Le célèbre politologue Guillaume Bernard a été interrogé par nos confrères de VA sur la conférence de presse d’Emmanuel Macron. Extraits :
Emmanuel Macron a pulvérisé et siphonné la gauche sociale-démocrate en 2017 ; il en a fait de même avec la droite libérale en 2022. Le macronisme a toujours été et reste l’expérience française de la « grande coalition », marquant encore plus officiellement que les cohabitations, la réunification du libéralisme culturel (resté à gauche) et du libéralisme économique (qui, entre le milieu du XIXe et du XXe siècles, avait glissé à droite). Comme toute force politique, le macronisme (qui portera un autre nom lorsqu’il sera incarné par une autre personne) cherche à occuper le segment le plus large possible sur le spectre politique. Mais, conquérir l’espace politique « à droite » ne signifie nullement être devenu « de droite ». En fait, le président de la République se focalise sur le côté du spectre politique d’où vient le principal danger, celui qui est en expansion. Il se rend parfaitement compte de la droitisation de l’opinion publique (inquiète par l’immigration, l’insécurité, le fiscalisme, etc.).
Il utilise donc du vocabulaire et des expressions empruntées à la droite nationale. Cependant, parler de réarmement démographique ou souhaiter que la France reste la France peut être compris et interprété de bien des manières. Sont-ce les Français identitairement enracinés qu’il s’agit de voir croître en nombre ou les personnes ayant, juridiquement, la citoyenneté de l’actuel régime en place en France ? C’est le même type de quiproquo qui eut lieu, en 2007, entre Nicolas Sarkozy et une partie de ses électeurs, à propos de l’identité nationale. En outre, faire l’apologie de la natalité tout en constitutionnalisant l’avortement est évidemment contradictoire mais permet de satisfaire tous azimuts : le règne du « en même temps ». Ceci dit, il n’en demeure pas moins qu’Emmanuel Macron contribue à légitimer dans le débat public certains sujets traditionnels de la pensée de droite. Il pourrait donc finalement être pris à son propre piège.