« Au service de la France »

« Au service de la France », c’est le beau titre sous lequel fut publié le journal de Raymond Poincaré, en 11 tomes, pendant son mandat présidentiel de 1913 à 1920. J’y pense en réaction avec l’affligeant spectacle que donne la politique médiatisée de la France aujourd’hui, son naufrage dans le narcissisme et la mégalomanie. L’adoration, l’ivresse de soi procèdent du néant: quand rien ne vaut, rien ne compte vraiment, il reste le culte de soi, jusqu’à la démesure, jusqu’à l’obscénité. Elles sont le signe de la médiocrité morale et intellectuelle: l’incapacité de se projeter par la pensée au-delà de la carapace de l’ego. « Au service de la France » se présente comme la formule d’une autre époque, celle d’un idéal collectif, celui de la Nation, prévalant sur l’obsession narcissique. D’où la différence entre politicien et homme d’Etat: le premier se conçoit comme un sous-dieu auquel le pays doit hommage; le second comme un humble serviteur de ce même pays. Des hommes politiques, députés et sénateurs, dont l’objectif essentiel est de servir la France, il s’en trouve bien entendu. Mais contrairement à l’époque de Poincaré, ceux-là se heurtent à un plafond de verre pour faire entendre leur parole et accéder aux responsabilités gouvernementales. Le filtre médiatique, qui conditionne une existence publique, privilégie l’hystérie, l’exubérance, la provocation, la démence narcissique, sur le dévouement simple et discret au bien commun. La presse écrite, vecteur des messages politiques, favorisait jadis la réflexion, l’esprit critique et la prise de hauteur. Le clinquant médiatique pousse inéluctablement, à une médiocrité toujours plus affligeante. Que faire dès lors? S’il existe une faible lueur d’espoir de redressement, elle ne se conçoit qu’à long terme, passe par le bon sens populaire, le retour à la pensée et à la réflexion, dans les profondeurs du pays. A chacun d’y contribuer selon ses moyens: essayer de faire partager l’amour des livres d’histoire, par exemple, en est un parmi d’autres [le mien].

Maxime TANDONNET

Author: Redaction