Comparaisons sont-elles raison?

“Je déteste faire des comparaisons avec Hitler. Mais les propos délirants de Poutine rendent cette comparaison difficile à éviter”, confiait jeudi 24 février Stephen Sestanovich, un spécialiste de la Russie en poste à l’université Columbia, à l’hebdomadaire américain The New Yorker. De même, « Nous sommes en 1938«  écrit l’excellent Nicolas Baverez. Il est couramment admis que l’histoire se répète. Nous serions donc en 1938 ou 1939. Poutine envahit l’Ukraine pour réunir les populations russophones comme l’Allemagne nazie envahissait la Tchécoslovaquie pour annexer les Sudètes de langue allemande avant de s’en prendre à la Pologne et de submerger l’Europe occidentale. Quelques différences cependant soulignent les limites du raisonnement. Hitler était au pouvoir depuis 5 ans quand il a mis en œuvre son sinistre dessein. Poutine est à la tête de la Russie depuis 20 ans. Pour lancer un programme de conquête préméditée, pourquoi avoir tant attendu? Hitler avait un projet génocidaire qui le poussait toujours plus loin – l’anéantissement des Juifs d’Europe – absent chez Poutine. Hitler s’était doté d’un outil militaire presque invincible qui lui a permis d’écraser la Pologne en trois jours et la France en trois semaines – tel n’est pas le cas de Poutine au regard des déboires de son armée en Ukraine. Les proportions ne sont pas les mêmes: 1,5 million d’hommes mobilisés pour l’attaque de la Pologne (dix fois moins de soldats Russes aujourd’hui), 3500 chars et 2500 avions. Hitler était à la tête d’une société totalitaire subjuguée par son Führer dont chaque apparition déclenchait des scènes monumentales et fanatisée d’hystérie amoureuse. Cela n’a semble-t-il pas en grand chose à voir avec Poutine. Le décrire comme un chef d’Etat populaire en Russie relève du cliché – surtout depuis l’attaque de l’Ukraine. Les nazis ne négociaient pas avec la Pologne ou la France en cours d’écrasement des couloirs humanitaires et encore moins avec la Russie à la suite de l’attaque Barbarossa. Ils étaient dans une logique d’extermination autant que de conquête. A ce stade en tout cas, ce n’est pas le cas en Ukraine. La question n’est pas de dire que c’est mieux aujourd’hui ou plus rassurant. Mais à l’évidence, ce qui se passe est d’une autre nature et les sempiternelles comparaisons inadaptées déforment la réflexion et parasitent les choix politiques.

MT

Author: Redaction