Ci-dessous mon compte-rendu du débat de second tour pour le Figaro Vox. Ce débat était l’aboutissement d’une manipulation qui dure depuis 5 ans et destinée à assurer la réélection malgré tout du président Macron. Une opération réussie au-delà de toute espérance! Mais franchement, au prix de quelle médiocrité! La France ne méritait pas une chose pareille.
Ce duel entre Marine le Pen et Emmanuel Macron, ce débat de second tour du 20 avril, les Français n’en voulaient à aucun prix. A l’image de multiples enquêtes d’opinion sur ce thème, un sondage de février 2020, publié par Marianne, le confirmait sans le moindre doute possible : 80% des Français, soit 8 français sur 10 espéraient l’éviter. Et pourtant, ils n’ont pas réussi à y échapper. Pourquoi ?
« Celui qui contrôle la peur des autres devient maître de leur âme » a écrit Machiavel. Face aux Gilets Jaunes puis lors de la crise sanitaire et au moment de l’invasion de l’Ukraine, le président Macron s’est imposé dans la posture du « chef de guerre », notamment aux yeux d’une bourgeoisie âgée et apeurée. Ainsi se présentait-il en archi favori à sa propre succession, non pour son bilan, ni pour son projet, mais par un réflexe légitimiste face à des crises qui n’en finissent pas de s’enchaîner…
Quant à Marine le Pen, elle est, depuis cinq ans, largement promue par la puissance médiatique en opposante quasi-officielle bénéficiant d’une couverture télé/radio digne d’un chef de l’Etat. Selon une enquête réalisée dans le cadre du « projet Arcadie » réalisée entre 2018 à 2020 sur l’exposition médiatique des parlementaires, son temps de parole (197 heures) pulvérise celui de tous ses adversaires (trois fois celui du leader socialiste Olivier Faure…)
Ce débat que les Français ne voulaient pas s’est donc imposé à eux, du fait des circonstances et d’un certain matraquage sondagier et médiatique. Les Français n’en voulaient pas mais le « Système », comme disait le Général de Gaulle, les a condamnés à subir une nouvelle fois ce débat.
Toutefois, par rapport à d’autres débats récents, les deux adversaires ont su préserver une certaine dignité et correction. Ils ne se sont que rarement invectivés ou coupés la parole, donnant même l’impression, par moment, de se respecter… De 21 H à près de minuit, ce débat s’est révélé sans grande surprise, beaucoup plus équilibré que cinq ans auparavant quand M. Macron avait écrasé la candidate le Pen.
Le président Macron se montrait fidèle à lui-même, extrêmement professoral, précis, maîtrisant au mieux ses dossiers, frôlant en permanence l’arrogance, y compris envers les journalistes. Il ne s’est jamais départi de son autosatisfaction sur tous les sujets : chômage, hôpital, énergie, sécurité, immigration. En cinq ans, à ses yeux tout avait été parfait ou presque. Dans un débat assez technique, il ne cessait de marquer des points sur le plan de la compétence et de la technicité, mettant plusieurs fois sa concurrente face à ses contradictions ou ses approximations.
Mme le Pen était aussi égale à elle-même, parfois confuse, imprécise et démagogue. Elle frôlait le désastre avec ses propositions illusoires telle que l’interdiction du foulard sur la voie publique dont son concurrent n’avait aucun mal à montrer le caractère irréaliste. De même manifestait-elle d’invraisemblables lacunes sur la Constitution, confondant l’article 11 (référendum sur l’organisation des pouvoirs publics) et l’article 89 (référendum de révision constitutionnelle). Là aussi Monsieur Macron n’avait aucun mal à la mettre face à sa contradiction dès lors que son raisonnement aboutissait à écarter le Parlement du processus de révision constitutionnelle alors qu’elle venait de se prononcer en faveur de son renforcement. Mais à une heure avancée de la nuit, qui cela pouvait-il bien intéresser ?
Paradoxalement, elle donnait le sentiment de prendre l’ascendant sur le plan de l’empathie et de la sensibilité à la souffrance populaire sur laquelle elle ne cessait de revenir. Sa prestation pouvait donner au téléspectateur une image nettement moins compétente mais plus sincère et plus proche du peuple que celle de son adversaire … Elle tentait de mettre les rieurs de son côté à propos des éoliennes (accusant de président Macron d’en saturer les côtes maritimes « sauf au Touquet ») suscitant l’exaspération de ce dernier. Ses critiques virulentes contre les résultats de la politique économique du quinquennat (dette publique, chômage, pauvreté, commerce extérieur) ont eu de même pour effet de faire sortir Emmanuel Macron de ses gonds…
Une certitude en tout cas : ce débat, plus politicien que politique au sens noble du terme, ne changera pas grand-chose à la suite de l’élection présidentielle et ne marquera pas l’histoire politique française… L’exercice de « politique spectacle » était plutôt réussi avec, face à face, deux adversaires qui se toisent depuis cinq ans. Cette nouvelle rencontre de l’autosatisfaction et de la démagogie, décousue, s’est souvent empêtrée dans les détails et les polémiques. Mais à aucun moment les grands sujets qui engagent l’avenir du pays n’ont été abordés avec la hauteur qui sied à l’élection présidentielle : la réindustrialisation du pays, la place de la France dans le monde, l’avenir de notre système éducatif et le redressement intellectuel du pays, la lutte contre la fracture sociale et la préservation de l’unité nationale, la refondation de la démocratie française…
MT