Démographie, statistiques de l’immigration par Michèle Tribalat

Mme Michèle Tribalat, démographe à l’institut national des études démographique (INED), communique sur son site les données suivantes .

Statistiques sur les flux d' »entrées » 16/1/2018

Alors que l’Insee vient de publier son bilan démographique (provisoire) pour 2017, avec un nombre de naissances encore en baisse (728 000 en 2017 contre 802 000 en 2010 en France métropolitaine) et une fécondité elle aussi en baisse (1,85 enfant en 2017 contre 2,02 enfants en 2010 en France métropolitaine), le ministère de l’Intérieur met en ligne les chiffres définitifs sur les premiers titres de séjour délivrés en 2016 et une estimation pour 2017.

Le flux estimé en janvier 2017 pour l’année 2016 a été revu à la hausse mais reste très proche de l’estimation : 230 353 titres délivrés contre 227 550.

Par contre une hausse importante est annoncée pour 2017 (+13,7 %) qui concerne à peu près tous les postes, mais surtout les titres délivrés pour motif humanitaire (+35 %), pour motif économique (+20,5 %) et les titres délivrés aux étudiants (+19,6 %).

 

2016 2017
Économique 22982 27690
Familial 89124 91070
Étudiants 73644 88095
Humanitaire 29862 40305
Divers 14741 14840
Total 230353 262000

À l’heure où l’on entend encore dire que la France n’est plus vraiment un pays d’immigration ou que les flux d’entrées tournent, ces dernières années, autour de 200 000 par an, indiquant ainsi une stabilité, il n’est pas inutile de retracer, en juxtaposant différentes séries, l’évolution des flux depuis le milieu des années 1990.

Xavier Thierry a estimé chaque année, de 1994 à 2006, le flux d’entrées à partir des titres de séjour d’une validité d’au moins un an et d’une estimation des entrées de mineurs. Figure sur ce graphique son estimation d’entrées en provenance de pays tiers dans la définition de 2004 en France métropolitaine.

L’Insee estime à partir des enquêtes annuelles de recensement (en utilisant les questions sur l’année d’entrée et la résidence antérieure qui, depuis l’enquête de 2011, concerne la résidence un an auparavant) les entrées d’immigrés chaque année (toutes origines, pays tiers ou non) en France (entière).

Eurostat publie également des données sur les titres de séjour, vraisemblablement sur le même champ géographique que l’Insee (France entière), en distinguant la durée du titre de séjour.

Dans tous les cas, les titres de séjour concernent des majeurs (puisque les mineurs ne sont pas tenus d’en disposer) et les originaires de pays tiers à l’Espace économique européen.

La diversité des définitions, du champ géographique des provenances, de l’âge, de la source et du champ géographique des arrivées (France entière ou métropolitaine) sont de bonnes raisons pour que les chiffres ne soient pas les mêmes.

Cependant, la tendance est sans équivoque et à la hausse avec une accélération en fin de période. Si le flux de 2017 devait être confirmé, cela représenterait un doublement par rapport à 2000, d’après la série du ministère de l’Intérieur. On devrait donc, normalement, cesser d’entendre des commentaires sur la stabilité des flux autour de 200 000, comme le prétendait François Héran dans son livre publié en 2017 (voir : http://www.micheletribalat.fr/434831497)

C’est bien moins, relativement, qu’en Allemagne ou en Suède, mais c’est une augmentation indubitable. Par ailleurs, ces flux ne comprennent pas les étrangers arrivés récemment, dont certains ont été déboutés du droit d’asile chez nos voisins, et qui vivent dans un habitat provisoire ou dans des lieux d’accueil eux aussi provisoires. Les flux sur les titres de séjour ne comprennent pas non plus les étrangers en cours de procédure pour l’obtention (ou non) d’un titre. Le ministère de l’Intérieur ne publie des données que sur le résultat en fin de procédure, lorsque le titre de séjour, pour un motif ou pour un autre, est octroyé.

L’affirmation selon laquelle la France n’est plus vraiment un pays d’immigration n’est pas confirmée par l’évolution de la population immigrée en France. Les deux graphiques ci-dessous représentent 1) le taux d’accroissement moyen annuel de la proportion d’immigrés de 1911 à 2015 et 2) l’évolution de la proportion d’immigrés sur la même période.

Si l’on a traversé à peu près 25 ans, entre 1975 et 1999, sans que la population immigrée ne s’accroisse, nous avons renoué ensuite avec une évolution voisine de celle observée pendant les Trente Glorieuses, deuxième vague migratoire de l’histoire du vingtième siècle. Rien de comparable aux années 1920, et notamment aux années 1921-1926 pendant lesquelles la proportion d’immigrés s’est accrue de 9,1 % par an, en moyenne. Pour rivaliser avec les années 1921-1926, il faudrait que la population immigrée ait augmenté de 3,2 millions en cinq ans, de 2010 à 2015. Cet accroissement, dans les années 1921-1926, s’est produit dans une population immigrée de 1,4 million en 1921 (soit 3,7 % de la population de l’époque), qui a gagné en cinq ans 860 000 personnes, soit près de quatre fois moins.

En 2015, la proportion d’immigrés en France métropolitaine est la plus élevée jamais connue (9,3 %).

 

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Author: Redaction