Le bouclier fiscal a été supprimé en 2011 mais il reste en place pour les revenus perçus en 2010 et les impôts payés en 2011. Si donc, vous avez payé en impôt en 2011 plus de la moitié de vos revenus 2010, vous avez une créance de bouclier en 2012, que vous pouvez imputer sur votre ISF.
Dans le contexte actuel, il est envisagé, non seulement de remettre en cause le barème de l’ISF pour 2012 mais également de supprimer rétroactivement cette créance de bouclier fiscal. Elle aurait dû s’imputer sur l’ISF 2012, mais le législateur la supprime avant qu’elle puisse être mise en oeuvre ou un peu après, à la faveur d’une loi de finances rétroactive.
Coté technique, rien empêche le législateur de revenir sur le barème de l’impôt, rétroactivement: l’interdiction des lois rétroactives, c’est seulement pour le pénal. En fiscalité des lois rétroactives, on en a connu! Il est sans doute pénalisant d’avoir à payer plus d’impôts, mais personne ne considère qu’il s’agit là de sanctionner un comportement (celui qui gagne de l’argent?) donc pas de contradiction avec le principe pénal. En outre, demander aux gens de payer des impôts ne porte pas une atteinte à leur droit de propriété, dans la mesure où il résulte de la déclaration des droits de l’homme que le droit de propriété est subordonné à l’intérêt général (censé se concrétiser par l’impôt).
Pour le bouclier fiscal, le contexte est différent: on est plus en train de parler d’une imposition, mais d’une créance. Certains font valoir que c’est possible de revenir sur la créance en question, car elle n’est pas née tant que le bouclier n’est pas liquidé. C’est l’imprimé d’autoliquidation qui fait naître la créance. Tant que l’imprimé n’est pas là, la créance n’existe pas: elle est encore potentielle: donc rien empêche à la loi de revenir dessus.
Toutefois, nous ne pensons pas qu’une telle législation puisse utilement être mise en oeuvre. En effet, la Convention Européenne accorde aux justiciables le respect de leur droit de propriété. Or, l’interprétation de la propriété qui est faite par les magistrats est large: depuis bien longtemps on considère que l’on peut être propriétaire, non pas d’un bien mais d’une créance. Cette notion englobe les droits potentiels, encore peu reconnus en droit français, mais qui existent en tant que tels chez les anglo-saxons sous le terme « future interest ». Si donc, le bouclier fiscal est remis en cause rétroactivement, les justiciables pourront réclamer la réparation de leur préjudice lié à la perte de leur droit potentiel à imputer leur bouclier fiscal sur l’ISF devant la CEDH.
Voilà de quoi démontrer que la véritable protection des droits civils et politiques en France aujourd’hui, provient des textes internationaux européens.. Voilà aussi de quoi démontrer que le seul signal international que la France est capable de donner en matière de fiscalité, c’est le signal négatif d’un perpétuel changement.
Stanislas Lhéritier