Pour que la motion de censure déposée par NUPES à la suite du recours à l’article 49-3 par le gouvernement, ait eu une chance d’aboutir, il manquait une cinquantaine de voix. Le parti LR qui se réclame de l’opposition n’a pas voulu y participer et apporter le renfort de ses 62 voix. Pour autant, il se réclame toujours de l’opposition au pouvoir macroniste, même si une partie de ses élus est tentée par un accord de gouvernement avec le pouvoir. Les raisons qui ont été invoquées pour refuser le vote de la motion de censure sont pourtant discutables.
La première: Nous ne sommes pas prêts à gouverner. Le vote d’une motion de censure, tel que prévu par l’article 49-3, ne signifie pourtant pas l’intention de remplacer le gouvernement. Il est une marque d’opposition à une loi: le gouvernement fait passer un texte sans vote (ce qui déjà est une aberration du point de vue démocratique) et la motion de censure est dès lors le seul moyen de s’y opposer. Si celle-ci est votée, le texte tombe, le gouvernement démissionne et le PR peut le cas échéant dissoudre l’Assemblée ou constituer un autre gouvernement. Alors les mêmes répondent : oui mais en Allemagne, le Parlement ne peut pas renverser le gouvernement sans proposer un gouvernement alternatif. Peut-être mais la Constitution allemande ne prévoit pas un article 49-3! En France, voter une motion de censure à la suite d’un article 49-3 est un geste d’opposition à une loi sur laquelle on est pas d’accord. Dire à la fois qu’on est contre la loi de finances mais qu’on refuse de voter la motion de censure alors qu’on en a la possibilité est une forme du en même temps à la mode dans le monde politique.
Variante: ils disent, nous sommes responsables, nous ne voulons pas créer de crise politique. Mais la crise est déjà dans les faits, elle est dans la situation économique et sociale désastreuse, dans le drame de l’insécurité qui bouleverse le pays et l’effondrement de son éducation nationale et de son système hospitalier, la fuite en avant du pouvoir dans le spectacle politicien. Le pays subit la crise au quotidien! Alors pourquoi la représentation de la Nation se place-t-elle en marge, à l »abri de cette crise, comme s’auto protégeant du monde réel? Que la crise de société se traduise en politique par une crise politique et que les dirigeants qui ont favorisé cette débâcle soient mis en face de leur responsabilité par le parlement dans le cadre de la motion de censure n’aurait rien de scandaleux.
L’autre argument utilisé par la droite classique est l’immoralité de mêler ses voix à celles de la NUPES et du RN, partis maudits, surtout le second… Pourtant, leurs députés, NUPES et RN, sont tout autant élus au suffrage universel. Dans la tradition républicaine, chacun représente la nation toute entière (d’où la nullité du mandat impératif). Dès lors, la diabolisation de n’importe quel député au sens du refus de mêler sa voix avec celle d’une autre est un geste contraire à l’esprit de la démocratie française. Qui imagine de Gaulle mêler sa voix à celle d’un nupes ou RN? (ai-je lu sur un forum). Réponse: qui imagine de Gaulle refuser de mêler sa voix avec celles-là, présumées diaboliques, pour combattre un texte mettant en jeu selon lui un intérêt national? Certainement pas ceux qui connaissent (un minimum) l’histoire du XXe siècle…
Et si tout cela n’était qu’une vaste hypocrisie, une sorte de jeu de dupes dont le pays est victime. Au fond, le chantage à la dissolution fonctionne à merveille. S’il y avait eu la moindre chance que la motion fût adoptée avec le renfort de LR, les NUPES et le RN se seraient bien gardés eux-mêmes de joindre leur voix. Mais LR avait annoncé à l’avance son désistement (tribune JDD)… Car tous ces braves gens qui entretiennent l’illusion de leur opposition n’ont au fond qu’un but: garder leur siège.
MT
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