Messieurs les présidents et représentants des associations,
Mesdames et messieurs les préfets,
Mesdames, Messieurs,
Notre pays, nous le savons – c’est pour cela que vous êtes ici –, et l’Europe dans son ensemble, font face à une situation d’une ampleur et d’une gravité exceptionnelles : l’arrivée de centaines de milliers de réfugiés, venus essentiellement d’Irak et de Syrie, fuyant la guerre, les persécutions et la torture. Cela pose évidemment beaucoup de questions, cela soulève des débats. J’aurai l’occasion d’aborder ces sujets mardi et mercredi au Parlement, mardi à propos de l’annonce faite par le président de la République d’engager nos armées, notre aviation dans des opérations de survol en Syrie pour d’éventuelles frappes, et mercredi, comme nous l’avons souhaité, à travers un débat sur l’accueil des réfugiés en Europe et en France.
Chacun en est bien conscient : il ne peut y avoir de solutions durables que si on traite les causes de ce mouvement. Les causes sont multiples. La France est engagée dans la lutte contre le terrorisme – c’était vrai au Mali, c’est vrai encore aujourd’hui en Irak, où nous participons à une coalition. Nous sommes engagés en Syrie, dans une situation d’une très grande complexité qui appelle des réponses prudentes. Et nous savons que seules des solutions politiques sont possibles, des solutions diplomatiques, avec la capacité de dialoguer avec tous les acteurs concernés.
Nous vivons, donc, une situation exceptionnelle. Et à situation exceptionnelle … mobilisation exceptionnelle !
La France est un grand et magnifique pays, et je crois profondément qu’il a toujours été à la hauteur de son rang, à la hauteur de son message universel. La France accueillera, c’est sa responsabilité, son honneur, les personnes menacées, persécutées et torturées. C’est un droit universel, c’est un droit qui est au cœur de notre âme, de notre identité et de notre Constitution.
Et comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? Comment la France pourrait-elle fermer les yeux sur ces souffrances, ces tragédies, tous ces morts aux portes de l’Europe, sur son sol et sur notre sol – pas depuis une semaine, pas depuis deux mois, depuis déjà de nombreuses années. Et nous avons pris de nombreuses initiatives, notamment le ministre de l’Intérieur, le ministre des Affaires étrangères, au cours de cette dernière année, parce qu’il y a ces drames en Méditerranée que chacun, bien sûr, a à l’esprit.
C’est donc l’honneur de la France et votre honneur, notre honneur à tous et à toutes d’agir pour apporter de bonnes réponses – à la situation d’urgence, mais aussi en intégrant le fait que ce sont des enjeux de long terme et que nous ne sommes qu’au début d’un processus. Nous devons le faire – et je crois que le ministre de l’Intérieur s’est exprimé avec le sens et la rigueur que nous lui connaissons – avec méthode, avec sérieux, avec des règles, avec des droits et des devoirs bien sûr, avec des moyens financiers, mais surtout avec une très grande exigence et avec une très grande responsabilité.
Cela veut dire que les discours qui allient la démagogie à l’inconséquence n’ont pas leur place. Parce que dans ces moments-là, le monde et l’Europe nous regardent, bien évidemment, mais les Français aussi observent notre capacité à nous rassembler et à trouver les bonnes solutions à chaque fois, en faisant preuve de responsabilité. Et venir dans une réunion de maires qui s’engagent pour un acte de propagande politique, pour semer le désordre et faire peur aux Français n’a pas de sens. Ce n’est pas cela, mesdames et messieurs, la France !
J’ai souhaité vous retrouver, et je ne veux pas être long ce matin, pour clore cette séance de travail que vous allez poursuivre sur le terrain, avec notamment les préfets – séance de travail menée par Bernard CAZENEUVE, en présence des associations, bien sûr, qui jouent un rôle fondamental, et de toutes les équipes du ministère de l’Intérieur et d’autres ministères. Je rappelle que l’OFPRA a un statut bien particulier, que nous respectons et qu’il faut à tout prix préserver. Je suis fier de la capacité des grandes administrations qui ont en charge l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés. Elles sont pleinement mobilisées pour répondre à votre attente.
Je veux, d’abord, vous adresser mes remerciements pour votre participation à cette mobilisation nationale. Vous toutes et vous tous, dans vos fonctions, vos mandats d’élus, incarnez cette chaîne de solidarité qui est née depuis quelques jours et qui dépasse – c’est ça le plus important – les clivages traditionnels. Tous les maires n’ont pas pu venir. Ils seront rassemblés pour beaucoup dans quelques semaines à l’occasion du congrès des maires. Hier, j’étais en Midi-Pyrénées et beaucoup de maires, de maires ruraux, sont prêts à s’engager.
Cette unité, ce sens des responsabilités, nos concitoyens les attendent de nous. J’étais maire, président d’agglomération, et je reste un élu local. Ce que je sais d’expérience, c’est que les élus locaux sont dans leur immense majorité des personnes responsables, soucieuses de l’intérêt général, des personnes qui peuvent travailler ensemble quand l’essentiel est en jeu. Et je le dis à la presse, qui porte parfois un regard acéré et dur sur les responsables politiques et les élus de ce pays : il y a 36 000 maires qui démontrent au contraire ce qu’est la grandeur de la République. Cette République des territoires et des élus, vous en faites aujourd’hui une belle démonstration.
Cette chaîne de solidarité, ces manifestations d’hospitalité ne sont pas qu’une impression. C’est avant tout une multitude d’actions et un grand nombre d’acteurs de terrain mobilisés pour réussir un accueil digne, efficace et sérieux. Cette chaîne de solidarité, ce sont des responsables publics, associatifs, des élus, des bénévoles, de simples citoyens qui s’engagent et qui donnent de leur temps. Des initiatives, de la solidarité, de la générosité, il y en a, et c’est un investissement considérable qu’il faut évidemment saluer. Le gouvernement est conscient de la responsabilité qui est la vôtre : vous êtes en première ligne.
Avec le président de la République, nous savons, dans les discussions que nous menons avec nos partenaires européens – ce sera encore le cas lundi, au Conseil Justice affaires intérieures qui va réunir les ministres de l’Intérieur de l’Union européenne –, dans les initiatives que nous ne cessons de prendre et que nous portons notamment avec l’Allemagne : il ne suffit pas de dire que la France est prête à prendre sa part. Nous avons conscience qu’il ne suffit pas de dire que nous avons un devoir moral et une tradition d’accueil. Il ne suffit pas de dire qu’il faut accueillir. Il faut aussi vite se demander comment. Et c’est pour cette raison que le gouvernement a décidé d’activer un ensemble de dispositifs qui vous a été présenté.
L’objectif, c’est bien entendu d’abord de respecter les compétences des uns et des autres.
L’Etat – Bernard CAZENEUVE l’a rappelé, la présence des préfets de région en atteste –assumera pleinement ses responsabilités. Il a en charge l’hébergement, et je le redis, il assumera, cher Louis GALLOIS, cette tâche. Je demande donc aux préfets d’approfondir encore les liens tissés avec les collectivités territoriales, en particulier depuis que nous avons arrêté le Plan « migrants » en juin dernier, et dans la continuité de ce que nous entreprenons depuis 2012. Je reviendrai – il y a encore des arbitrages à rendre – mercredi prochain devant la représentation nationale sur les renforts dont l’Etat se dotera. Mais je peux d’ores et déjà vous dire que, trois mois après les décisions de juin, de nouvelles places d’hébergement seront financées. Le ministre de l’Intérieur a déjà donné des chiffres précis, et nous serons au rendez- vous. Il faut soutenir les communes courageuses, volontaristes qui envisagent l’avenir avec générosité en s’ouvrant aux populations nouvelles.
Mais je le dis également, à travers vous, à tous les élus : pour pouvoir mettre à l’abri les réfugiés, nous aurons besoin en retour de votre aide – nous l’Etat, les associations, les bénévoles. Sans relais dans les communes, sans aide pour mobiliser le foncier qui pourrait l’être, nous ne parviendrons pas à accueillir dignement les réfugiés.
Pour mieux unir nos forces, Bernard CAZENEUVE vous en a parlé, le gouvernement a décidé qu’un concours financier serait destiné aux communes qui se portent volontaires pour participer à la création de places d’hébergement supplémentaires, dans ce contexte d’urgence très particulier. Il s’agit là de reconnaître la mobilisation et la réactivité qui sont les vôtres.
Nous débloquerons aussi un ensemble de dispositifs complémentaires pour les propriétaires publics ou privés qui souhaiteraient contribuer à l’effort de solidarité. Je n’y reviens pas dans le détail, cela a été évoqué tout à l’heure : aide de l’Agence nationale pour l’Amélioration de l’Habitat, accès au mécanisme Solibail de cautionnement solidaire, fonds de soutien au financement de l’investissement pour les opérations lourdes de création de logements. Ce que je demande aux administrations, c’est d’imaginer des dispositifs simples qui puissent être utilisés par tous ceux qui souhaitent faire quelque chose. Et tirons parti des événements pour améliorer également les conditions d’occupation des logements.
Mesdames, messieurs,
Au-delà de ces questions pratiques – il faudra vous apporter conseil et aide au fur et à mesure que ce plan se mettra en place et que nous accueillerons les réfugiés – je sais qu’il y a une question, Valérie LETARD y faisait allusion, qui se pose à vous tous. Comment répondre à l’inquiétude légitime des habitants ? Car elle existe. Il y a bien sûr un élan spontané de solidarité, cette envie d’aider, cette générosité, mais il y a aussi cette interrogation. Elle est simple : est-ce que nous avons les moyens d’accueillir et d’intégrer demain ces réfugiés ? Beaucoup d’entre vous apportent une réponse positive, bien sûr, sans ignorer pour autant les défis qui se posent à chacun d’entre nous. Il nous revient d’apporter des réponses concrètes aux inquiétudes des Français en organisant l’arrivée des réfugiés de manière sérieuse, pragmatique et intelligente, sans céder à la panique et sans la provoquer.
Bernard CAZENEUVE et Valérie LETARD ont rappelé dans quelles conditions nous avions adopté la loi Asile, avec un double objectif : aller vite pour l’examen des dossiers d’asile, ce sont les moyens que nous avons donnés à l’Ofpra. C’est un élément fondamental si nous voulons faire vivre et préserver ce droit universel qu’est le droit d’asile. L’autre condition, et c’est le sens du schéma d’accueil des demandeurs d’asile, c’est que les déboutés de ce droit d’asile soient reconduits à la frontière. C’est la rapidité des délais, et ce sont les moyens qui doivent être donnés au ministère de l’Intérieur pour permettre cet objectif. C’est un élément fondamental. Sinon, les Français ne comprendront pas ce que nous faisons les uns et les autres.
Je sais aussi que certains acteurs associatifs s’inquiètent du risque d’épuisement des crédits pour le financement d’autres dispositifs d’accueil pour personnes vulnérables, notamment – Louis GALLOIS le rappelait –, à l’approche de l’hiver, pour les sans-abris. Et je veux le dire avec force : nous veillerons, en ces circonstances particulières, à ce qu’il n’y ait aucun effet de ricochet, aucune concurrence entre l’exercice de tous nos devoirs de solidarité. Aucune confusion – et elle existe – entre réfugiés, demandeurs d’asile, immigration légale, et immigration irrégulière. C’est pour cela qu’il faut lutter contre l’immigration irrégulière, et notamment ceux, les passeurs, les filières, qui l’organisent. Après évaluation précise de la situation, les crédits indispensables seront débloqués dans les prochaines semaines, afin que le bouclage de l’année 2015 et le début de la saison hivernale se déroulent dans les meilleures conditions. C’est un engagement que je prends. L’Etat doit être au rendez-vous, la France doit être au rendez-vous pour l’accueil.
La situation que connaît l’Europe est exceptionnelle, vous le savez. Mais en même temps, elle n’est pas inédite dans l’Histoire. Chacun de nos pays ont, au gré des événements, des crises, des guerres qui ont secoué le monde, accueilli des réfugiés. En France, cela a été le cas. Nous avons tous, je pense, en mémoire l’accueil des boat-people, des Vietnamiens. Et ce fut l’honneur de la France et du président Valéry GISCARD D’ESTAING d’accueillir ces boat-people. Je pense au Chili, je pense à la Bosnie, au Kosovo, au Liban.
Que retient-on, finalement, plusieurs décennies après ? Les difficultés que cela a pu poser au moment de l’arrivée ?
Ce n’est pas cela qu’on retient. Ce qu’on retient, c’est la solidarité. Ce qu’on retient, c’est l’accueil. Ce qu’on retient, c’est l’intégration. On fait le constat que des liens forts se sont tissés, que ces générations de femmes et d’hommes sont devenus pleinement français. C’est pour cela qu’il faut réussir cet accueil, et demain cette intégration, et demain ces naturalisations.
L’Histoire, ces dernières semaines, s’est accélérée, et la France a un rôle à jouer – ne comparons pas les situations de la France et de l’Allemagne, elles sont aujourd’hui, vous le savez, différentes, et nous savons qu’il faut des réponses fortes européennes, nous en parlerons la semaine prochaine. Nous devons faire vivre nos valeurs de solidarité, de fraternité, mais aussi d’autorité – le ministre de l’Intérieur l’incarne. Ce sont des valeurs, celles de notre République, ferme et bienveillante, forte et généreuse. Et chaque maire profondément républicain l’incarne. C’est notre responsabilité et c’est notre honneur, alors qu’aujourd’hui les yeux du monde sont posés sur nous.
Mesdames, messieurs les élus, ce que je voulais vous dire au nom du gouvernement, c’est de rester mobilisés, c’est de compter sur notre engagement. Cette réunion doit être, je le disais il y a un instant, un premier rendez-vous – il va devenir permanent, avec les représentants de l’Etat, le ministère de l’Intérieur, l’ensemble des équipes. Le gouvernement, bien évidemment, se tient à votre disposition, à la disposition des élus qui s’engagent, pour répondre à vos questions et pour vous aider. Mais je suis sûr qu’aujourd’hui nous avons franchi une étape pour rendre la France plus forte, plus solide et plus généreuse. Je vous remercie.
Discours du 12 septembre 2015, Réunion de l’Association des maires de France