1-Le dimanche 10 décembre prochain, les 234 908 adhérents « les Républicains » à jour de cotisation sont invités à participer à l’élection à la présidence de leur parti lors de la session du Congrès. Comment cette campagne à la présidence, qui s’est dessinée depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence, a t elle changé au parti ? Le parti y a t il gagné quelque chose « intellectuellement » ?
Les échecs électoraux de 2017 ont représenté un traumatisme infini pour LR qui se situait dans la logique d’une alternance et d’une victoire quasi certaine après l’effondrement du quinquennat de M. Hollande. A l’issue du plus effroyable scandale politique de l’histoire de la Ve République pendant une campagne nationale, LR a été battu par un homme que nul ne connaissait quelques années auparavant et qui n’était autre que l’ancien conseiller et ministre de l’économie du président sortant… Puis aux législatives, LR mordait de nouveau la poussière devant un parti LREM tout juste sorti du néant. Pour le mouvement héritier du courant gaulliste, c’était plus qu’une défaite, une humiliation. Comme souvent, les moments les plus tragiques, quand le fond de l’abîme est atteint, sont propices à une remise en question fondamentale. Un rapport sur la refondation des Républicains a été rédigé et publié en novembre 2017. C’est un beau texte qui renouvelle profondément les conceptions du mouvement : appel au renouveau du débat d’idées, rejet du culte du chef, volonté de répondre aux questions de fond qui préoccupent les Français, sur l’avenir de la nation, les frontières, l’intégration, la maîtrise des flux migratoires, l’identité de la France. Pour les opposants à cette évolution, le réflexe de Pavlov est à la caricature et l’on parle de droitisation ou de « lepénisation ». Or, écouter ce qu’ont à dire 60 à 80% des Français, tenter de leur apporter une réponse à la fois réaliste et respectueuse des droits fondamentaux, ce n’est rien d’autre que la démocratie, et non la « droitisation ».
2- Selon des propos rapportés par le Financial Times, le politologue français Laurent Bouvet indique que Laurent Wauquiez réitère la stratégie victorieuse de Nicolas Sarkozy en 2007, notamment sur les thèmes de l’identité et de l’immigration, à la différence que le probable futur numéro 1 du parti doit aujourhdui composer sans les centristes, partis chez LREM. Les « centristes » ont il réellement rejoint Emmanuel Macron ? Dans un tel cas, ne s’agit il pas d’un moyen de sortir de la confusion idéologique existante au sein du parti, sur les questions européennes par exemple ?
Les choses sont plus compliquées que cela. Une partie des centristes ont rejoint le camp de M. Macron : le modem, une partie de l’UDI. Cependant, une autre partie des centristes reste plus ou moins solidaire de LR, autour de M. Morin assez proche des idées de LR. De plus, la mouvance centriste reste très instable et adaptable. Elle peut basculer dans un camp ou dans un autre en fonction des rapports de force et de ses intérêts électoraux. Mais il est vrai que la recomposition se poursuit. On sent bien que les choses continuent à bouger. Le schéma de type UMP comme union « du centre et de la droite » avec forte prédominance des idées centristes, est dépassé. C’est plutôt le RPR du début des années 1980 qui est en train de se reconstituer, une formation conservatrice, qui mettra en avant le libéralisme économique et la défense de l’identité de la France, sa culture, ses traditions, le refus du communautarisme, la sécurité et la maîtrise des frontières. Une partie des personnes tentées par l’abstention ou un vote de protestation par dépit et désespoir, pourra se retrouver dans cette approche. En revanche, sur l’Europe, un ton nouveau est à inventer qui concilie les points de vue. Le fond idéologique des sympathisants de LR n’est pas anti-européen. L’enjeu, pour les futurs dirigeants du mouvement, n’est pas de vouloir sortir de l’Union européenne, mais de l’arracher à une logique bureaucratique qui la ronge insidieusement, la démocratiser et la rapprocher des citoyens et des nations pour revenir à l’idéal d’une union toujours plus étroite entre les peuples.
3- Quelles sont les forces et les faiblesses de ces nouveaux « LR » qui se profilent, aussi bien au niveau idéologique qu’au niveau électoral ?
Tout le problème tient à l’image de la politique. Il ne suffit pas de convaincre des militants mais de toucher le cœur de la France. L’image que donnent les responsables politiques, depuis des décennies, est accablante. Les gens ont le sentiment que les politiques sont obnubilés par leurs intérêts personnels, leur carrière, leur obsession maladive d’accéder à l’Elysée puis de s’y maintenir et par conséquent ne se préoccupent plus de l’intérêt général. C’est pourquoi ils ont donné un grand coup de balais à la classe politique traditionnelle en 2017. Mais par un incroyable ironie de l’histoire, les nouveaux ne font pas mieux que les anciens… L’enjeu fondamental, pour M. Laurent Wauquiez et les nouveaux dirigeants de LR, c’est de rompre avec cette vision. Il faut arriver à prouver aux Français leur détermination à en finir avec une politique qui se limite le plus souvent à la communication et à la posture. Il faut réussir à les convaincre de leur volonté de réhabiliter une politique de l’action efficace et authentique, tournée vers le monde réel et non les chimères et les manipulations. Le défi est gigantesque. Le contexte politique est plutôt favorable aux nouveaux dirigeants de LR : avec l’effondrement du PS et la crise du FN, ils se présentent comme la seule alternance crédible dans les années à venir. On peut présumer qu’une usure du pouvoir accélérée guette les dirigeants actuels. Cependant, elle ne profitera à LR que si mouvement réussit à faire passer le message d’une volonté absolue de probité, d’en finir avec le culte du « je », de restaurer la politique comme un mode d’action tourné vers le seul bien commun. Le défi est de taille…