Discours du Premier ministre – Clôture des Journées de la Refondation de l’Ecole de la République

Madame la ministre, chère Najat VALLAUD-BELKACEM,
Madame la ministre des Outre-Mer, George PAU-LANGEVIN,
Monsieur le ministre de l’Education nationale du Portugal, cher Tiago Brandao RODRIGUES,
Mesdames, messieurs les parlementaires et élus,
Mesdames, messieurs les recteurs, directeurs, inspecteurs et professeurs,
Mesdames et messieurs les personnels de l’Education nationale,
Mesdames, messieurs les représentants des organisations syndicales,
Mesdames, messieurs les représentants des associations de parents d’élèves,
Mesdames, messieurs,
 
Depuis deux jours, vous êtes ici pour échanger sur notre bien commun, sans doute le plus précieux aujourd’hui : l’école. Et sur ce que nous avons initié ensemble, il y a quatre ans : sa refondation.
 
« Refondation » est le mot de circonstance. Car l’école – c’est comme cela que l’ont voulu les premiers grands républicains, mais aussi des hommes comme Jean ZAY, lors du Front populaire, il y a 80 ans, qu’on fête aujourd’hui –, c’est le fondement de tout.
 
C’est à partir de l’école et grâce aux enseignants que chaque enfant doit pouvoir se construire, se former, développer son libre arbitre, s’émanciper.
 
C’est à partir de l’école, et grâce aux enseignants, que se bâtit la société de demain, sa cohésion, son intelligence, et donc sa place dans le monde.
 
Et c’est à partir de l’école – c’est une conviction profonde que nous partageons tous – que se joue le destin de notre Nation.

 
Or, trop souvent, il y a cette crise de confiance qui traverse notre société. Confiance dans l’avenir, dans notre capacité collective à aller de l’avant. Confiance, aussi, dans les institutions publiques, dans leur possibilité d’accompagner chacun. Et refonder notre école, redire avec la plus grande force qu’elle est au cœur des priorités, au cœur de notre projet de société, c’est rebâtir progressivement cette confiance érodée. C’est réaffirmer que si on joue le jeu de l’éducation, de l’implication, alors les mérites seront reconnus.

 
Trop souvent – et vous l’avez dit – l’écart qui existe entre la belle promesse républicaine et la réalité concrète que vivent nos enfants est dévastateur. Il produit du renoncement, de la rancœur. Nous ne pouvions pas accepter, et nous ne pouvons pas accepter cet immense gâchis.
 
Je mesure, donc, le travail accompli … mais je mesure aussi ce qui reste à faire.
 
La refondation de l’école de la République se devait de réformer l’école primaire, le collège et le lycée, de réformer les programmes, la méthode et les moyens. Pourquoi ? Parce que notre système éducatif a trop longtemps été abordé de manière parcellaire, conduisant à une dilution des moyens, mais surtout à une perte de sens.
 
Parce qu’aujourd’hui, l’école de la République – et c’est là le problème essentiel, le défi essentiel – ne permet pas de gommer les différences sociales. Pire, elle accroît le poids des inégalités, des déterminismes ! Entre 2002 et 2012, l’incidence de l’origine sociale des familles sur les performances des élèves a augmenté de 33 %.
 
Toute réforme, pour être pérenne, doit se faire dans le dialogue. Nous avons donc débuté par une grande concertation, réunissant tous les acteurs de la communauté éducative : enseignants, élèves, parents, directeurs d’école et chefs d’établissement, administrateurs, élus, organisations représentatives, personnalités qualifiées, représentants des mondes économique, associatif, culturel, sportif et scientifique …
 
Cette concertation a abouti à la Loi de refondation de l’école de juillet 2013, qui doit tant à l’engagement personnel de Vincent PEILLON. Elle s’est mise en œuvre progressivement, pas à pas, et il reste encore, bien sûr, beaucoup à faire. Des chantiers ont parcouru le quinquennat et ils se déploient bien au-delà…
 
Il fallait commencer par le commencement : l’école primaire, car c’est là – dès le départ – que beaucoup, l’essentiel, se joue.
 
Nous avons renforcé la scolarisation des enfants de moins de trois ans, notamment dans les quartiers populaires, là où on sait qu’il y a le plus de difficultés, là où nous devons lutter inlassablement contre les inégalités qui prospèrent et les ségrégations qui s’installent. Même si le taux de préscolarisation s’élève au niveau national à 11,7 % et atteint 20,6 % en éducation prioritaire, nous sommes encore loin des objectifs que nous nous sommes fixés en 2012 : scolariser 30 % des enfants de moins de trois ans dans les territoires défavorisés et jusqu’à 50 % dans les réseaux d’éducation prioritaire renforcés. Il faut donc poursuivre inlassablement cet effort. Car l’égalité est au cœur, précisément, de la promesse républicaine.
 
Nous nous sommes aussi appuyés sur de nouveaux programmes, pour que les connaissances fondamentales – lire, écrire, compter – soient mieux acquises. Nous avons développé de nouvelles pratiques pédagogiques pour mieux accompagner les élèves, prévenir les difficultés scolaires en mettant plus d’enseignants que de classes dans les écoles des territoires les plus fragiles.
 
Nous avons également engagé la réforme du temps scolaire. C’était nécessaire car notre pays, en 2008, a fait une grave erreur en réduisant le nombre de jours de classe, à rebours de toutes les grandes tendances internationales.
 
Une cinquième matinée de cours a été restaurée, redonnant une continuité dans la semaine scolaire et dans l’organisation des apprentissages. Je reconnais que cela n’a pas été simple, que chacun a dû, d’une certaine manière, se remettre en question. Mais aujourd’hui, les enfants – c’est un fait – sont moins fatigués, plus disponibles pour les enseignements. C’est un acquis important de ce quinquennat.
 
Nous avons enfin agi pour que les enfants du primaire accèdent à plus d’activités périscolaires, complémentaires de l’apprentissage et, elles aussi, réductrices d’inégalités. En deux ans, le nombre de places offertes a triplé. Je salue l’engagement des maires, des élus locaux qui se sont beaucoup investis dans ces nouveaux rythmes. Nous devons continuer à les accompagner. Françoise CARTRON, à qui j’ai confié une mission sur les activités périscolaires, y est particulièrement attachée. Et elle a raison ! Car il faut évaluer en permanence pour corriger, rectifier, approfondir.
 
Il a fallu ensuite prendre à bout de bras la question du collège, car il ne permet pas d’accompagner tous les élèves vers la réussite et l’autonomie : le nombre d’élèves en difficulté à la fin de cette étape importante de la scolarité augmente fortement depuis 2 000. On estime qu’un élève sur quatre, à la fin de la 3e, ne maîtrise pas les compétences en français.
 
L’école, ça ne peut pas être cela ! Ce que nous voulons, c’est agir pour tous les enfants, en accompagnant les plus fragiles vers la réussite tout en répondant, bien sûr, aux aspirations des meilleurs.
 
C’est pour cela que nous voulons encourager la participation en classe, permettre à chaque élève de gagner en assurance, en confiance, mettre en valeur ses compétences autant que ses connaissances, avec plus d’enseignements pratiques, plus de travail en petits groupes, avec un accompagnement, bien sûr, personnalisé. Aujourd’hui, dans le secteur privé comme dans la fonction publique, il n’est plus de problème qui ne soit abordé collectivement, en croisant les expertises et les compétences. Nous marquons également notre confiance aux équipes pédagogiques, éducatives, qui auront plus de marges de manœuvre pour s’adapter aux niveaux et besoins différents des élèves.
 
Accompagner les élèves vers la réussite, c’est aussi renforcer l’accès de tous aux langues vivantes. Nous avions, dans ce domaine, des marges de progression… L’apprentissage d’une seconde langue, qui débutera désormais dès la 5e, est une belle avancée.

Des méthodes et des organisations plus efficaces sont ainsi mises en place. Elles s’accompagnent de nouveaux cycles d’enseignement, de nouveaux programmes et d’un nouveau système d’évaluation, qui doit mesurer les compétences acquises autant que le chemin restant à parcourir. Il doit être compréhensible par les élèves et par leurs familles.
 
Tout, bien sûr, ne sera pas parfait à la rentrée, et je n’ignore rien des débats qui ont lieu autour de cette réforme ; j’y ai même participé. Mais je sais votre engagement à tous pour faire de la réforme du collège un succès. Et nous devons ce langage de vérité : c’est une réforme en profondeur, qui demandera du temps pour porter pleinement ses fruits.
 
Nous avons, enfin, agi pour le lycée, notamment pour améliorer l’orientation post-bac des élèves. Trop de lycéens font encore des choix « par défaut ». Nous les rencontrons régulièrement. Najat VALLAUD-BELKACEM et Thierry MANDON veillent à ce que les choses changent.
 
Les mesures en faveur de la jeunesse que j’ai annoncées en avril contribuent à ce meilleur accompagnement vers l’enseignement supérieur des bacheliers, et notamment les bacheliers professionnels et technologiques. A partir de la rentrée 2017, tous les ans et pendant cinq ans, 2 000 places supplémentaires seront ainsi créées en section de technicien supérieur.
 
Nous luttons, aussi, contre le décrochage scolaire, en donnant à chacun un droit au retour à l’école ou en formation jusqu’à 25 ans ; en donnant à chacun une nouvelle chance. Résultat : alors qu’on comptait, il y a cinq ans, 620 000 jeunes sans diplômes, ils sont aujourd’hui moins de 500 000. Mais c’est encore trop. Nous devons poursuivre cette démarche pour que tous les jeunes décrocheurs puissent accéder à une qualification, s’insérer socialement et professionnellement, retrouver goût à la vie. C’est un des buts du Compte personnel d’activité figurant dans la loi Travail, portée par Myriam EL KHOMRI.
 
A cette réforme globale s’ajoute une réforme ciblée : celle de l’éducation prioritaire. Trente ans après sa création, déjà, par Alain SAVARY, les dispositifs successifs avaient perdu de leur efficacité, entraînant une grande complexité et un saupoudrage des financements. Nous en avons gardé le principe fondateur : donner plus aux écoles et collèges qui concentrent les difficultés. Cette réforme, associée à celle, tout aussi courageuse, de l’allocation des moyens, vise à corriger, là aussi, les inégalités en concentrant les moyens humains et financiers vers les territoires qui en ont le plus besoin.
 
Et dès la rentrée 2016, nous accompagnerons mieux les collégiens volontaires des milieux modestes vers l’enseignement supérieur, grâce aux « parcours d’excellence ».
 
Mesdames, messieurs,
 
Nous refondons l’école – je viens de le dire en quelques mots, le président de la République l’a souligné hier, et vous en parlez depuis 24 heures.
 
Mais rien ne pourra se faire sans les enseignants, qui donnent tant à leurs élèves, qui sont là pour les aider, les encourager à aller plus loin, leur transmettre des savoirs et des valeurs.
 
Je sais, d’expérience, combien faire le choix de ce beau métier est un choix exigeant, difficile. Il l’a toujours été et il l’est peut-être plus encore aujourd’hui. Les professeurs, les jeunes professeurs, ces nouveaux « hussards » de la République, rendent un immense service à la Nation. Chaque jour, consciencieusement, patiemment, ils en préparent l’avenir. Tous sont exposés à de nouveaux défis, qui font que la tâche n’a rien de facile : remise en cause de l’autorité, interpellation permanente de la société, multiplication des sources d’information.

 
Parce que le métier d’enseignant ne s’apprend pas « sur le tas », vous l’évoquiez il y a un instant, nous avons rétabli la formation initiale qui avait été – chose incompréhensible – supprimée. Les jeunes professeurs doivent avoir une entrée progressive dans leur métier, grâce à la formation en alternance. De même, tous les professeurs doivent pouvoir bénéficier d’une formation continue tout au long de leur carrière.
 
Pour réaffirmer l’importance de ce beau métier d’enseignant, sans doute le plus beau métier qui existe, nous avons ouvert en 2013 un travail important et il doit maintenant aboutir. L’enjeu, je le rappelle, est triple : répondre aux besoins d’accompagnement et de formation des équipes éducatives ; mieux reconnaître l’engagement de ceux qui exercent dans les établissements les plus difficiles ; et également revaloriser l’ensemble des carrières. La ministre détaillera ce nouveau parcours de carrière dans les semaines qui viennent.
 
Enfin, pour que le travail des enseignants du premier degré soit mieux reconnu, nous avions en 2013 mis en place une nouvelle indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves, de 400 euros par an. Nous avons décidé d’aligner, sur proposition de la ministre de l’Education nationale, cette indemnité sur celle des enseignants du second degré – c’est-à-dire 1 200 euros par an – dès la rentrée prochaine, dès 2016.
 
Pourquoi ? Pour des raisons de justice, d’équité ? Sans doute. Mais parce que les enseignants demandent – bien sûr, tous les enseignants, mais peut-être plus particulièrement encore dans le premier degré, dans ces écoles maternelles et élémentaires – que leur travail soit pleinement reconnu. Ils demandent, vous le disiez, de la considération, du respect ; et il était temps que la République, par l’engagement du Gouvernement, traduise cette reconnaissance et ce respect que nous devons aux enseignants.
 

Certains veulent et voudront alimenter des polémiques bien inutiles, affirmant qu’il ne s’agit là que de « clientélisme ». Mais quelle étrange vision du service public ! Quelle drôle de considération pour les femmes et les hommes qui s’engagent pour notre jeunesse ! Quel manque, d’ailleurs, aussi, de cohérence ! Car je crois me souvenir qu’un ancien Premier ministre, dans un livre sur l’école, a parlé, lui aussi, il y a quelques mois – et c’est tout à son honneur – d’augmenter le traitement des professeurs, des enseignants. Et ce choix que nous faisons, nous l’assumons, et nous devons l’assumer pleinement devant la Nation. Dans un pays qui, comme d’autres, voit les rémunérations d’un certain nombre de patrons d’entreprise, de chefs d’entreprise exploser, augmenter la rémunération, les indemnités des enseignants, c’est la moindre des choses ; c’est cela, aussi, la France, et ce respect que nous devons aux enseignants.
 
Mesdames, messieurs,
 
L’école est le lieu de la transmission des savoirs. Elle a aussi la charge de former des citoyens éclairés et d’asseoir ce sentiment essentiel d’appartenance à la communauté nationale.
 
Après les attentats qui ont frappé la France en janvier 2015 – parce qu’il y a eu des gestes intolérables, révélateurs d’un malaise profond, et nous l’avions très bien ressenti, avec Najat VALLAUD-BELKACEM, quelques jours après les attentats, dans des visites d’école, notamment dans un collège en Seine-et-Marne –, tout le monde s’est tourné vers l’école, marquant ainsi la considération qu’on a dans ce pays, dans notre pays, vis-à-vis de l’école. Mais certains l’ont montrée du doigt, aussi ! Et désignée comme responsable des fractures qui traversent notre pays. L’école n’est pas responsable ! Elle est d’abord cette caisse de résonance des forces et des faiblesses de la Nation. Elle souligne aussi notre difficulté à transmettre, à faire comprendre et à faire adhérer à nos valeurs républicaines.
 
Dès janvier 2015, la communauté éducative s’est immédiatement investie, derrière la ministre, plus encore qu’elle ne le faisait déjà. Cette « grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République » est venue contribuer à la refondation de l’école, la justifiant totalement.
 
La première valeur que l’école doit transmettre à ses élèves, c’est la laïcité, ce principe républicain d’organisation de la société. Or la laïcité, trop souvent, est peu défendue, trop souvent est mal comprise, et donc mal appliquée. Il faut le dire, parce que les choses manquaient de clarté : nous avons trop souvent relâché notre vigilance.
 
Depuis la rentrée 2013 – le président de la République le rappelait ce matin –, dans tous les établissements, c’était dit aussi dans le film qui est passé il y a un instant, une Charte de la Laïcité est affichée pour expliquer aux enfants et aux parents ce que la laïcité veut dire concrètement, c’est-à-dire, tout simplement : vivre ensemble.
 
Nous avons voulu aller plus loin, en formant davantage les enseignants et personnels d’éducation aux questions relatives à la citoyenneté, à la laïcité, à la lutte contre les préjugés, pour qu’ils ne soient plus démunis face à des questions parfois délicates, au questionnement des enfants, ce qu’ils entendent à l’école, dans les médias, sur les réseaux sociaux, ou chez eux. Pour que les agents publics ne soient pas laissés seuls, à devoir se débrouiller.
 
La grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République rappelle que chaque élève doit apprendre le respect de soi et des autres, le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, le respect de l’autorité, c’est-à-dire le respect des règles, de ceux qui l’incarnent au quotidien, les enseignants, les parents. Nous avons voulu que le règlement intérieur des établissements, qui instaure un cadre clair, soit systématiquement expliqué aux élèves et signé par les parents.
 
La grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République prévoit également la mise en place d’un parcours citoyen, de l’école élémentaire à la terminale, autour d’un enseignement moral et civique. Dès l’école primaire, il initie les élèves à l’argumentation, développe leur esprit critique, leur donne les outils et le recul nécessaire, notamment par rapport aux systèmes d’information.
 
Car vous tous le savez : sur les réseaux sociaux – mais pas seulement – prospèrent les théories complotistes, l’antisémitisme, le racisme, les prêcheurs de haine, les embrigadements de toutes sortes. La propagande est redoutable et efficace, malheureusement. Nous devons donc armer intellectuellement notre jeunesse, développer sa capacité de jugement.
 
Nous accompagnons également les professeurs qui peuvent être confrontés à des phénomènes de radicalisation. Depuis 2015, nous avons mis en place des formations, un accompagnement des équipes sur le terrain. Nous avons diffusé des livrets de sensibilisation à l’ensemble du personnel scolaire, pour que chaque adulte puisse déceler les signes de basculement et savoir comment réagir. Et la semaine prochaine, je réunirai plusieurs ministres, dont bien sûr celle de l’Education nationale, pour approfondir encore ces politiques ; car il y a beaucoup à faire.
 
Pour mettre ces réformes en œuvre, pour transformer en profondeur le système éducatif, nous avons besoin de toutes les énergies ; les enseignants, bien sûr, je l’ai dit, mais aussi les partenaires de l’école : parents, familles, éducation populaire et collectivités, car c’est bien sûr sur le terrain que tout se joue au quotidien. Et je salue leur présence, votre présence ici aujourd’hui.
 
De nouvelles alliances éducatives doivent donc se construire sur l’ensemble du territoire, avec des compétences partagées.
 
C’est ainsi, collectivement, que nous pouvons aller vers plus de mixité sociale – ce mot souvent répété, si galvaudé – dans les établissements scolaires.
 
Nous devions nous attaquer à cette ségrégation sociale et territoriale – j’ai moi-même parlé d’apartheid territorial, social, ethnique –, nous attaquer à ces logiques qui font que certaines écoles réunissent les élèves les plus modestes pendant que dans d’autres, dites « plus réputées » ou « mieux fréquentées », on cultive l’entre soi.
 
Des expérimentations pilotes seront ainsi lancées dans une vingtaine de départements volontaires. Et l’objectif, c’est bien que d’autres territoires, urbains ou ruraux, s’engagent au plus vite dans cette voie. L’égalité est un engagement qui doit irriguer toutes nos politiques publiques.
 
Et c’est aussi ensemble, Etat, collectivités, et bien sûr professeurs, que nous devons faire entrer pleinement les outils numériques à l’école.
 
Parce que – est-il besoin de le rappeler – le numérique irrigue notre quotidien, parce qu’il permet de développer des pratiques adaptées à chaque élève, parce qu’il peut être un formidable outil au service de la réduction des inégalités, nous mobilisons tous les moyens d’action.
 
D’abord, la formation, initiale et continue, des enseignants, grâce aux écoles supérieures du professorat et de l’éducation.
 
Ensuite, des nouveaux programmes scolaires, qui introduisent la culture numérique et l’apprentissage du numérique, et la production de ressources pédagogiques.
 
Enfin, pour que cet apprentissage puisse se faire dans de bonnes conditions, il faut la mise à disposition d’un matériel performant. Dès la prochaine rentrée, tous les départements – et je veux, avec la ministre, saluer leur engagement – auront ainsi des collèges numériques : 25 % des collèges, et plusieurs centaines d’écoles, seront connectés. Certaines collectivités ont, quant à elles, fait le choix d’équiper toutes leurs classes de 5e.
 
En 2018, l’ensemble des collégiens disposeront d’équipements et contenus numériques adaptés.
 
Le numérique peut contribuer à rendre l’école plus efficace, plus juste et plus inclusive. A vous de vous approprier ces outils ; de coordonner des actions qui sont encore parfois trop cloisonnées ; de valoriser, faire connaître les bonnes pratiques.
 
C’est plus que jamais l’occasion de le faire. Car avec la réforme territoriale, une nouvelle organisation du service public d’éducation se met en place, qui voit l’émergence de recteurs de région académique pour plus de coopération et donc plus d’efficacité.

 Mesdames, messieurs,
 
Si nous pouvons réformer notre système éducatif comme nous le faisons, c’est parce que nous nous appuyons sur ce réseau solide que vous faites vivre dans les territoires. Ce qui impliquait aussi de redonner des moyens. Des moyens financiers : le budget de l’enseignement scolaire a augmenté de 4,8 milliards d’euros depuis 2012. Et des moyens humains : 60 000 postes seront créés pendant le quinquennat, alors que les effectifs avaient subi des coupes drastiques : 80 000 suppressions de postes en cinq ans !
 
Je sais qu’il y a ceux qui demandent sans cesse moins de fonctionnaires, moins d’agents publics, moins d’Etat. Mais nous avons besoin d’un Etat, bien sûr, moderne, efficace, qui se réforme, mais capable d’agir ; d’un Etat qui gagne en efficacité et qui a aussi des forces vives pour protéger, soigner, sauver des vies, éduquer ! La France, c’est son histoire, c’est sa particularité, s’est construite avec cette colonne vertébrale, qui est l’Etat. La Nation repose sur les services publics qui, bien sûr, se sont déconcentrés, décentralisés, avec les grandes lois de 1982 et que nous poursuivons. Mais nous avons besoin d’un Etat – et d’un Etat fort.
 
Ces moyens supplémentaires sont la preuve que nous investissons dans l’école, que nous voulons lui redonner toute son ambition.
 
Le temps de l’école, je le disais, est un temps long … Et pour réussir ces réformes – et je sais quelle est l’exigence, y compris dans la mise en œuvre de ce que nous avons annoncé, voté depuis 2012 –, pour construire cette école du socle, qui reconnaît que tous les enfants partagent la même capacité d’apprendre et de progresser, il faut du temps. Et de la persévérance.
 
Avec persévérance et détermination, donc, nous continuerons d’agir pour notre école, avec de nouvelles étapes : rendre plus fluide la transition vers l’enseignement supérieur, poursuivre la valorisation des parcours dans l’enseignement professionnel. Il y a donc de beaux chantiers encore devant vous.
 
Comme certains d’entre vous, j’ai été et je reste un élu local… Et à chaque rentrée scolaire, comme maire ou aujourd’hui comme conseiller municipal, je fais, à Evry, ce que l’on appelle « la tournée des écoles », dans une des villes les plus populaires et les plus jeunes du pays. C’est un très beau moment, toujours. Les élèves découvrent leurs nouveaux professeurs… et inversement. Il y a aussi les parents, parfois un peu inquiets. Mais ce que j’ai toujours ressenti, père aussi d’enfants, dont la mère est professeur des écoles, et ce que j’ai toujours ressenti comme élu, c’est précisément cette immense responsabilité : former notre jeunesse et lui donner tous les moyens d’avancer.
 
Et je crois profondément qu’il n’y a pas de projet politique viable – c’est vrai en France, c’est sans doute vrai aussi au Portugal – qui ne soit fondé sur l’éducation. L’éducation qui transmet les savoirs et qui émancipe les individus. Notre rôle à tous, c’est de faire que cette éducation profite au plus grand nombre. Et c’est cela, le projet républicain, le projet qui a porté notre pays, ce projet qui est, comment vous dire, plus que jamais nécessaire et indispensable, après cette année terrible, l’année 2015, que nous avons connue. Parce qu’il y a ce pessimisme, cette crise de confiance, vis-à-vis des institutions, qui touche en profondeur notre société. C’est ce projet qu’incarne avec force, et avec quelle détermination, quel enthousiasme et quel optimisme, Najat VALLAUD-BELKACEM. C’est ce projet qu’ensemble, nous avons su refonder.
 
Je sais les impatiences, et je sais qu’il y a encore beaucoup de travail, que rien n’est parfait. Mais c’est pour tout cela que je vous exprime, à nouveau, et du fond du cœur, à vous qui accomplissez cette si belle mission, ma – et notre – plus grande gratitude.
 
La France, la République, l’école sont intimement liées. C’est la même histoire. La République a fait l’école, et comme le disait JAURES, « l’école inaugure et prépare la vie des sociétés ». Défendre, promouvoir, refonder la République, réinventer la Nation, redonner ce sens que j’évoquais et qui s’est perdu – une Nation ouverte et généreuse –, réinventer, au fond, ce qu’est notre pays, inventer un nouveau patriotisme, adapté aux réalités du temps, ce n’est possible que grâce à l’école. Ce n’est possible que grâce aux enseignants. Et ce n’est possible que si nous exprimons, pas seulement dans les discours, dans les actes donc, dans les faits, respect et gratitude.
 
Quand on essaie, comme responsable public, de regarder, à un moment, en modestie – « modestie », c’est le mot que nous avons, chère George PAU-LANGEVIN, beaucoup entendu pendant trois jours en Nouvelle-Calédonie : respect et modestie –, quand on regarde ce qui a été accompli, ce qui est fait, ce que nous essayons de réaliser, eh bien il y a un motif de fierté. Et cette fierté, je veux la faire partager à toutes celles et à tous ceux qui construisent l’école, mais d’abord à tous les Français, à mes compatriotes, à mes concitoyens ; qu’ils soient, comme moi, comme Najat VALLAUD-BELKACEM, fiers de l’école de la République, fiers de ceux et de celles qui la font vivre, fiers de ces professeurs, de ces enseignants, de ces maîtres qui font vivre la République et la France.
Discours du Premier ministre du 6 mai 2016 – Clôture des Journées de la Refondation de l’Ecole de la République

Author: Redaction