En matière de statistiques de la reprise du covid-19, la France est le pays d’Europe le plus touché: sur deux semaines de septembre, 143 000, pour 100 000 en Espagne, 54 000 au RU, 22 452 en Allemagne, 21 000 en Italie. Ces chiffres sont déshonorants. Pourtant, l’immense majorité des Français s’est pliée à toutes les contraintes, tous les asservissements exigés d’elle, un mois et demi d’assignation à résidence, l’humiliation des petits laissez-passer et des contrôles tatillons. Elle a passivement accepté les ordres et les contre-ordres comme un bon troupeau docile et obéissant: sortez de chez vous, n’ayez pas peur! Non, ne sortez plus, c’est la guerre! Aujourd’hui, le troupeau docile se soumet largement au port obligatoire du masque. Pendant un trimestre, de janvier à avril, le discours officiel a martelé que le masque ne servait à rien, qu’il était inutile sinon nuisible. Aujourd’hui il est au contraire vital, obligatoire. L’immense masse des Français, à 98%, suit, se soumet en bon troupeau docile. Aujourd’hui, face à l’aggravation de la situation, il faut des boucs émissaires. Quels éléments, quelles preuves a-t-on que les bars et les restaurants sont responsables de la reprise de l’épidémie? Quels indicateurs permettent de penser que les bars et les restaurants de Marseille en particulier sont source de la contagion? Aucun. Mais il faut bien cogner, montrer que l’on tient les coupables. Et de quel droit se permet-on, depuis Paris, d’interdire à toute une catégorie de professionnels d’exercer leur métier et de vivre de leur travail à 800 km de là? Les « petits » indépendants sont mal aimés de la classe dirigeante. Bars, restaurateurs, ils incarnent la France profonde, la France des ronds-points, la France périphérique, la province « moisie », à l’inverse des « élites sans frontières éclairées ». Le mépris, toujours, au coeur même de l’idéologie dominante. Un million d’emplois en dépendent. Qu’importe: emplois de gueux et de Gaulois réfractaires. Tout cet été caniculaire, la fête a battu son plein dans mon quartier parisien ou des groupes marginaux se retrouvaient sans masque (évidemment) autour de la sono pour boire, danser et fumer. Normal, eux étaient dans le droit chemin: ils faisaient le fête, ils emmerdaient les bourgeois du quartier. Le chaos légitime, voilà ce qu’on ne voit pas en Allemagne ou en Angleterre, voire même en Italie, expliquant toute la différence. Avant hier, dans le Canard de mercredi, le compte rendu d’une réunion houleuse des plus hauts dignitaires de LREM: « Une seule chose compte, tu m’entends, une seule: la réélection de 2022! » En effet, le sentiment qu’ils sont prêts à tout, déconnectés, planqués dans leur bunker, absolument à tout, sans la moindre limite, suscite un étrange vertige.
Maxime TANDONNET