« Funeste connerie »: l’idée de supprimer l’interdiction d’un troisième mandat présidentiel est dangereuse (pour Figaro Vox)

 Selon une information largement diffusée le 31 août, le président Macron aurait déclaré, lors de sa rencontre avec les chefs de partis, que la limitation à deux mandats présidentiels constituait une « funeste connerie ». Faut-il interpréter ces propos, s’interrogent certains commentateurs, comme une intention d’abroger cette limitation pour ouvrir la voie à une éventuelle réélection en 2027 ?

Elle fut introduite par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, à la demande personnelle du président Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, ce dernier persiste et signe. S’opposant frontalement à son second successeur sur ce point, il justifie ainsi le bien-fondé de cette limitation : « Le pouvoir, c’est dangereux, on s’y habitue, c’est une drogue dure. On s’enferme, on n’écoute plus, on décolle du sol. Il faut qu’il y ait un terme à l’exercice du pouvoir. »

Leur divergence est révélatrice d’une différence de philosophie politique. Emmanuel Macron annonçait la couleur à la suite de son élection en 2017. Se présentant en « président Jupiter », il prônait une vision verticale et autoritaire du pouvoir politique qui trouve ses sources dans une tradition de gauche comme de droite. Elle s’est particulièrement manifestée pendant la crise sanitaire, en 2020 et 2021, quand, au nom de la lutte contre le covid 19, les libertés individuelles ont été suspendues (confinements, couvre-feu, passe vaccinal) au titre de l’état d’urgence, tandis que le Parlement était dépossédé de ses prérogatives.

Nicolas Sarkozy affiche au contraire – sur ce dossier – une approche tournée vers le libéralisme politique, inspirée notamment de Montesquieu dans l’Esprit des lois : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. » Pour l’ex-chef de l’Etat, l’interdiction d’un troisième mandat consécutif correspond à la « limite » que préconise le philosophe des Lumières.

« Les cimetières sont plein de gens indispensables qui ont tous été remplacés » selon un dicton parfois prêté à Georges Clemenceau… Le bilan des six dernières années ne plaide pas en faveur d’un prolongement indéfini de l’expérience en cours. Bien entendu, l’équipe actuelle n’est pas responsable de tous les maux qui accablent la France. Mais les faits parlent d’eux-mêmes : niveau de la dette publique (3000 milliards €), du chômage (5 millions de personnes privées d’emploi selon pôle emploi), de la violence quotidienne, de la maîtrise de l’immigration (350 000 premiers titres de séjour et 150 000 demandeurs d’asile en 2022 – un record absolu), de la misère (9 millions de pauvres selon l’INSEE), des prélèvements obligatoires records (45% du PIB), de l’inflation galopante, du déficit extérieur abyssal, de l’état de l’école et de l’hôpital. Qui peut sérieusement prétendre, en tout bonne foi, qu’un redressement spectaculaire est à l’œuvre depuis six ans ?

D’ailleurs, la perspective d’un troisième mandat serait contraire aux valeurs de la démocratie. Le président de la République est dans une position ultra-favorable pour faire campagne. Il dispose d’un véritable privilège médiatique, apparaissant quasiment tous les jours, et s’exprimant de manière insatiable sur tous les sujets et sous tous les prétextes. Sa présence envahissante favorise un conditionnement des esprits, amplifié par l’esprit courtisan qui prévaut dans les principaux médias radio-télévision. En outre, le déclin de l’esprit critique résultat de l’effondrement du niveau scolaire en histoire, français et philosophie favorise la manipulation des esprits et le culte du sauveur providentiel qui s’exprime aujourd’hui dans l’image d’Emmanuel Macron comme unique rempart contre les dits « extrêmes » –  alors que ceux-ci n’ont jamais été aussi puissants, électoralement, que depuis 2017. L’équité d’une élection au suffrage universel est inconcevable avec un président qui se présenterait pour la troisième fois.

A l’inverse, l’usure du pouvoir (« Dix ans ça suffit ! » clamaient les manifestants de 1968) accélérée dans le contexte d’une présidence surmédiatisée, entraîne l’impopularité, la haine sinon la fureur d’une partie de l’opinion se focalisant sur l’image d’une personne. Ce point n’est pas contradictoire avec le précédent car les deux vont de pair : soumission passive des uns et révolte des autres. Une présidence d’une durée indéfinie aggraverait encore les déchirements du pays.

Enfin l’exercice prolongé du pouvoir favorise la déconnection comme le souligne l’ancien président Sarkozy.  La vie dans les palais et les avions, entouré de serviteurs et de courtisans, dans l’obsession de la courbe des sondages de popularité, se traduit par une coupure radicale avec la vie quotidienne des Français. L’incompréhension totale entre le président et le peuple s’est exprimée lors de la réforme des « 64 ans » réalisée contre 90% des travailleurs et dont les avantages attendus (dérisoires) sont loin de couvrir les ravages commis sur le plan de la cohésion nationale. Pis : la déconnection débouche sur le mépris quand un chef de l’Etat traite certains de ses compatriotes de « sans dents » ou d’autres formules tout aussi élégantes. Une formule permettant trois mandats, soit quinze ans – et pourquoi pas vingt ans ? – risquerait d’amplifier les fléaux de l’entre-soi, du copinage, du clanisme et de la corruption. 

On peut toujours extrapoler sur la durée optimale d’un mandat présidentiel : 5, 6 ou 7 ans. Faute de consensus, une réforme constitutionnelle est improbable. En l’état, le quinquennat renouvelable une seule fois semble être la moins mauvaise des solutions. Mettre fin à l’interdiction du troisième mandat ouvrirait la voie vers des aventures de sinistre augure.

MT

Author: Redaction

« Funeste connerie »: l’idée de supprimer l’interdiction d’un troisième mandat présidentiel est dangereuse (pour Figaro Vox)

 Selon une information largement diffusée le 31 août, le président Macron aurait déclaré, lors de sa rencontre avec les chefs de partis, que la limitation à deux mandats présidentiels constituait une « funeste connerie ». Faut-il interpréter ces propos, s’interrogent certains commentateurs, comme une intention d’abroger cette limitation pour ouvrir la voie à une éventuelle réélection en 2027 ?

Elle fut introduite par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, à la demande personnelle du président Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, ce dernier persiste et signe. S’opposant frontalement à son second successeur sur ce point, il justifie ainsi le bien-fondé de cette limitation : « Le pouvoir, c’est dangereux, on s’y habitue, c’est une drogue dure. On s’enferme, on n’écoute plus, on décolle du sol. Il faut qu’il y ait un terme à l’exercice du pouvoir. »

Leur divergence est révélatrice d’une différence de philosophie politique. Emmanuel Macron annonçait la couleur à la suite de son élection en 2017. Se présentant en « président Jupiter », il prônait une vision verticale et autoritaire du pouvoir politique qui trouve ses sources dans une tradition de gauche comme de droite. Elle s’est particulièrement manifestée pendant la crise sanitaire, en 2020 et 2021, quand, au nom de la lutte contre le covid 19, les libertés individuelles ont été suspendues (confinements, couvre-feu, passe vaccinal) au titre de l’état d’urgence, tandis que le Parlement était dépossédé de ses prérogatives.

Nicolas Sarkozy affiche au contraire – sur ce dossier – une approche tournée vers le libéralisme politique, inspirée notamment de Montesquieu dans l’Esprit des lois : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. » Pour l’ex-chef de l’Etat, l’interdiction d’un troisième mandat consécutif correspond à la « limite » que préconise le philosophe des Lumières.

« Les cimetières sont plein de gens indispensables qui ont tous été remplacés » selon un dicton parfois prêté à Georges Clemenceau… Le bilan des six dernières années ne plaide pas en faveur d’un prolongement indéfini de l’expérience en cours. Bien entendu, l’équipe actuelle n’est pas responsable de tous les maux qui accablent la France. Mais les faits parlent d’eux-mêmes : niveau de la dette publique (3000 milliards €), du chômage (5 millions de personnes privées d’emploi selon pôle emploi), de la violence quotidienne, de la maîtrise de l’immigration (350 000 premiers titres de séjour et 150 000 demandeurs d’asile en 2022 – un record absolu), de la misère (9 millions de pauvres selon l’INSEE), des prélèvements obligatoires records (45% du PIB), de l’inflation galopante, du déficit extérieur abyssal, de l’état de l’école et de l’hôpital. Qui peut sérieusement prétendre, en tout bonne foi, qu’un redressement spectaculaire est à l’œuvre depuis six ans ?

D’ailleurs, la perspective d’un troisième mandat serait contraire aux valeurs de la démocratie. Le président de la République est dans une position ultra-favorable pour faire campagne. Il dispose d’un véritable privilège médiatique, apparaissant quasiment tous les jours, et s’exprimant de manière insatiable sur tous les sujets et sous tous les prétextes. Sa présence envahissante favorise un conditionnement des esprits, amplifié par l’esprit courtisan qui prévaut dans les principaux médias radio-télévision. En outre, le déclin de l’esprit critique résultat de l’effondrement du niveau scolaire en histoire, français et philosophie favorise la manipulation des esprits et le culte du sauveur providentiel qui s’exprime aujourd’hui dans l’image d’Emmanuel Macron comme unique rempart contre les dits « extrêmes » –  alors que ceux-ci n’ont jamais été aussi puissants, électoralement, que depuis 2017. L’équité d’une élection au suffrage universel est inconcevable avec un président qui se présenterait pour la troisième fois.

A l’inverse, l’usure du pouvoir (« Dix ans ça suffit ! » clamaient les manifestants de 1968) accélérée dans le contexte d’une présidence surmédiatisée, entraîne l’impopularité, la haine sinon la fureur d’une partie de l’opinion se focalisant sur l’image d’une personne. Ce point n’est pas contradictoire avec le précédent car les deux vont de pair : soumission passive des uns et révolte des autres. Une présidence d’une durée indéfinie aggraverait encore les déchirements du pays.

Enfin l’exercice prolongé du pouvoir favorise la déconnection comme le souligne l’ancien président Sarkozy.  La vie dans les palais et les avions, entouré de serviteurs et de courtisans, dans l’obsession de la courbe des sondages de popularité, se traduit par une coupure radicale avec la vie quotidienne des Français. L’incompréhension totale entre le président et le peuple s’est exprimée lors de la réforme des « 64 ans » réalisée contre 90% des travailleurs et dont les avantages attendus (dérisoires) sont loin de couvrir les ravages commis sur le plan de la cohésion nationale. Pis : la déconnection débouche sur le mépris quand un chef de l’Etat traite certains de ses compatriotes de « sans dents » ou d’autres formules tout aussi élégantes. Une formule permettant trois mandats, soit quinze ans – et pourquoi pas vingt ans ? – risquerait d’amplifier les fléaux de l’entre-soi, du copinage, du clanisme et de la corruption. 

On peut toujours extrapoler sur la durée optimale d’un mandat présidentiel : 5, 6 ou 7 ans. Faute de consensus, une réforme constitutionnelle est improbable. En l’état, le quinquennat renouvelable une seule fois semble être la moins mauvaise des solutions. Mettre fin à l’interdiction du troisième mandat ouvrirait la voie vers des aventures de sinistre augure.

MT

Author: Redaction