Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Maire,
Monsieur le président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les présidents de conseils régionaux,
Monsieur le président, cher Hervé,
Monsieur le président, cher Renaud,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Je suis très heureux d’être à Marseille ce matin, cher Jean-Claude, cher Renaud. Quand je suis arrivé dans ce magnifique palais, la presse m’a hélé en me demandant quel était mon état d’esprit et j’ai répondu à la volée, excellent.
Excellent parce que je suis heureux d’être à Marseille, accueilli par des amis, dans cette ville absolument magnifique qui se transforme à un rythme visible et qui fait aussi la fierté de notre pays. Heureux parce que cela me donne l’occasion d’aborder un sujet qui me passionne depuis très longtemps – depuis aussi longtemps que mon engagement politique – et de répondre à un certain nombre de questions qui se posent, de remarques formulées et d’appels lancés.
Je suis tellement heureux d’être ici ce matin avec vous que je serais bien arrivé hier soir. J’ai cru comprendre que c’était compliqué de pouvoir échanger en direct hier soir alors que l’objectif était de dialoguer sur ces questions essentielles qui nous rassemblent tous. Je vais donc essayer d’en dire quelques mots ce matin. Vous m’avez, cher Hervé, parlé avec franchise et amitié. Je vais donc m’inscrire exactement dans cette ligne.
J’ai lu hier soir et j’ai relu ce matin avec attention l’appel pour les libertés locales que les trois grandes associations d’élus locaux ont publié et lancé hier. Et je dois dire qu’il ne manque ni de style ni d’allure. Si je peux me permettre un avis, il m’arrive de trouver qu’il manque peut-être un peu de nuances, mais peut-être que je ne suis pas complètement dans la cible, ou peut-être que je suis justement la cible. Il mérite en tout cas qu’on en discute.
Qui peut être contre un appel pour les libertés locales? Evidemment pas moi, en aucune façon. Vous l’avez dit, cher Hervé, avant d’avoir la chance et l’honneur de devenir maire du Havre, j’ai été conseiller régional et nous avons siégé exactement sur les mêmes bancs.
J’ai ensuite siégé au Conseil départemental de Seine-Maritime et j’ai été 10 ans adjoint au maire de la ville du Havre. Mon engagement politique est avant tout un engagement local. Je sais que la liberté locale est la contrepartie de la capacité que nous avons à transformer nos territoires, à les comprendre, à les sentir et à les incarner.
Vous lancez un appel au dialogue, là aussi, vous ne me verrez jamais sur une autre ligne que celle du dialogue. J’y reviendrai à l’occasion de ce discours pour illustrer ce que je crois vrai dans la façon dont nous travaillons ensemble et dans la façon dont nous pourrions travailler à nouveau ensemble.
Dans cet appel, je suis d’accord avec beaucoup de choses en vérité. On peut faire un appel aux consciences au niveau national et mettre en place un certain nombre de mécanismes mais la réalité de la transformation sera bien entendu locale. Elle sera incarnée et réalisée localement.
Si j’ai présenté la semaine dernière ou même la semaine précédente, le plan vélo à Angers, c’était justement pour montrer comment une ville, une agglomération, pouvait s’engager et concrètement déjà transformer les choses. Je ne dis pas qu’Angers est le seul territoire qui se soit vigoureusement engagé sur la voie d’une politique favorisant l’usage du vélo, mais il est vrai qu’à Angers c’est particulièrement le cas.
Comme vous, je ne crois pas que l’avenir de la France et de ses territoires puissent se résumer au succès des métropoles, chère Madame la présidente, mais je ne crois pas que la France puisse réussir sans le succès des métropoles. Je pense que de ce point de vue-ci, nous sommes d’accord. Je n’ai jamais vu un président de région, un président de département ou un élu local considérer que contraindre le succès des métropoles pouvait en quoi que ce soit constituer un point positif pour notre pays. Mieux relier le développement métropolitain avec les territoires qui l’entourent est indispensable.
C’est d’ailleurs, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, ce que j’ai dit la semaine dernière au congrès de France urbaine qui réunit les grandes collectivités municipales, les intercommunalités et les métropoles et ils conviennent parfaitement de ce point de vue.
Bien sûr que la décentralisation rapproche les centres de décision des investissements. Vous avez rappelé Monsieur le président, la puissance et l’importance des investissements des collectivités territoriales. C’est le jeu même de la décentralisation de faire en sorte que ces décisions puissent être prises au plus près, avec des élus qui assument leur décision et qui peuvent répondre des décisions qu’ils prennent. Bien sûr que les élus français œuvrent tous les jours pour lutter contre les décrochages et pour développer leur territoire.
J’en partage tous les points et je dirais que chaque partie de mon histoire s’inscrit dans cette ligne. J’aime beaucoup la citation de Gaston DEFFERRE que vous tirez, si je ne me trompe du discours du 27 juillet 1981 prononcé à l’Assemblée nationale lors du débat sur le projet de loi sur la décentralisation. Il se trouve que j’ai d’ailleurs relu ce discours qui est tout à fait fascinant.
Je ne nie pas, Monsieur le président, nos désaccords. Je ne nie pas non plus l’importance des efforts que l’État vous demande. Je ne nie pas non plus l’ampleur des transformations que nous engageons. Nous avons été mandatés pour les engager alors nous les engageons. Mon objectif est de faire en sorte que le cap qui a été fixé par le président de la République devant les Français soit tenu.
Je pense d’une certaine façon comme vous que le sujet des relations entre l’État et les collectivités est suffisamment sérieux et important pour qu’il mérite une autre forme de débat. Débat qui n’exclura jamais les désaccords, les coups de colère ou les coups d’éclat mais qui, je pense, peut porter sur autre chose qu’un débat que je crois au fond infondé, sur la volonté de recentralisation ou d’ultra centralisation ou sur l’idée même que nous voudrions revenir sur un équilibre qui a été défini dans la Constitution en 2003, indiquant que notre pays, notre République est décentralisée.
Quelles sont les demandes formulées dans cet appel ?
La première demande est la participation équitable de l’État aux côtés des collectivités locales au redressement des comptes publics. Vous écrivez que d’ici 2022, les collectivités locales vont contribuer au désendettement de la France à hauteur de 50 milliards, alors que l’État va accroître l’endettement du pays de 330 milliards. Je vais commencer par vous donner raison. Ce sont bien les ordres de grandeur dont il s’agit, je ne les conteste pas mais, je voudrais approfondir le sujet que vous venez de soulever en formulant deux ou trois remarques.
Première remarque, pourquoi est-ce que le déficit de l’État se creuse ? Parce que toutes les réductions d’impôts ou de charges qui sont décidées et qui sont nécessaires, sont à la charge de l’État : la baisse de l’impôt sur les sociétés, la réforme de l’ISF, la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique, la transformation du CICE en allégements de charges, la suppression de la taxe d’habitation, qui passe par un dégrèvement est donc intégralement compensée par l’État. Toutes ces baisses d’impôts sont assumées par l’État.
Deuxième élément : pour pouvoir mettre en œuvre ces baisses d’impôts, pour pourvoir les supporter, il faut avoir une action forte sur la dépense. C’est la baisse et la modération de la dépense publique qui permet de crédibiliser et de rendre possible à la fois les baisses d’impôts et la maîtrise de la dette. Or sur cet aspect-là, Monsieur le président, en 2018 comme en 2019, l’effort de l’État, sur sa dépense sera supérieur à celui demandé aux collectivités territoriales. Je le dis clairement et ce sera démontré dans l’exécution du budget 2018. Dans les chiffres du PLF 2019, l’effort de maîtrise des dépenses de l’État stricto sensu sera supérieur à l’effort demandé aux collectivités territoriales. Cet effort supérieur sera réalisé dans un contexte où les concours de l’État aux collectivités locales seront stables. Je le dis là encore avec beaucoup de clarté parce que pendant longtemps ça n’a pas été le cas. Monsieur le président, vous avez indiqué la modération de la dépense des collectivités territoriales, vous savez comme moi que pendant longtemps la modération de la dépense a été assurée ou plus exactement imposée par une baisse de dotation massive qui concernait toutes les collectivités territoriales. Ce n’est pas ce que nous faisons, ce n’est plus que nous faisons. Nous avons indiqué la stabilité des dotations et même une toute légère augmentation.
Nous demandons que la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités ne dépasse pas 1,2 % par an. 228 collectivités sur les 322 collectivités concernées ont décidé de s’engager en ce sens, dans l’immense majorité des villes, des métropoles et des intercommunalités, 45 % des départements et plus de la moitié des régions. La norme que nous appliquons à la totalité des dépenses de l’État en 2018 et 2019, c’est 0,7 %.
Monsieur le président, les dépenses de l’État en volume vont baisser, ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps. Les contrats relatifs à la dépense par les collectivités territoriales avaient été demandés par les associations de collectivités territoriales. Nous les avons proposés, nous les avons mis en œuvre. La vérité Monsieur le président, c’est que pour beaucoup d’entre nous, il était plus facile pendant longtemps de supporter la baisse des dotations du point de vue politique. C’était très désagréable du point de vue budgétaire et financier mais lorsqu’on était maire, président de Conseil départemental ou président Conseil régional c’était assez facile de dire que nous devions comprimer notre dépense parce que l’État baissait violemment et de façon constante ses dotations. C’est techniquement difficile à assumer mais c’est politiquement extrêmement facile à assumer.
Ce que nous proposons, c’est d’assumer le fait que nous maîtrisons l’augmentation de la dépense en s’engageant, ce qui est beaucoup plus difficile politiquement à assumer. Comme je m’y attendais, Monsieur le président, une immense majorité des élus s’y est engagée parce qu’évidemment les élus sont responsables. Ils sont capables de dire qu’il est vrai que c’est mieux qu’une baisse des dotations et que cela garantit une stabilité des dotations. D’autant plus que cela se fait à un moment où l’État s’applique une norme de progression de dépenses plus strictes. Ce qui n’a pas toujours été le cas.
Vous aurez d’ailleurs noté, Mesdames et Messieurs, qu’à la différence de ce qui avait prévalu pendant longtemps, le volume global de la dotation globale de fonctionnement est aujourd’hui stabilisé. J’observe que Philippe LAURENT, un des grands spécialistes des finances publiques au sein de l’AMF et maire de Sceaux, a confirmé devant le comité des finances locales que les engagements financiers pris par le Gouvernement étaient tenus.
La Cour des comptes hier, vous l’avez cité Monsieur le président, a noté sa préférence pour la méthode que nous avons retenue, plutôt que pour la méthode qui prévalait antérieurement, à savoir la baisse unilatérale des dotations aux collectivités. Je suis évidemment volontiers tenté de suivre et de m’inspirer de la sagesse de la Cour des comptes et je pense que cet instrument de la contractualisation est prometteur. Il va s’améliorer. Il est neuf. Je n’ai pas la prétention de réussir du premier coup la mise en place d’un système aussi radicalement différent de ce qui prévalait avant et aussi complexe à mettre en œuvre avec l’ensemble des 322 collectivités cibles. Discuter un contrat comme ça, ce n’est pas évident. Interpréter l’exécution d’un contrat comme ça, ce n’est pas évident mais à l’évidence on va s’améliorer.
Je veux bien prendre un pari. Le pari qu’à l’avenir quels que soient les Gouvernements, on ne reviendra pas sur cette logique de contractualisation financière. C’est un pari, on aura l’occasion un jour de constater s’il était fondé ou infondé.
Vous demandez, Monsieur le président, une concertation sincère entre l’État et les collectivités. Un mot sur la Conférence nationale des territoires que tout le monde, et moi le premier, appelait de ses vœux et dont vous fustigez l’échec en le taxant, je cite, « de lieu de concertation formelle où l’État et les collectivités constatent leurs désaccords ».
Cette Conférence nationale des territoires – dont je reconnais volontiers qu’elle peut évidemment être améliorée – permet à toutes les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les petites communes, les communes moyennes, les communes rurales d’échanger. Cela n’implique pas qu’elles se mettent d’accord parce que c’est difficile, mais nous échangeons et nous dialoguons sur l’ensemble des sujets qui sont inscrits à l’ordre du jour. Vous savez parfaitement que cet ordre du jour n’est pas simplement le fait du Gouvernement. Il est systématiquement concerté avec les associations d’élus. Dire qu’il n’y a pas de dialogue parce que nous ne sommes pas d’accord renforce le risque de blocage.
Nous dialoguons. Il arrive parfois que nous ne soyons pas d’accord mais l’inverse est vrai aussi. Vous avez eu l’honnêteté de le dire d’ailleurs et je vous en remercie, en mentionnant Elisabeth BORNE. Il est vrai que nous discutons et que sur certains sujets nous avançons parce que nous nous sommes d’accord.
Donc améliorer la Conférence nationale des territoires, sans doute, pour faire en sorte de lui enlever son caractère qui me semble peu opérant, de grand-messe, et en faire une instance de dialogue avec l’ensemble des collectivités territoriales. Pas simplement un dialogue de strate à strate, de régions à État ou de départements à État ou de communes à État, ou de grandes communes à État, mais bien un lieu où l’ensemble des collectivités territoriales soient bien présentes et représentées dans un dialogue avec le Gouvernement et avec un certain nombre de parlementaires qui, eux aussi, participent, Monsieur le président du Sénat, à cet exercice.
J’en profite pour vous remercier d’avoir à la fois accueilli la première Conférence nationale des territoires, et participé lorsqu’il vous était possible à ces travaux.
Nous avons réuni sept fois cette Conférence nationale des territoires. On y a discuté de l’équipement numérique du territoire, de la préparation de la révision constitutionnelle, de la question de la différenciation, des compétences eau et assainissement, de la mobilité, de la Fonction publique territoriale.
Monsieur le président, le sujet de la Fonction publique territoriale a été inscrit à l’ordre du jour de l’instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires. Nous avons même fait, Monsieur le président, des propositions en la matière, dont on pensait qu’elles pouvaient être utiles et qui ont été écartées suite aux retours des collectivités territoriales.
Au menu de la prochaine Conférence nationale des territoires, il y aura la création de l’Agence nationale de cohésion des territoires. Il va y avoir à nouveau cette question de la fiscalité locale parce qu’avec la suppression de la taxe d’habitation et avec l’affectation aux régions d’une partie de la TVA, se pose forcément la question de repenser la fiscalité locale.
Parce qu’il s’agit d’un sujet redoutablement complexe et politiquement difficile, il est préférable de pouvoir en parler au sein de la Conférence nationale des territoires, plutôt que d’attendre le débat au Parlement – lieu légitime de définition de ce qu’est la fiscalité – mais qui n’aurait pas été suffisamment préparé par des échanges avec les collectivités territoriales.
Un mot pour dire que nous avançons au sein de cette Conférence nationale des territoires avec les collectivités territoriales notamment avec les quatre associations d’élus systématiquement présentes que sont France Urbaine, l’ADCF, l’Association des petites villes de France et l’Association Villes de France. Elles nous ont fait parvenir en juillet un projet de feuille de route partagée pour la cohésion territoriale afin de réfléchir sur la façon dont on améliore le fonctionnement de cette institution et sur la construction collective de l’avenir. Je répondrai à cet appel. Je le prends en compte, tout comme celui de Marseille, parce qu’il dit des choses intéressantes sur la nécessaire coopération entre l’État et les collectivités territoriales.
Nous pouvons améliorer le fonctionnement de la CNT, mais je tiens à cet instrument. Nous pouvons faire en sorte qu’elle soit plus fluide, moins formelle, sans aucun doute. Et vous savez, Monsieur le président, que j’ai évoqué la possibilité d’une rencontre avec les présidents de région pour écouter les propositions que vous formuleriez sur ce sujet et sur bien d’autres.
Sur la répartition des compétences, je l’ai dit, vous l’avez dit, en France, dans notre République, dans notre Constitution, la décentralisation est un fait aussi incontestable qu’irréversible. Je ne crois pas que nous gagnons quoi que ce soit à laisser penser que nous voudrions revenir sur le fait que la France est désormais une République décentralisée.
Personne, Mesdames et Messieurs, ne veut revenir sur le caractère décentralisé de la République. Certainement pas le Gouvernement, certainement pas la majorité parlementaire et certainement pas les élus locaux. En revanche, puisque nous citons la Constitution, il est vrai que l’article 34 de la Constitution prévoit que la loi votée par le Parlement répartisse les compétences entre l’État et les collectivités locales ou entre les collectivités locales.
Cette répartition, qui est un acte politique, doit permettre de faire en sorte que les choses fonctionnent mieux. Elle doit permettre de corriger ce qui peut l’être et ce qui doit l’être. Elle doit permettre d’accentuer, sur certains sujets, cette décentralisation. Nous avons engagé des transformations – je pense à la lutte contre la pauvreté, à l’apprentissage – qui nous amènent à aborder les choses de manière différente.
Puisque vous avez évoqué l’apprentissage en disant qu’il n’y aurait pas eu de concertation, il y en a eu. Je peux d’autant plus en témoigner que vous y étiez et moi aussi. Nous savons que vous avez toujours formulé des arguments qui, pour certains, ont été entendus, et pour d’autres, n’ont pas été repris. C’est vrai, mais de grâce, pour la qualité du débat public, ne disons pas qu’il n’y a pas eu de concertation. De même, vous évoquez Muriel PÉNICAUD, la ministre du Travail, qui, selon vous, aurait dit que le nombre d’apprentis aurait été considérablement multiplié. Ce n’est pas exactement ce qu’a dit Muriel PÉNICAUD.
Elle a indiqué que le nombre de demandes d’apprentissage a été considérablement multiplié, plus de 40 %. Nous avons assisté cette année à une augmentation considérable de la demande d’entrer en apprentissage. C’est une excellente nouvelle, parce que cette espèce de réticence culturelle à l’apprentissage était vécue comme un problème. Nous sommes en train de dépasser cette réticence culturelle et il faut donc maintenant être à la hauteur de la tâche. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé au Parlement ces transformations.
S’agissant de la lutte contre la pauvreté, là aussi, des présidents de conseils départementaux – je pense par exemple, cher Dominique, au président KLEIN qui a été chargé d’une mission par le Gouvernement avec la députée de Marseille sur le RSA – ont produit des rapports dont nous tenons compte. C’est plutôt une bonne chose. Ils l’ont fait avec une expérience de terrain, une expérience d’élu local, une expérience d’élu compétent qui gère spécifiquement tel ou tel dossier. Notre objectif, c’est d’améliorer les choses et de créer un service public de l’insertion. L’État ne pourra pas faire les choses seul, il le sait parfaitement. Il sait que pour construire ce service public de l’insertion, il faudra qu’il s’appuie, qu’il travaille, qu’il réfléchisse et qu’il mette en œuvre les choses avec les collectivités territoriales, avec les départements, avec les métropoles et avec les régions, bien entendu, qui ont un rôle majeur en la matière.
A l’inverse, quand le législateur décide de remettre une politique publique entre les mains d’un échelon décentralisé, il faut que l’État respecte ce choix. Assumer ce choix, c’est donner aux collectivités concernées la possibilité d’innover, d’expérimenter, d’adapter. D’ailleurs, dans le droit actuel, nous sommes condamnés au choix binaire de l’abandon de l’expérimentation ou de sa généralisation. C’est le droit tel qu’il existe, tel qu’il a existé depuis bien avant que nous n’arrivions aux affaires.
Je pense qu’il faut corriger cela. Je pense qu’il faut accepter l’opportunité de la différenciation ; c’est ce que vous demandez, c’est ce que demandent beaucoup d’élus locaux, c’est ce à quoi je crois. J’y crois tellement qu’avec le président de la République, nous avons décidé de l’inscrire dans la révision constitutionnelle pour faire en sorte de faciliter le droit à la différenciation afin qu’il soit plus simple pour une collectivité locale de différencier sa façon d’appliquer, de concevoir, de penser ou de mettre en œuvre une politique publique.
La révision constitutionnelle n’a pas, Mesdames et Messieurs, avancé à ce stade, au rythme où j’aurais aimé qu’elle avance mais je vous confirme que nous sommes extrêmement attachés à l’idée d’inscrire dans la Constitution ce principe de différenciation. Il est indispensable pour les collectivités locales et pour le pays.
Assumer ce choix, c’est aller plus loin. C’est aussi accepter que l’État ne s’occupe plus du tout d’un certain nombre de missions, et que pour certaines missions, le périmètre de son action s’allège pour tenir compte de l’intervention des collectivités territoriales.
Le 24 juillet dernier, par une circulaire adressée aux préfets, j’ai engagé une réorganisation territoriale de l’État avec une idée claire et simple : mettre fin aux doublons là où ils existent. Il y en a encore. Nous allons les supprimer complètement. Cela est naturel, normal et va exactement dans le sens de ce que vous demandez.
Assumer ce choix, enfin, c’est diminuer les normes dont on se plaint si souvent et depuis si longtemps. Traditionnellement, les Gouvernements prenaient environ une centaine de décrets par an ce qui représente à peu près la moyenne sur les dix dernières années.
Alors nous avons indiqué aux administrations que c’était trop, et qu’à chaque fois qu’ils apporteraient une norme, ils devaient en supprimer un certain nombre, moyennant quoi, nous sommes passés d’une centaine en moyenne à 18 tandis que nous avons supprimé, je crois, près de 10.000 circulaires et 41 textes réglementaires. C’est un travail sérieux et minutieux qui permet d’éviter de faire peser sur les collectivités territoriales des normes toujours accrues.
Concernant quelques autres sujets plus spécifiques aux régions, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, j’ai invité les 17 présidents de régions ou de collectivités ultramarines à un dialogue à Matignon le 19 octobre prochain. Le but de cette rencontre, c’est que, au-delà des projets que nous avons en bilatéral, nous puissions nous donner une feuille de route partagée, une méthode et un calendrier. Il faudra que nous parlions de tout, y compris des sujets qui fâchent notamment du FCTVA.
Il faudra qu’on parle de l’orientation, des structures de distribution des fonds européens car nous avons intérêt, régions et État, à arriver à Bruxelles unis sur ce sujet, sinon nous ne prévaudrons pas. Nous avons besoin de travailler sur ces sujets pour savoir comment nous organiser de la meilleure façon possible dans cette discussion qui vient notamment sur le budget européen.
Nous parlerons aussi des sujets qui nous rassemblent et sur lesquels, contrairement à ce que j’entends parfois, le Gouvernement fait parfaitement confiance aux régions. Je voudrais en citer quatre : d’abord, les questions de développement économique. Plusieurs projets nous mobilisent en ce moment autour de la discussion du projet de loi Pacte : la réforme des CCI, la modernisation de l’outil industriel, grâce à une mesure de sur-amortissement puissante durant deux ans, la refondation de la politique de soutien à l’export qui passe par les régions et qui a été portée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Les régions doivent être au cœur de cette politique de l’export, des réformes qui visent à faire grandir les PME et les ETI en supprimant ou en gelant un certain nombre de seuils et la revitalisation industrielle de nos territoires. Nous avons lancé une mission qui porte sur une centaine de territoires d’industries et très tôt nous avons demandé aux régions d’y participer. C’est le vice-président de la région Centre Val de Loire, qui représente les régions dans ce groupe de travail, qui porte sur l’innovation et sur le renforcement de la politique industrielle, non pas simplement sectorielle, mais à destination d’un certain nombre de territoires et d’écosystèmes qui sont cruciaux et décisifs pour l’industrie française.
S’agissant de la mobilité ferroviaire, nous avons mené une réforme qui – convenez-en – n’avait pas été conduite jusqu’à présent. Je pense, profondément que les régions vont bénéficier de cette réforme.
Et si cela ne suffit pas, l’ouverture à la concurrence vous permettra demain de choisir le meilleur service au meilleur prix. Les textes d’application les plus urgents seront pris avant la fin de l’année pour préparer l’ouverture à la concurrence. Je sais que Renaud MUSELIER et que Xavier BERTRAND souhaitent être pilotes en la matière. Nous sommes – je vous l’ai déjà dit – à votre disposition pour avancer et pour faire en sorte que vous puissiez profiter à plein des effets de cette réforme.
Nous allons présenter le projet de loi d’orientation des mobilités dans quelques semaines avec pour objectif de renforcer le rôle des régions dans la coordination des politiques de mobilité au service de l’intermodalité. Cela vous permettra de mieux organiser les mobilités de demain, avec une ouverture très large des données des opérateurs de mobilité, qui est la condition pour vous permettre de concevoir efficacement les dispositifs.
Sur la formation et les compétences, le déploiement du plan d’investissement dans les compétences est plutôt en bonne voie, des conventions d’amorçage ont été conclues avec 16 régions, 16 régions, finançant 148.000 formations en 2018. Le plan va prendre en 2019, et grâce aux régions, une nouvelle dimension. Ses moyens vont doubler et passeront de 1,5 milliard d’euros à 3 milliards d’euros.
D’ici la fin de l’année, nous devrons avoir signé les pactes pluriannuels d’investissement 2019-2022, que vous êtes en train d’élaborer avec les services déconcentrés de l’État. Dans la très grande majorité des régions, ces discussions fonctionnent bien et vont nous permettre de pouvoir signer ces programmes pluriannuels d’investissement et de pouvoir avancer dans le domaine. Cet effort financier massif doit nous permettre d’atteindre un objectif de 200.000 entrées supplémentaires en formation par an. C’est un effort qui va s’ajouter à celui des régions qui évidemment devra être maintenu. Il a été convenu – vous le savez – que l’abondement de l’État ne sera pas pris en compte dans l’observation de l’évolution des dépenses régionales de fonctionnement. C’est une question qui avait été soulevée, à juste titre. Nous l’avons prise en compte et nous avons indiqué qu’elle serait retraitée de l’évolution des dépenses régionales dans le cadre de l’exécution des contrats.
Et nous devons, comme vous le demandez, gérer ensemble la transition pour la réforme de l’apprentissage. Muriel PÉNICAUD et Jacqueline GOURAULT nous proposerons ensemble un agenda de travail sur ce sujet.
Enfin dans le domaine de l’orientation, je vous confirme que nous engageons le transfert des 200 postes des directions régionales de l’ONISEP en 2020. Nous sommes prêts à mener des expérimentations dans le cadre du service public régional de l’orientation. Enfin, il me semble que l’autorisation donnée aux régions d’intervenir, y compris dans les collèges dans le cadre du parcours de découverte des métiers, est une bonne chose ; ce sera vrai à partir du 1er janvier 2019. Un cadre national de référence sera établi conjointement entre l’État et les régions afin de préciser le rôle de chacun, mais les régions, parce qu’elles sont en prise directe avec les réalités économiques locales, ont évidemment vocation à participer à l’information des jeunes dans le domaine de l’orientation. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit ce nouveau partage de compétences. L’idée est d’améliorer sensiblement une orientation qui, depuis longtemps, Monsieur le président, ne fonctionne pas aussi bien qu’elle devrait fonctionner.
Mesdames et Messieurs, regardons autour de nous, en quelques années, tout a changé, les sciences, les techniques, les moyens de transmission et de communication. Cette phrase n’est pas de moi, c’est Gaston DEFFERRE, dans le même discours de juillet 1981, qui la formule. Comme quoi, dès 1981, ce sentiment d’urgence et de transformation s’exprimait. Je pense que cela doit nous permettre de mettre en perspective un certain nombre de nos échanges.
Le lien indispensable qui doit se tisser entre nous – vous l’avez dit – a été distendu. Je ne crois pas qu’il ait été cassé ou qu’il ait disparu. On ne peut pas réparer le pays sans travailler en confiance, y compris avec des désaccords, avec les collectivités territoriales. Et donc, moi aussi, je lance mon appel de Marseille, Monsieur le président. Il aura peut-être moins d’écho, il n’est pas formulé dans les mêmes conditions, mais j’y crois autant que vous y croyez.
C’est l’appel à une décentralisation qui accepte les désaccords et qui s’inspire au fond de l’état d’esprit dans lequel vous avez placé notre réunion de ce matin, la franchise et l’amitié. L’amitié qui crée un lien, la franchise qui autorise à se dire qu’on n’est pas d’accord. J’ai été rassuré par l’appel de Marseille et par votre intervention de ce matin, cher Hervé, sur ces deux points.
J’espère que ce que je vous dis aujourd’hui vous aura, vous aussi, et vous, Mesdames et Messieurs, rassuré sur ces deux points. Je vous remercie à la fois pour votre accueil et pour votre attention.
Discours d'Édouard PHILIPPE – Congrès des Régions de France à Marseille – 27.09.2018