Bilan des actions menées par l’État après Xynthia : « il faut tout faire pour anticiper et sécuriser la vie des habitants »

Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a dressé le bilan des actions menées par l’État après la tempête Xynthia, dans une interview parue dans le Parisien le 15 septembre 2014.

Presque cinq ans après la catastrophe, combien d’habitants ont dû évacuer les zones les plus touchées par Xynthia ?

Je veux d’abord dire que toute mon affection va aux victimes très durement traumatisées par cette catastrophe. J’étais à leurs côtés au moment du drame car ma région a été victime .
Sur le plan matériel, pour aider les sinistrés, la solidarité nationale a pleinement joué. Près de 1200 maisons ont été acquises par l’Etat à l’amiable en Vendée et en Charente-Maritime pour un coût de 315M€. La quasi totalité sont aujourd’hui déconstruites.

Quid des millions d’habitations construites en zone inondable ?

Aujourd’hui, il faut avoir le courage de dire que 17 millions d’habitants vivent en zone potentiellement inondable mais dire aussi que des solutions existent pour rester vivre sur place en gérant la prévention du risque. Mais il y a des zones basses nécessitant des mesures renforcées de sécurité en raison de risque très fort de crue ou de submersion marine. Un premier recensement de ces zones a été effectué sur le littoral après la catastrophe Xynthia. Par exemple en Gironde, sur la commune de Saint-Louis Montferrand, quinze maisons menacées par un risque grave de submersion ont été acquises et vont être détruites. Sur des secteurs moins exposés, des travaux de protection et la mise en place d’un plan communal de sauvegarde sont à faire.

Une tempête aussi dévastatrice peut-elle se reproduire ?

Malheureusement oui, des tempêtes telles que Xynthia peuvent se reproduire . C’est pourquoi je veux que l’on anticipe avec détermination et discernement en s’inspirant des méthodes des outre mer qui anticipent depuis toujours tempêtes et cyclones. Pour ce faire j’ai engagé le 10 juillet dernier la stratégie nationale du risque inondation qui va de l’équipement des familles en kit de survie , l’amélioration des alertes, jusqu’au changement des méthodes de construction dans ces zones avec des maisons surélevées par exemple . Je prépare le lancement d’un concours d’architecture et les normes seront libérées pour construire autrement .

Sachant qu’1,5 million de personnes habite dans des zones littorales potentiellement exposées au risque de submersion marine ou aux inondations fluviales il faut tout faire pour anticiper et sécuriser la vie des habitants et aussi en limitant au maximum les dégâts matériels qui font le désespoir de ceux qui les subissent régulièrement .

Quelles mesures ont été prises par l’Etat pour l’éviter ?

D’abord le plan submersions marines lancé en 2011 et que j’ai accéléré pour engager les 500M€ destinés à renforcer 1200 km de digues. Météo France dispose par ailleurs d’une nouveau dispositif d’alerte performant dédié au risque de submerson marine et enfin 303 communes ont dû élaborer ou réviser leurs plans de prévention des risques littoraux pour réglementer l’urbanisation dans les zones à risque. Je salue ce travail des maires car ce n’est pas facile.

Quel message adressez-vous aux élus locaux, parfois accusés de contourner la loi littoral en laissant construire en zone inondable ?

Les élus sont très conscients de leur responsabilité en la matière, je peux en témoigner pour avoir été à leurs côtés . C’est avec eux que j’ai élaboré la stratégie nationale de gestion du risque inondation. C’est avec leur accord que j’ai décidé de conditionner les subventions de l’Etat (au programme de travaux sur les digues notamment) à la pose obligatoire des repères de crue et à la réalisation d’exercices de crise. Les habitants, lorsqu’ils y sont associés facilitent beaucoup les choses. Les communes les plus exposées doivent revoir leur système d’alerte des populations et j’aimerais qu’un maximum d’habitants soient équipés, dans les zones à risques, de kits de survie ( que j’ai montré) comme le demande la Sécurité civile , surtout quand les tempêtes se déclenchent la nuit.

Les changement climatiques annoncés accroissent-ils les risques d’inondation dans l’hexagone ?

Il est clair que les effets du changement climatique, avec l’élévation du niveau moyen des mers et la multiplication probable des fortes tempêtes, vont aggraver les risques de submersion, pour le littoral mais aussi certaines rivières. Les cours d’eau à crue rapide très réactifs aux pluies intenses doivent aussi être surveillés. Il faut se préparer au risque d’inondation aussi efficacement que le font les élus et habitants des territoires et pays exposés depuis toujours.

Les populations exposées sont-elles suffisamment informées du danger ?

Il est évident que l’information des citoyens et la culture de la prévention des risques doivent être renforcés en France. Je comprends qu’après un drame, on a surtout envie d’oublier. Mais mon devoir de ministre chargée de la prévention et de la gestion des risques naturels c’est de mobiliser pour agir . C’est pourquoi j’ai voulu rendre publique la carte de France des zones inondables, ce qui ne fait pas forcément plaisir aux communes, je le comprends. Mais J’estime que c’est dangereux de cacher les problèmes et qu’il faut au contraire dire la vérité pour que les habitants et leurs élus soient bien informés du danger et puissent anticiper et participer aux solutions. Par exemple, les solidarités de voisinage sont très importantes. Ou encore L’équipement en sirène d’alerte de toutes les communes, ce qui a cruellement manqué pendant Xynthia . Le site internetgeorisque.fr permet désormais a chacun de savoir si l’on habite dans une zone à risque. Les habitants ne demandent qu’à être acteurs de leur sécurité : kit de survie, réunions d’information que les maires doivent tenir et participation aux exercices d’évacuation que je recommande tous les ans. Je suis sûre qu’une dynamique positive peut faire passer de la peur ou de l’oubli à la forte maîtrise de la situation de crise . J’ai demandé aux services de l’Etat d’épauler efficacement les communautés de vie pour s’organiser et décider du bon dispositif à mettre en place conformément à mes instructions de juillet dernier. Nous en ferons un bilan dans trois mois.

Author: Redaction