Sondage ODOXA-BACKBONE du 21 décembre 2023 Pour chacune des mesures suivantes, votées dans la loi immigration, dites-nous si vous y êtes favorable :
La déchéance de nationalité pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre: 84%. L’article 25 du code civil prévoit déjà la condamnation à la déchéance de nationalité pour les crimes contre la nation (espionnage, trahison), le manquement aux obligations militaires ou le terrorisme. Cela s’applique uniquement aux personnes binationales et naturalisées depuis moins de 15 ans. La règle serait désormais élargie aux meurtriers de policiers. Combien de cas sont concernés (au regard de ces critères) difficile à dire : peut-être 2 ou 3 tous les 5 ans. Mesure uniquement symbolique sans rapport avec la maîtrise de l’immigration, qui sera peut-être censurée par le CC (absence de lien avec la question de l’immigration).
Le rétablissement du délit de séjour irrégulier: 76%. Toute une jurisprudence (arrêt Dridi de la CJCE) s’est développée dans le cadre de l’application de la directive retour de 2008 pour dépénaliser le séjour irrégulier selon le principe qu’un étranger en situation irrégulière doit être reconduit dans son pays plutôt qu’incarcéré (ce qui n’est pas absurde). Les jurisprudences nationales (cour de cassation etc.) l’ont interprété comme une dépénalisation du séjour clandestin. La nouvelle loi repénaliserait le séjour irrégulier à travers une forte amende (puisque la peine d’incarcération pour séjour irrégulier est interdite par le droit européen). Pense-t-on vraiment que des migrants sans papiers, dépourvus de tout, débarqués sur les plages de Lampedouza ou autre, auront 3000 € dans la poche pour payer l’amende? Mesure en partie symbolique.
La fin de l’automaticité du droit du sol (un enfant né sur le sol français de parents étrangers devra désormais manifester son intention d’obtenir la nationalité entre 16 et 18 ans): 76%. Cela fait partie des choses qu’on peut répéter mille fois sans être jamais entendu: cette manifestation de volonté existe déjà. De fait l’immense majorité des bénéficiaires du droit du sol (30 000 par an) le sont par une déclaration anticipée avant 18 ans, qui marque une démarche volontaire. Pour le reste, les quelques-uns qui attendent 18 ans (environ 2000/an), cette mesure a une portée uniquement symbolique.
Disposer d’un visa étudiant, justifier de trois mois d’activité professionnelle ou de cinq ans de résidence pour toucher les APL 75%. L’allongement du délai à cinq ans de résidence ou 30 mois d’activité professionnelle pour toucher les prestations familiales ou d’autres allocations: 74%. J’entends bien que cela plaît à l’opinion. C’est une mesure largement emblématique qui (qu’on le veuille ou non) répond au principe de « préférence nationale » proclamé par le FN/RN depuis des décennies – son fonds de commerce. Ceux qui pensent que les migrants qui prennent le risque d’embarquer sur les rafiots des passeurs avec une chance sur 10 de se noyer le font dans la perspective des APL ou des AF se fourvoient. D’ailleurs, si tel était le cas, ils se diraient qu’il suffit d’attendre un peu plus longtemps. Les migrants fuient la misère, les guerres, le désœuvrement à n’importe quel prix dans le rêve d’un Eldorado généralement dans l’espoir de travailler et gagner 40 fois plus que dans le pays d’origine. Telle est la vérité: elle n’aura aucun impact sur le nombre des entrées. Par ailleurs, cette mesure est juridiquement douteuse au regard du principe d’égalité et frontalement contraire aux jurisprudences européennes sur la « non discrimination »(CJUE et CEDH). Je ne dis pas que c’est bien, mais que c’est ainsi, et que, même dans l’hypothèse où elle serait validée par le CC, elle risque de se heurter ensuite, dans la pratique, aux jurisprudences des tribunaux qui pourraient faire prévaloir le droit européen y compris la jurisprudence de la CEDH.
La mise en place de quotas pour l’immigration débattus chaque année au parlement: 75% . concernant l’immigration familiale et l’asile cette règle est clairement inconstitutionnelle et contraire au droit européen. Elle peut certes s’appliquer aux étudiants et à l’immigration professionnelle (paradoxalement, que l’on souhaite plutôt encourager…) En attendant, ces quotas, il faut bien le comprendre, portent essentiellement sur le nombre de titres de séjour accordés, pas sur l’entrée et la présence physique en France. S’ils ont le moindre effet un jour, ce sera de vase communiquant entre population étrangère en situation régulière et irrégulière pour réduire la première et augmenter la seconde.
La création d’un titre de séjour pour les travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, accordés par les préfets au cas par cas: 69%. Absolument, totalement, rigoureusement inutile… Une jurisprudence administrative constante des années 1970,confirmée par la loi en 2006 donne déjà tout pouvoir au gouvernement à travers les préfets pour régulariser de manière absolument discrétionnaire, qui ils veulent et quand ils veulent sans la moindre limite. Là, on est même plus dans le symbole, mais dans l’affichage.
Voyez-vous, ce qui est détestable, c’est le sentiment qu’on se moque des gens, qu’on ne leur dit pas la vérité, qu’on leur fait croire que tout ceci a le moindre rapport avec la question de la maîtrise des migrations en France et plus largement en Europe. Alors que tel n’est pas le cas. C’est le mensonge implicite ou explicite, d’où qu’il vienne, qui est insupportable.
MT