Dix-sept ans, déjà…

L’Europe est frappée par l’une des plus graves crises politiques de son histoire depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Après le Brexit, la dissidence en cours de la Hongrie et de la Pologne, puis de l’Italie, la libre circulation Schengen, symbole de l’unification européenne, en charpie, et aujourd’hui, l’Allemagne elle-même, pilier et puissance centrale de cette Europe, se voit gravement ébranlée. Cette désintégration a pour origine la faillite de la politique migratoire des gouvernements et de l’Union européenne.

Il y a dix-sept ans paraissait mon premier ouvrage « Le grand bazar ou l’Europe face à l’immigration », publié aux éditions L’Harmattan en 2001. J’y écrivais: « Tout laisse penser que la question de l’immigration va constituer l’un des défis essentiels du XXIe siècle en Europe […] Tous les ingrédients sont réunis pour faire de la question migratoire une source de tensions, voire de crise dans l’Europe du troisième millénaire ». A l’époque, mon manuscrit avait été refusé par les éditeurs d’essais auxquels je l’avais proposé (Albin, Flammarion, le Rocher). C’est L’harmattan, un éditeur vaguement gaucho et payant mal ses auteurs qui l’avait (courageusement) accepté. Les rares journalistes ayant daigné y jeter un coup d’œil l’avait trouvé réactionnaire. Quelques experts attitrés, ès immigration, me riaient au nez, avec mes prédictions de charlatan.  « Misanthrope, Cassandre, oiseau de mauvais augure »: voilà ce que même mes amis, disaient de moi. « Un livre triste et pessimiste » me dit un ancien ministre que je connaissais.  Aujourd’hui, nous en sommes là. Ce n’est pas l’immigration en soi qui m’inquiétait, les mouvements de populations régulés, maîtrisés, organisés dans le cadre de politiques négociées dans le respect des personnes et des intérêts généraux.  Non, ce qui m’alarmait, c’était le grand chaos et la démission des Etats et des gouvernements sur le sujet dans un climat de déni, d’aveuglement, de lâcheté, et de valorisation des partis extrémistes pour diaboliser le sujet. Et cela ne fait sans doute que commencer. Mais à quoi sert-il d’avoir raison dans un climat écrasé par le grand bêlement conformiste?

Maxime TANDONNET

 

 

Author: Redaction