Voici mes réponses aux questions du site Atlantico sur l’avenir politique de la France après les élections de 2017, ce matin même.
Concrètement, au regard de la situation actuelle, à quoi ressemblerait un quinquennat Fillon ? Sommes-nous en train de nous diriger vers un quinquennat besogneux marqués par les traces qu’auront laissées les affaires de la campagne et les poisons distillés par la primaire ?
Vous posez une question essentielle, ignorée dans le débat actuel qui se limite à l’écume des choses et aux émotions le jour le jour: que peut-il se passer après les élections de mai juin 2017? Nous sommes plongés dans un chaos sans précédent et nul ne veut ouvrir les yeux. M. Fillon garde en effet ses chances d’être élu, au delà du maelstrom actuel. Il reste deux mois. Son lynchage médiatique ne peut pas durer éternellement et finit par lasser l’opinion. A l’approche des élections, le passionnel va laisser la place au principe de réalité. Dès lors, l’envie d’alternance reviendra au premier plan. Quant à M. Macron, il commence à montrer son inexpérience et ses limites. Le mythe peut s’effondrer à tout moment. M. Fillon, en tête-à-tête au second tour avec Mme Le Pen aurait alors toutes les chances de gagner. Oui, mais après? De fait, tout le système politique français repose sur le prestige présidentiel et l’autorité qu’il confère au titulaire de la fonction. En réalité le président a fort peu de pouvoirs propres et sa capacité d’action dépend de son autorité sur une majorité. Or, la fonction présidentielle est totalement discréditée depuis quelques années. L’élection du chef de l’Etat au suffrage universel ne suffit plus à assurer son autorité. La fonction est déjà gravement affaiblie mais en outre, les conditions de son éventuelle élection, par défaut, à l’issue d’un scandale, vont encore réduire sa marge d’action. M. Fillon, quoi qu’il arrive aura un mal fou à trouver une majorité stable et cohérente pour faire voter les mesures prévues par son programme. Nous vivons une révolution institutionnelle que personne ne veut voir: la disparition de l’autorité présidentielle sur laquelle reposait le régime.
Si on regarde l’échec de 1997 (qui s’explique largement par l’incapacité à gérer le traumatisme Chirac-Balladur), et les guerres vécues par la droite pendant tout le quinquennat de François Hollande, peut-on imaginer que François Fillon serait un président capable de régner sur autre chose que le périmètre du palais de l’Élysée ? (Matignon pourrait lui échapper sous la pression des Sarkozystes, le groupe parlementaire de l’assemblée également).
La chance électorale de François Fillon, c’est que la situation serait encore infiniment pire pour Mme le Pen ou pour M. Macron, ses principaux adversaires selon les sondages. La première se trouverait face à une Assemblé résolument et quasi unanimement hostile. Elle ne pourrait absolument rien faire et la crise de régime atteindrait son paroxysme. On n’ose imaginer jusqu’où une situation de ce type conduirait la France. Quant à M. Macron, qui n’est pas soutenu par le parti socialiste, il se retrouverait face à une Assemblée hétéroclite, sans majorité, et une France totalement ingouvernable. Les analyses et les commentaires, noyés dans le sensationnel, oublient de rappeler ces évidences. Un éventuel quinquennat de M. Fillon s’annonce extrêmement chahuté. Plus encore que Sarkozy peut-être, il est détesté par la plupart des médias. Sa posture de conservateur, libéral, chrétien, provincial, soutien des « manif pour tous » et son style réservé, distant, le voue à une vindicte dont on a du mal à se représenter les proportions qu’elle risque de prendre, dans la presse, sur les radios, les télévisions et les réseaux sociaux. Il aurait le profil type du président paria, bouc émissaire des frustrations et des angoisses de la société françaises. Dans ces conditions, comment asseoir une autorité sur la majorité dont les déchirements idéologiques et les rancoeurs personnelles ne cesseront de s’aggraver au fil de son humiliation quotidienne?
Peut-on dire que le Penelope Gate a finalement eu un effet positif pour le candidat LR en l’obligeant à rassembler plus largement des voix au sein de son parti (auprès de François Baroin, Nicolas Sarkozy etc…) ?
En vérité, tout dépendra de l’attitude de M. Fillon face à une situation aussi trouble et chaotique. Je ne le connais pas assez pour pouvoir préjuger de ce que sera son analyse de l’état du pays et son comportement. Il serait à mes yeux suicidaire de continuer comme si rien ne s’était passé. Le modèle du chef de l’Etat issu du quinquennat présidentiel, sur-médiatisé, tout puissant, donnant l’illusion de tenir seul la barre du pays me semble définitivement et radicalement obsolète. Cible du monde médiatique et des réseaux sociaux, l ‘« hyper président » à la mode française depuis les années 2000, devient inévitablement un gibier de potence réduit à parer les coups et à faire peu à peu naufrage dans l’impuissance, la fuite dans la communication à outrance et l’humiliation nationale. Mon vœux le plus cher est que le futur chef de l’Etat ait la lucidité de comprendre ce phénomène. Dès lors, la seule solution qui s’offre à lui pour réussir son mandat est de piloter le pays dans une relative discrétion médiatique, s’appuyer sur un puissant Premier ministre, des ministres déterminés et audacieux, et une majorité engagée sur la réalisation d’un programme législatif établi en pleine concertation avec elle. Il me semble que le dialogue, la confiance, la concertation, le partage du pouvoir et des responsabilités, le choix délibéré du collectif, sont la seule issue pour le prochain chef de l’Etat. Sans quoi, nous allons au désastre assuré.
Maxime TANDONNET (pour Atlantico)