La stratégie nationale en intelligence artificielle.
Éditorial des ministres.
Il y a à peine plus d’un an, de nombreux experts de l’intelligence artificielle se demandaient encore quand un ordinateur serait capable de battre une fois un des meilleurs champions au jeu de Go… Cette étape est désormais loin derrière nous : depuis début 2016, une IA a démontré sa capacité à se nourrir des stratégies de millions de parties pour apprendre à vaincre les meilleurs joueurs à ce jeu particulièrement complexe et difficile à automatiser.
Ces récents progrès de la recherche en intelligence artificielle sont riches d’opportunités de création de valeur au service du plus grand nombre, comme de croissance économique pour notre pays. Ils représentent également un défi majeur pour les pouvoirs publics : la France doit se donner les moyens d’anticiper ces cycles d’innovation de plus en plus rapides, afin d’en saisir au mieux le potentiel au bénéfice de notre pays, et de peser sur le paysage futur de l’intelligence artificielle dans le monde.
C’est tout l’enjeu de la stratégie France IA, que nous lançons aujourd’hui. Nous bénéficions d’atouts exceptionnels dans ce domaine, à commencer par une offre de formation de qualité et des chercheurs dont l’excellence est reconnue dans le monde entier. Les écosystèmes d’innovation particulièrement dynamiques de la French Tech, comme nos grands groupes industriels dont certains se sont déjà emparés du sujet, représentent également des débouchés naturels pour les transferts d’innovation dans ce domaine. Enfin, nous disposons d’un cadre législatif et réglementaire favorable, en particulier la loi pour une République numérique, qui consacre la logique de production, diffusion et circulation des données comme un levier de croissance pour nos entreprises innovantes, et comme un carburant indispensable au développement de l’intelligence artificielle.
Le but de la stratégie France IA est de tirer le meilleur parti de ce potentiel pour préparer l’avenir, dans l’intérêt de notre économie et du rayonnement international de la France, avec pour boussole le progrès social. Pour y parvenir, nous devons tout d’abord identifier et fédérer l’ensemble des acteurs afin de favoriser la structuration d’une véritable filière industrielle de l’intelligence artificielle dans notre pays.
Nous ne pouvons pas, par ailleurs, nous exonérer d’une réflexion éthique poussée sur des technologies radicalement nouvelles, dont l’important potentiel de création de nouveaux produits et services innovants peut également être porteur d’inquiétudes pour nos équilibres économiques et sociaux, la sécurité et le respect des droits. La loi pour une République numérique a ainsi créé et confié cette mission à la Commission nationale informatique et libertés, qui saura organiser les conditions d’un débat riche, apaisé, et utile.
La définition d’objectifs tels que le respect de la vie privée et du principe de libre disposition des données personnelles, la transparence et la responsabilisation des acteurs, ou encore la contribution au bien-être collectif doivent être au cœur du modèle français de l’Intelligence Artificielle. Les progrès de l’IA sont inéluctables… Nous devons être parmi les leaders mondiaux dans ce domaine pour le développer à notre avantage et utiliser les nouvelles opportunités qu’il apporte dans des applications conformes à nos valeurs.
Contexte.
L’intelligence artificielle de plus en plus débattue Au niveau mondial, de très nombreuses initiatives ont récemment vu le jour, tant au niveau public qu’au niveau privé.
Aux Etats-Unis, l’administration Obama a lancé un plan intitulé « Preparing for the future of artificial intelligence » et a publié très récemment son rapport « Artificial Intelligence, Automation, and the Economy » ; Google, Amazon, Facebook, IBM et Microsoft ont récemment annoncé leur « Partnership on artificial intelligence to benefit people and society » ; Le PDG de Tesla Motors Elon Musk et Sam Altman ont créé l’institut OpenAI…
En France, les travaux et initiatives se sont démultipliés: rapport de l’Institut des Métiers et des Technologies, rapport des pôles de compétitivité, livre blanc de l’Institut national pour la recherche en intelligence artificielle (INRIA), soirées thématiques dans les Techplaces , lancement par des entrepreneurs et investisseurs de La French Tech de l’initiative « France is AI » pour fédérer les acteurs économiques émergents, mise en place d’un nouveau Groupe de Recherche IA au CNRS , création de Serena Capital, un nouveau fonds d’investissement spécialisé en IA ; organisation d’un colloque sur l’Intelligence artificielle par l’Académie des Sciences fin 2016 ; thème principal de la prochaine édition de Futur en Seine ; mission en cours à l’Office parlementaire de l’évaluation des choix scientifiques et techniques sur les enjeux de l’IA….
L’Intelligence Artificielle… investissement d’avenir
- D’une part, l’IA pose les questions fondamentales sur l’éthique, la morale et nos valeurs. D’autre part, l’IA constitue une formidable opportunité pour innover et créer les entreprises de demain, en se basant sur une recherche d’excellence.
- Les progrès rapides de l’IA et leurs applications possibles peuvent cependant susciter des inquiétudes légitimes : risques de restriction des libertés individuelles, de génération de krachs boursiers, craintes pour l’emploi, manque de transparence, risque d’abus dans le marketing hyperciblé, question de la responsabilité en cas d’accident (voiture autonome), etc.
- Pourtant, l’intelligence artificielle est aussi porteuse d’opportunités de progrès et d’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre : la recherche d’emploi intelligente, la médecine personnalisée, les prothèses intelligentes, les systèmes intelligents de gestion de l’énergie ou des transports, l’aide aux personnes handicapées ou aux victimes, constituent autant de perspectives d’avancées pour construire un avenir durable.
- Alors que l’intelligence artificielle et l’algorithmique sont aujourd’hui potentiellement présentes dans tous les domaines d’innovation, investir dans l’IA doit être une priorité pour la France et l’Europe. La stratégie France IA vise ainsi à tirer le meilleur parti de l’excellence de la recherche française dans le domaine, et de notre potentiel de transfert technologique.
QU’EST-CE QUE L’IA ?
Marvin Minsky, l’un des fondateurs de l’Intelligence artificielle, donnait la définition suivante : « L’IA consiste à faire faire à une machine ce que l’homme fait moyennant une certaine intelligence ». Cette définition apparait aujourd’hui trop restrictive, car elle se limite à des processus logiques qui peuvent s’appliquer à des objets de recherche circonscrits, tels que le jeu d’échecs ou la démonstration automatique de théorèmes.
L’informatique actuelle tend vers une définition plus opérationnelle et dont l’acception est plus large.
Selon cette approche, l’IA consiste à parvenir à faire faire aux machines, ce que l’homme fait aujourd’hui mieux qu’elles, notamment s’adapter, apprendre, communiquer et interagir d’une manière riche et variée avec leur environnement.
Une Stratégie IA pour la France
Présentation du projet.
Les technologies d’intelligence artificielle représentent un potentiel majeur pour la recherche, le développement de nouveaux produits et services et de filières industrielles innovantes, mais posent également de nombreuses questions éthiques, sociales et sociétales. Dans ce contexte, le Gouvernement souhaite mobiliser tous les membres de la communauté IA et fédérer les nombreuses initiatives émergentes en France pour définir une stratégie nationale concertée et mettre en avant le potentiel de la France dans ce domaine essentiel pour l’avenir.
Ainsi, pendant deux mois, des chercheurs, entreprises et startups vont se réunir pour contribuer à définir les grandes orientations de la France en matière d’intelligence artificielle.
20 janvier 2017 Evénement « Kick-off » : lancement de la Stratégie IA pour la France, en présence du comité de pilotage et des groupes de travail
- 21 février 2017
Point de mi-parcours : les responsables des groupes remettent une note prospective sur les priorités et enjeux de leur domaine d’étude - Du 21 février au 7 mars 2017
Ateliers-relais dans des Tech Places : des échanges thématiques avec les startups de l’écosystème se tiendront dans plusieurs incubateurs. - 14 mars 2017
Fin des travaux : les groupes remettent leurs recommandations ou propositions d’actions au comité de pilotage. - 21 mars 2017
Réunion du comité d’orientation : les responsables présentent l’analyse et les propositions formulées par leur groupe au comité d’orientation - 28 mars 2017 Les journées de l’IA !
Remise des conclusions du rapport lors d’un événement associant l’ensemble des parties prenantes
Présentation des groupes de travail
- Groupe 0 : Cartographie.
- Thème 1 : Orienter la recherche amont et développer les compétences.
- Groupe 1.1 : Identification et priorisation des sujets de recherche amont.
- Groupe 1.2 : Identification et priorisation des besoins en formation.
- Thème 2 : Industrialiser et transférer les technologies de l’IA vers les secteurs économiques en maximisant les retombées économiques sur le territoire national
- Groupe 2.1 : Industrialisation et appropriation des résultats de la recherche par les entreprises.
- Groupe 2.2 : Développement, sur le territoire national, de l’écosystème des fournisseurs français de technologies d’IA et de leurs utilisateurs.
- Groupe 2.3 : L’IA dans le véhicule autonome et la mobilité.
- Groupe 2.4 : L’IA dans les finances.
- Groupe 2.5 : L’IA dans la relation client et le commerce.
- Thème 3 : Préparer un cadre favorisant le développement de l’IA en prenant en compte les considérations macroéconomiques et sociales, éthiques, de souveraineté et de sécurité nationale.
- Groupe 3.1 : Souveraineté et sécurité nationale.
- Groupe 3.2 : Anticiper les impacts macroéconomiques et sociaux de l’IA.
- Thème 1 : Orienter la recherche amont et développer les compétences.
Gouvernance
- Thierry Mandon : Comité d’orientation.
- Axelle Lemaire : Secrétaire d’Etat chargé de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur,
- Louis Schweitzer : Secrétaire d’Etat chargée du Numérique et de l’Innovation,
- Cédric Villani : Commissaire général à l’Investissement
- Jean Ponce : Professeur à l’Université de Lyon, Directeur de l’Institut Henri Poincaré, Médaille Fields 2010
- Antoine Petit : Professeur à l’Ecole Normale Supérieure, Directeur du département informatique de l’ENS, Responsable de l’équipe-projet WILLOW commune à l’ENS, l’INRIA et au CNRS
- Hervé Zwirn : Président Directeur général de l’Institut national de recherche en informatique automatique (INRIA), membre du Conseil National du Numérique. Directeur de Recherche au CNRS, Directeur Exécutif du Consortium de Valorisation Thématique Athéna, Président du Collège de Physique et de Philosophie
Les responsables de groupes de travail sont également membres du comité d’orientation.
Comité de pilotage
Le comité de pilotage est composé de membres du Secrétariat d’Etat en charge de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, du Secrétariat d’Etat en charge du Numérique et de l’Innovation, de la Direction Générale des Entreprises et de la Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation.
Des financements publics pour l’IA
Dans la continuité des PIA 1 et 2, le PIA 3 permettra de renforcer les filières scientifiques à l’université ainsi que les programmes de recherche en intelligence artificielle, le transfert de ces technologies aux entreprises et, in fine, soutenir le développement de produits et services innovants.
Déjà, les appels à projets collaboratifs comme « les grands défis du numérique » permettent de financer des projets d’IA ambitieux, associant industriels et laboratoires. Les concours d’innovation du PIA ont permis de soutenir plusieurs start-up comme Angus, Databerries, Deepki, Deepomatic ou Snips proposant des offres innovantes basées sur l’IA.