Au-delà du droit, c’est une simple question de bon sens. Logiquement, le CC devrait annuler la réforme des retraites pour des raisons de procédure. Le gouvernement a en effet utilisé l’article 47-1 pour faire passer cette réforme en utilisant comme « véhicule législatif » une disposition prévue pour les lois de financement de la sécurité sociale ce qui lui a permis de recourir à l’article 49-3 pour faire adopter cette réforme sans vote de l’AN. N’épiloguons pas: la réforme des retraites est une réforme sociale en bonne et due forme et non pas une mesure de financement de la sécurité sociale. Dès lors, c’est par un artifice de procédure caractérisé que cette loi a été adoptée à la va-vite. N’importe quelle juridiction indépendante y verrait un détournement de procédure qui serait sanctionné, et cela, sans le moindre doute possible. Mais avec le CC, ce n’est pas pareil. Cette instance est à mi-chemin entre le droit et le politique. Elle tient compte du contexte. Lors de la crise sanitaire, elle a montré toute son ambiguïté. Tandis que le pouvoir politique violait délibérément les règles les plus fondamentales de la liberté, le CC lui a donné quitus. Comble de l’absurdité: son président, de manière informelle avait alors dénoncé la violation des libertés. Dès lors, il est tout à fait possible sinon probable que le CC entérine la réforme des retraites par un choix politique déguisé sous des arguments juridiques.
Mais il y a un autre sujet infiniment plus sensible au fond, une véritable bombe à retardement. Le CC est aussi saisi du projet de référendum d’initiative populaire prévoyant le retour de l’âge de la retraite à 62 ans par 184 parlementaires, c’est-à-dire abrogeant la réforme. Pour le gouvernement et l’Elysée, ce RIP est le pire désastre qu’il soit possible d’imaginer. Dans le contexte, il sera facile de trouver 4,6 millions d’électeurs pour signer la pétition. Or, le CC aura cette fois toutes les peines pour trouver un prétexte pour s’y opposer. L’article 11 prévoit bien que le champ du référendum couvre une réforme relative à la politique sociale. En s’opposant au RIP, le CC anéantirait sa crédibilité. Et la procédure réfrendaire peut durer des mois, voire une année, dans laquelle la crise des retraites se prolongera. Cette-fois-ci, le pouvoir macronien vas se trouver directement et contre son gré confronté au peuple, s’exposant à une défaite populaire quasi sûre et profondément humiliante. Il ne pourra pas rester neutre pour une réforme qu’il aura initiée. C’est donc un véritable gouffre qui risque de s’ouvrir dans les mos à venir sous les pieds du macronisme. Une bombe à retardement.
MT