Déclaration préalable d’Action et Démocratie (CFE-CGC Education)

Conseil supérieur de l’éducation – 17 juin 2021  

Déclaration préalable Action & Démocratie / CFE-CGC 

Monsieur le ministre,  

En quatre ans, vous aurez causé plus de dégâts dans l’institution scolaire que tous vos  prédécesseurs réunis, ce qui est un exploit d’autant plus remarquable et triste que vous étiez  supposé reconstruire l’école de la République, non en précipiter la ruine.  

Les historiens disputeront pour savoir si vous avez été la cause principale de ce désastre, ou  bien si vous n’en avez été que la cause auxiliaire, voire seulement l’instrument, mais il n’est  pas besoin d’en attendre les travaux pour constater les résultats : vous avez rendu à la plupart  des professeurs de ce pays leur tâche impossible sous couvert de l’adapter aux exigences de  l’époque, exactement comme on entraverait tout artisan amoureux du bel ouvrage que l’on  priverait de ses outils. Que vous invoquiez les apports d’une certaine science ou les  comparaisons avec d’autres pays pour justifier des mesures insensées (comme celles  conduisant à la destruction des baccalauréats) ou inutiles (comme la réécriture frénétique des  programmes), cela ne trompe personne sur votre incapacité à prendre les décisions fortes, et  néanmoins simples, que la situation exige : il suffit d’aller dans une salle de professeurs ou sur  les réseaux sociaux pour prendre la mesure de la défiance, de la résignation ou du désespoir  des personnels que vos services soumettent constamment à des injonctions paradoxales, à  des instructions contradictoires et mal inspirées, ou qu’ils laissent sans défense faire face à  des remises en cause désormais permanentes de leur autorité et de leurs compétences  auxquelles vos mesures les ont exposés !  

Nous vous avions déjà alerté ici sur les risques du contrôle continu à cet égard, qui conduit à  se focaliser sur les notes au détriment de l’instruction elle-même, mais vous n’avez rien voulu  entendre et l’on voit maintenant partout des élèves, des parents, mais aussi des chefs  d’établissement, voire des inspecteurs généraux eux-mêmes, contester à tel professeur sa  notation si on la soupçonne seulement d’être trop sévère ou tout simplement juste. Nous vous  avions également alerté sur l’ambiguïté, pour ne pas dire la duplicité, de l’article premier de  votre « loi sur l’école de la confiance » qui sapait l’autorité des personnels en prétendant la  conforter, mais vous n’avez là encore rien voulu entendre et l’on voit maintenant de plus en  plus de professeurs être accusés de n’importe quoi par des apprentis sycophantes auxquels  certains personnels de direction donnent lâchement crédit pour acheter la paix sociale dans  leur établissement.  

Un ministre de l’éducation, se présentant de surcroît comme « le ministre des professeurs »  sur les plateaux de télévision, ne devrait pas accepter ni supporter qu’un seul d’entre eux fasse 

ainsi l’objet d’accusations aussi légères que scandaleuses, comme ce fut le cas de ce collègue  à qui l’on reprocha d’avoir porté atteinte à la moralité de ses élèves de Terminale en leur  montrant l’œuvre de Gustave Courbet intitulée L’Origine du monde et qui, même après avoir  établi de façon étayée et imparable l’invraisemblance de telles accusations, s’est trouvé  malgré tout sanctionné par la hiérarchie qui avait pour devoir de le protéger et le soutenir !  Ces faits, qui soit dit en passant se sont déroulés dans l’académie de Versailles, là-même où  exerçait Samuel Paty et à peine quelques semaines après sa mort, montrent que les personnes  qui y sont chargées des ressources humaines semblent n’en avoir tiré aucune leçon ! Ce sont  pourtant elles que le ministre de l’éducation devrait recadrer de toute urgence, au lieu  d’annoncer comme vous venez de le faire que tous les personnels devront subir à partir de la  prochaine rentrée une « formation à la laïcité », comme s’ils en avaient besoin ou qu’il n’était  pas tout simplement indécent de penser qu’ils en aient besoin !  

Mais nous n’en sommes hélas plus à une inconséquence près ! En effet, comment un ministre  de l’éducation peut-il consentir à ce que des diplômes désormais aussi dévalués que ceux du  Brevet des collèges ou du Baccalauréat soient distribués avec prodigalité et sans aucune  rigueur à des élèves qu’on laisse cependant, pour un toujours plus grand nombre, parvenir  aux portes de l’enseignement supérieur dans un état de quasi illettrisme ? Comment un  ministre de l’éducation peut-il consentir également à ce que les personnels placés sous son  autorité soient de plus en plus nombreux à vouloir quitter cette maison tant les conditions  leur sont devenues insupportables et que le métier ne ressemble plus à celui qu’ils avaient  choisi et aimé ? Comment un ministre de l’éducation peut-il se résigner à ce que, année après  année, l’institution peine à recruter et soit contrainte d’abaisser chaque fois son niveau  d’exigence en la matière, et comment ose-t-il envisager de réduire les concours à de vagues  entretiens d’embauche sans contenu disciplinaire en entretenant de la sorte la crise qu’il dit  déplorer et prétend enrayer ?  

Enfin, comment faites-vous, Monsieur le ministre, pour tenir aussi obstinément les yeux  fermés sur la crise morale profonde qui affecte le ministère dont vous avez la charge, crise à  laquelle vous devriez chercher par tout moyen à apporter des remèdes plutôt que des  complications ? Si tant est que cela soit encore possible, il ne vous reste plus qu’un an pour  changer de cap et prendre enfin en considération les observations et les propositions des  organisations qui, comme Action & Démocratie, n’ont aucun goût pour les simples postures  et les revendications irréalistes et vaines, mais sont attentives au terrain, soucieuses de la  souffrance des personnels et préoccupées par l’état inquiétant dans lequel se trouve  désormais l’institution sur laquelle repose principalement la République. 

CFE-CGC

Author: Redaction