Berlin, Lundi 13 février 2017
Seul le prononcé fait foi
Madame la Chancelière fédérale,
Mesdames et Messieurs,
Il était très important pour moi, quelques semaines après ma nomination comme Premier ministre, de pouvoir effectuer mon tout premier déplacement bilatéral européen en Allemagne et je tiens à remercier chaleureusement la Chancelière fédérale pour son invitation aujourd’hui.
L’axe franco-allemand n’est pas seulement le fruit de l’histoire, particulièrement important en ces temps troublés où les discours nationalistes, de peur et de repli sur soi se font plus bruyants, en Europe et dans le monde. Il est aussi une réalité tangible et quotidienne, dont j’ai mesuré toute la force et la portée ces dernières années dans mes fonctions passées de ministre délégué des Affaires européennes puis de ministre l’intérieur, tout comme le Président de la République tient à entretenir le dialogue extrêmement étroit, confiant et constructif qu’il a tissé avec vous, Mme la Chancelière, depuis près de cinq ans. Je souhaitais, en me rendant ici aujourd’hui, un peu plus d’un an après ma participation, à votre invitation, à un conseil des ministres allemand, réaffirmer avec force mon engagement personnel, celui de l’ensemble de mon Gouvernement et celui de la France, à maintenir ce dialogue et cette confiance jusqu’au dernier jour de notre action.
Cette solidarité entre Paris et Berlin, elle est plus que jamais nécessaire, alors que certains agitent le spectre d’une désunion de l’Europe, que la donne internationale évolue et que nous faisons face à des défis globaux majeurs : sécuritaires, migratoires, environnementaux et politiques.
Notre responsabilité commune, c’est surtout d’apporter des réponses très concrètes à ceux qui doutent de la valeur ajoutée de l’Europe, et de fournir des preuves tangibles de ce qu’ensemble, nous sommes plus forts pour répondre aux préoccupations et aux aspirations des citoyens européens.
C’est dans cet esprit que, dans quelques minutes, j’aborderai avec la Chancelière plusieurs des dossiers prioritaires auxquels nous devons continuer d’apporter des réponses communes.
Notre priorité, c’est d’abord d’assurer la sécurité des citoyens européens face à la menace terroriste. Nos deux pays ont connu, ces dernières années, le traumatisme d’attaques d’une violence inouïe. Je veux redire, au nom de tous les Français, notre soutien et notre amitié aux familles et aux victimes du terrible attentat qui a frappé Berlin le 19 décembre. Et je veux à nouveau remercier très chaleureusement les autorités et le peuple allemands pour les marques d’amitié et de solidarité qui ont accompagné la France pendant les tragiques événements que nous avons connus au cours des deux dernières années.
Vous savez, Mme la Chancelière, l’engagement inlassable qui a été le mien, en tant que ministre de l’intérieur, avec Thomas de Maizière, pour que l’UE se mobilise sur ce sujet. Beaucoup a été fait, mais face à la persistance de la menace terroriste, nous devons faire plus, et plus vite.
Cette impulsion commune, nous devons continuer à la donner pour faire progresser l’agenda de sécurité européen. D’abord, pour faire aboutir au plus vite les chantiers en cours, que nous avons, pour la plupart, lancés ensemble, sur l’interopérabilité et l’interconnexion des systèmes d’information européens, sur le renforcement de nos frontières extérieures. Ensuite pour dessiner de nouvelles orientations pour les mois à venir : pour que l’UE se saisisse pleinement du sujet de la cyber-sécurité et du chiffrement, pour que le code frontières Schengen soit encore renforcé en vue de faciliter les contrôles au sein du territoire de l’UE, ou encore pour lutter plus efficacement contre la radicalisation. Tous ces éléments pourraient utilement faire l’objet d’une feuille de route. Nos ministres de l’intérieur y travaillent actuellement.
La sécurité de l’Europe, elle ne se joue pas qu’en Europe. Il nous faut construire notre pleine autonomie stratégique. Chacun doit prendre sa part de l’effort : les Européens doivent se prendre en main dans ce domaine et davantage coopérer entre eux.
Notre devoir commun, c’est également d’assurer la stabilité et l’essor de l’économie européenne et de la zone euro, pour favoriser la croissance et l’emploi. Le dialogue franc entre la France et l’Allemagne a fait beaucoup, ces dernières années, pour faire bouger les lignes en Europe sur le sujet. Nous avons soutenu, ensemble, aux côtés du président Juncker, la création d’un plan d’investissement de 300Mds€ et nous soutenons désormais son doublement. Nous portons ensemble un discours responsable sur l’application des règles communes que nous nous sommes fixées. La France a plaidé pour une application plus rationnelle et intelligente de ces règles.
Mais elle a aussi fait les efforts nécessaires pour les appliquer, et cela est tangible : notre déficit est repassé sous les 3%, notre dette est stabilisée. C’est indispensable pour le pays dont les comptes publics devaient être redressés. Et c’est aussi un gage de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires.
Protéger le projet européen, c’est aussi continuer à porter haut les valeurs qui sont les siennes. Je pense notamment à l’Etat de droit, auquel je connais votre attachement Mme la Chancelière, et sur le respect duquel l’Europe doit rester intraitable, chez elle, comme vis-à-vis de ses partenaires.
Je pense aussi aux valeurs humanistes qui doivent conduire l’Europe à faire face à des flux migratoires exceptionnels en accueillant dignement tous ceux qui doivent l’être. Mme la Chancelière, la France est pleinement à vos côtés pour porter ce message que vous avez eu le courage d’affirmer avec force. Nous l’avons nous aussi porté, en France, en protégeant et en assurant l’accueil digne de dizaines de milliers de migrants qui avaient afflué dans des campements de fortune.
Ce défi humanitaire ne pourra être résolu sans un grand esprit de responsabilité et un sens aigu des réalités. Sur ces sujets aussi, l’axe franco-allemand est une réalité. Il se matérialise, notamment, dans le fait que nos deux pays parlent désormais d’une seule voix et portent une position commune sur la réforme du régime d’asile en Europe.
Sur les grands sujets régionaux et internationaux, Berlin et Paris parlent également d’une seule voix. Qu’il s’agisse de la lutte contre le terrorisme au niveau international, de la situation en Syrie, du dialogue avec les Etats-Unis, la Russie, l’Iran ou encore de la situation en Ukraine, de la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat ou du rôle de l’OTAN, nos deux pays partagent les mêmes préoccupations et les mêmes priorités.
Enfin, nos valeurs communes, elles vivent aussi par l’art, la culture, la langue. J’aurai l’occasion, ce soir, de célébrer notre vision partagée du rôle central de la culture dans l’ouverture de nos sociétés, et de saluer la richesse de notre coopération en la matière. Le festival de cinéma de la Berlinale est l’occasion de le constater, en présentant plusieurs films coproduits par la France et l’Allemagne dont deux qui ont bénéficié d’une aide franco-allemande issue du traité signé entre nos deux pays le 17 mai 2001.
La Foire du Livre de Francfort en est une autre preuve, en faisant de la France son invitée d’honneur cette année, ce dont nous sommes très honorés. Nous créerons avec «Frankfurt auf Französisch », tout au long de l’année 2017, des temps de partage et d’échange autour de thèmes qui nous sont chers : la langue et l’hospitalité, la jeunesse et l’innovation et naturellement la relation culturelle franco-allemande.
Sur tous ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, mon gouvernement et moi-même resteront totalement mobilisés, à vos côtés, pour faire de chaque jour un jour utile à nos deux pays, à l’Europe, et à travers elle au monde. C’est l’engagement que j’ai pris auprès du Président de la République et que je prends auprès de vous, Mme la Chancelière, aujourd’hui.