à enrichir, j’en suis sûre, la politique de santé que je conduis au service des Français.
Je vous remercie.
Intervention de Marisol Touraine
Ministre des Affaires sociales et de la Santé
États Généraux des infections nosocomiales et de la sécurité du patient
Jeudi 14 février 2013.