Le risque de « personnalisation du pouvoir » a été, pendant plus d’un siècle la hantise des républicains, sous la seconde, la troisième et la quatrième République. « A compter de cette période (le coup d’Etat du 2 décembre 1848), la condamnation de toute trace de pouvoir personnel chez le président devient une véritable obsession des élites républicaines du pays… » Ce message clé de la classe politique française a été totalement ringardisé par l’instauration d’un chef de l’Etat puissant et élu au suffrage universel sous la Vème République (en 1958 puis 1962), qualifié de « monarque républicain ». La dernière séquence du président Hollande, ses déplacements estivaux en province sur le thème de l’emploi, soulignent les ambiguïtés et les travers de cette évolution. L’ultra-personnalisation du pouvoir, en cette période d’impuissance publique, devient personnalisation de l’échec, et donc se retourne contre le chef de l’Etat, en tant que personnage et en tant qu’institution. La vie politique, présente et à venir, semble se concentrer dans la seule figure personnalisée, le visage même du président de la République. L’avenir du pays, tel qu’il nous est présenté par le monde politique et médiatique, paraît se jouer dans un duel futur de présidentiables, à l’image d’un mauvais western. La politique française oscille désormais entre culte de la personnalité et lynchage public. Cette dérive est absurde et ridicule, indigne d’un peuple intelligent. Qui peut croire un instant que dans un monde aussi complexe, les solutions tiendraient dans le cerveau d’un seul homme ? Il faut y voir une sorte d’infantilisation de la nation. Le message des républicains, autour du rejet du pouvoir personnel, avait sans doute un côté excessif, caricatural. Il me semble toutefois, dans les circonstances présentes, digne d’être réhabilité et médité. Lier entièrement le destin d’un peuple au visage d’un seul homme, un peu comme dans ces régimes où le portrait du chef de l’Etat est affiché partout, relève de l’illusionnisme, de la supercherie. Bien sûr que nous avons besoin d’un président qui incarne la nation et fixe le cap, mais sans l’excès de personnalisation auquel nous assistons et dans un contexte d’équilibre des pouvoirs, de partage des missions, des responsabilités, de l’exposition médiatique. Il nous faut renouveler notre vision du pouvoir politique en valorisant sa dimension collective et se dire que le destin du pays est entre les mains, non pas seulement de Monsieur Hollande, mais aussi des forces vives du pays, ses élus, chefs d’entreprises, responsables associatifs et dans la Nation elle-même. Comment les associer au gouvernement du pays? Une profonde transformation, renforcement, et valorisation de la fonction parlementaire, notamment en libérant les élus nationaux du carcan rigide des partis, et le recours habituel au référendum, pourraient à l’avenir permettre de rompre avec cette logique débilitante.
Maxime TANDONNET