Pendant un mois, près de 500 personnes détenues issues de 31 établissements pénitentiaires ont lu et étudié les romans des 15 auteurs en lice. L’objectif de chaque groupe ? Sélectionner trois ouvrages qui seront ensuite défendus au niveau interrégional par une personne détenue représentant le groupe.
Muriel Barbery, Nathan Devers, Cloé Korman, Yves Ravey… Pendant près d’un mois, les lecteurs ont échangé avec les auteurs pour nourrir leur réflexion. Ces rencontres ont eu lieu en visioconférence ou au sein des établissements pénitentiaires.
À Béziers, Limoges, Nancy, Saint-Maur ou Fleury-Mérogis, ces temps d’échange ont permis aux personnes détenues de faire entendre leur voix, la revalorisation personnelle étant aussi une étape sur la voie de la réinsertion. « Faire entrer le livre en détention, c'est ouvrir des horizons et faire le lien entre dedans et dehors », note Charlotte Picquenard, directrice adjointe de la maison d'arrêt de Nancy-Maxéville.
Des discussions sans tabou
Pour la plupart d’entre eux, les thèmes abordés dans les 15 romans en lice sont graves : le mensonge et la vérité, la violence, l’incarcération, l’inceste... La conversation s’engage pourtant aisément entre l’auteur et les lecteurs. À la maison d’arrêt de Saint-Maur, l’un d’eux confie à Sarah Jollien-Fardel, auteure de « Sa préférée » : « Pour moi, la lecture est un acte de survie. […] Cela ouvre notre champ de vision, cela évite d’être dans un tunnel avec des œillères. »
À Nancy, un autre lecteur, qui fréquente régulièrement l’une des quatre bibliothèques de la maison d’arrêt, confie : « 15 livres en peu de temps cela fait beaucoup. Mais lire et faire du sport, c’est tout ce que j’aime et tout ce que j’ai à faire ici. »
Comme le souligne Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre (CNL), ce premier Goncourt des détenus représente un apport culturel et renforce l’offre éditoriale dans les établissements pénitentiaires.
Justice-Culture, un partenariat au service de la réinsertion
Depuis 1986, les ministères de la Justice et de la Culture collaborent pour permettre à la population pénale d’accéder à différentes formes de pratiques culturelles. Ce partenariat s’inscrit dans une politique de réinsertion et de lutte contre la récidive.
Porté par le Centre national du livre (CNL) et la direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice, sous le haut patronage de l’Académie Goncourt, le prix Goncourt des détenus permet non seulement de développer l’intérêt pour la lecture et le sens critique, mais aussi de favoriser une action collective basée sur l’écoute au sein de l’établissement pénitentiaire.
Ce projet ambitieux a pour but « de faire s'intéresser les détenus à la littérature » pour mieux « les réinsérer dans le corps social », précise Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Rendez-vous le 15 décembre
Après la lecture, place aux délibérations interrégionales et au choix des finalistes, du 21 novembre au 2 décembre 2022. Des délibérations nationales auront ensuite lieu au Centre national du livre où le nom du lauréat sera annoncé le 15 décembre.
Les 15 romans sélectionnés
Muriel Barbery, "Une heure de ferveur", Actes Sud
Grégoire Bouillier, "Le Cœur ne cède pas", Flammarion
Nathan Devers, "Les Liens artificiels", Albin Michel
Giuliano da Empoli, "Le Mage du Kremlin", Gallimard
Carole Fives, "Quelque chose à te dire", Gallimard
Sabyl Ghoussoub, "Beyrouth-sur-Seine", Stock
Brigitte Giraud, "Vivre vite", Flammarion
Sarah Jollien-Fardel, "Sa préférée", Sabine Wespieser
Cloé Korman, "Les Presque Sœurs", Seuil
Makenzy Orcel, "Une somme humaine", Rivages
Yves Ravey, "Taormine", Éditions de Minuit
Pascale Robert-Diard, "La Petite Menteuse", L’Iconoclaste
Emmanuel Ruben, "Les Méditerranéennes", Stock
Monica Sabolo, "La Vie clandestine", Gallimard
Anne Serre, "Notre si chère vieille dame auteur", Mercure de France
Le calendrier
21 novembre - 2 décembre 2022 : délibérations interrégionales, choix des finalistes
15 décembre 2022 : délibérations nationales au Centre National du Livre à Paris suivies de la proclamation du lauréat.