La députée écologiste semble avoir ouvert un précédent. Il n’existe pas, à première vue, d’exemple récent d’une personnalité politique s’attaquant, juste après la mort et avant même le déroulement des obsèques, à un homme ou une femme disparus. Elle balayait ainsi d’un revers de main la tradition du délai de décence, de respect des défunts et de la douleur de leurs proches, par-delà les divergences ou les contentieux passés. Cette sortie est d’autant plus surprenante que Mme de Fontenay, certes figure médiatique, n’appartenait pas au monde politique et n’avait aucune raison de susciter la haine pour des raisons idéologiques. S’en prendre ainsi à une personne qui justement n’est plus là pour se défendre se présente comme le summum de l’inélégance. Cette déclaration peut être analysée à deux niveaux.
Le premier est le plus trivial, le plus évident. La vie politico-médiatique est engagée dans une course à la provocation, à la petite phrase, au bon mot qui vont permettre de forcer le mur de l’indifférence médiatique et d’attirer la lumière à soi. Par des mots qui contrastent avec le consensus, Mme Rousseau réussit à faire parler d’elle. Peu importe que l’attention qui lui est portée doit de nature positive ou négative. Elle a atteint son objectif. Il est question d’elle sur les réseaux sociaux, dans les médias et dans la presse. Le coup a porté ses fruits. Elle se fait connaître ainsi du grand public et entrera dans les « sondages » de popularité des personnalités connues des Français.
Elle n’est évidemment pas la première à appliquer cette méthode qui s’impose comme une figure imposée de toute carrière politique réussie. La transgression permet de se faire connaître et de s’imposer dans le paysage politico-médiatique. Le président Emmanuel Macron a par exemple forgé sa stature politique, entre 2014 et 2017 par des saillies qui lui ont valu l’attention (et la fascination) des médias, comme la remise en cause des 35 heures ou du statut de la fonction publique, deux sujets tabous dans son parti de l’époque – le parti socialiste. Mme Rousseau pousse la méthode encore plus loin en s’affranchissant d’une tradition : le respect du deuil. Elle balaye d’un revers de main le « délai de décence ». Et cela lui profite ! Dans un contexte de crise de confiance envers la parole politique, de néant des débats d’idées et de perte de crédibilité des projets et des promesses, il reste aux responsables politiques nationaux, pour se distinguer, le recours à la polémique. A ce jeu, Mme Rousseau est orfèvre.
Le second niveau est plus inquiétant. Que recouvre cette politique de la « table rase » qui consiste à balayer sans scrupule les conventions et les valeurs de respect d’autrui – face à la mort – les plus élémentaires ? Il signifie que rien n’arrêtera les tenants d’une idéologie dans leur dessein de la mettre en œuvre, aucun état d’âme, aucun scrupule. Les idéologues de l’écologie ont manifesté à mainte reprise leur quête de la vertu, ou de purification du peuple. Tout ce qui leur semble populaire est à leurs yeux suspect d’impureté. Ils ont fustigé le sapin de Noël, le tour de France, parlent d’interdire plus de quatre voyages en avion par an et les maisons individuelles avec jardin. Ils approuvent le saccage des œuvres d’art dans les musées. Mme Rousseau, elle-même, a condamné le barbecue comme machiste. Maintenant, c’est la beauté du corps féminin exposée à la télévision qui, à leurs yeux, devient suspecte ou immorale. Bref, à travers mille anecdotes, ils montrent leur vrai visage qui consiste à vouloir imposer une société puritaine, vertueuse, d’où les plaisirs simples de la vie quotidienne, les plaisirs populaires, auront été bannis. Leur vision est de nature totalitaire – sans qu’ils ne disposent des bases intellectuelles ou historiques, leur permettant d’en avoir conscience.
Alors, évidemment, le premier réflexe est de ne pas les prendre aux sérieux et de se dire qu’ils s’excluent de toute perspective d’accéder aux responsabilités du fait de leurs excès. C’est oublier qu’ils ont pris le pouvoir dans plusieurs métropoles françaises dont Lyon et Bordeaux, à la faveur de taux d’abstention gigantesques. Le désintérêt de la majorité silencieuse pour les élections favorise toujours les extrémismes dont l’électorat est le plus motivé. Au contraire, il faut les prendre au sérieux. Le désintérêt pour la chose publique et l’abstentionnisme de la grande majorité, en favorisant les tentations extrêmes, groupusculaires, préparent des situations que les Français peuvent avoir à regretter un jour. « Un bien ne succède pas forcément à un mal, écrit Montaigne dans les Essais, un mal encore pire peut lui succéder. »