Cession d’un immeuble en France par un non résident, non communautaire : la fin d’une discrimination?

La plupart des conventions internationales attribuent à la France le droit de taxer les plus-values immobilières réalisées sur des immeubles situés en France. Cette imposition est  déterminée par l’article 244 bis A du CGI. Ledit article prévoit un taux différent selon que le cédant est résident Européen (Union Européenne, Islande, Norvège, Liechtenstein) ou non. Dans le premier cas, l’imposition est prélevée au taux de 19% dans le second, c’est 33%1/3.

Cette discrimination a donné lieu à de nombreux contentieux:, essentiellement pour nos voisins Suisses, qui ont tendance justifiée à apprécier la douceur du climat français pour leurs investissements immobiliers.

– En premier lieu, il a été soutenu que cette différence de traitement était contraire aux clauses de prohibition des discriminations contenues dans les conventions fiscales. En tant qu’avocat, j’ai déjà essayé: l’administration en général balaye cet argument en s’appuyant sur la lettre des conventions: dans les conventions c’est la non discrimination en raison de la nationalité qui est visée, non en raison de la résidence ; il est donc légitime d’accorder la protection conventionnelle aux nationaux français (y compris sur le territoire étranger) mais non aux résidents non nationaux (qui ont le privilège d’y être admis à résidence en France mais pas celui d’être défendus par l’administration nationale…). Dans un Arrêt récent du 21 juillet 2011, la Cour d’Appel de Versailles (n°10VE04101, 6e, Wolf von Guggenberger) ne met pas fin à ce raisonnement. Elle supprime néanmoins la discrimination en s’appuyant sur l’article relatif aux plus-values immobilières dans la convention entre la France et la Suisse. L’article en question stipule que les gains de cession sont calculés dans les mêmes conditions pour les résidents français et les non résidents: et oui, les suisses sont malins: voilà encore une subtilité de la convention pas tellement bien appréhendée par les négociateurs français lors de la négociation de l’accord….

– En second lieu, il est soutenu que cet article, en ce qu’il institue une différence de traitement entre les résidents communautaires et non communautaires constitue un obstacle au principe de la libre circulation des capitaux. En effet, le traité de fonctionnement de l’Union Européenne institue cette libre circulation des capitaux tant à l’égard des Etats membres qu’à l’égard des Etats qui ne sont pas membres.  Dans un jugement du 25 février 2011, le Tribunal de Montreuil a purement et simplement invalidé l’application du taux supérieur de l’impôt pour un non résident non communautaire sur ce fondement.

Ce courant jurisprudentiel ouvre un nouveau contentieux de masse où tous les non résidents hors union européenne (et pas seulement les suisses) qui réalisent des plus-values ont de l’impôt à récupérer puisqu’ils ont à tort était imposé à 33%1/3 au lieu de 19% (au plan pratique le notaire étant solidaire des droits, il ne prendra jamais le risque de ne prendre que 19% par application du TFUE….lequel ne fait pas partie des livres de chevet de la profession….). Il suffit d’un acte de vente et d’une réclamation contentieuse (lettre recommandée et signée où on réclame l’argent perçu en trop). Les plus procéduriers prendront un avocat (avec possibilité de forfait 1000 €+ frais de procédure chez moi pour contentieux de masse).


Pourtant, même avec un taux plus faible, les non résidents non communautaires ne sont pas beaucoup moins bien considérés que les résidents en matière de taxation de la plus-value. En effet, d’un coté les non résidents non communautaires payent 33%1/3 et d’un autre coté les résidents acquittent 19% d’impôt sur le revenu, mais aussi 13,5% de CSG soit 32,5%. La différence d’impôt tient donc à la territorialité de la CSG. Les non résidents ne supportent pas cette taxe. Depuis un Arrêt des années 2000 (15 février 2000 aff. 169/98 et 34/98 plén., Commission c/ France : RJF 3/00 n° 436), la CJCE considère que le régime européen des cotisations sociales est un régime de coordination, non d’harmonisation ou d’uniformisation de sorte que rien empêche la France d’édicter une législation fiscale à finalité sociale qui refuse de taxer les non résidents, si elle le souhaite. Le Conseil d’Etat, de son coté, a reconnu que la CSG était un impôt, car elle n’apporte pas de prestations. 


Donc en pratique, si les taux sont proches pour les résidents et les non-résidents non communautaires, c’est au prix d’une discrimination de l’IR et d’un défaut d’analyse de la nature juridique de la CSG. La convergence entre l’IR et la CSG qu’une partie de la classe politique appelle de ses voeux pourrait résoudre le problème (je m’étonne d’ailleurs que ce point ne soit pas soulevé par l’administration…). Mais force est de constater qu’il serait plus efficace de rénover les instruments européens en matière de protection sociale:  la jurisprudence ne souhaite pas aller au delà des textes qui prévoient la mise au point d’un système de coordination. Elle se contente d’en démontrer les failles à travers des jurisprudences inéquitables….exemple jurisprudence Deroin du 3 avril 2008, sur les avocats parisiens des cabinets anglo-saxons qui ne payent pas de CSG. La concrétisation de l’idée qu’il n’est plus raisonnable de se contenter  aujourd’hui d’un simple système de coordination des législations sociales devrait être politique. Mais le corps politique ne suit plus: harmoniser, oui, mais dans quel sens?


Stanislas LHERITIER

Author: Redaction