Atlantico, Wauquiez, les valeurs « de droite »

1-Dans une interview donnée au Figaro, Laurent Wauquiez a indiqué « Je défends les valeurs de travail, d’effort, les classes moyennes, je refuse le communautarisme et l’intégrisme islamique qui petit à petit ronge notre société. Je considère que l’on a besoin d’assumer notre histoire et nos racines et que la France n’a pas à se renier pour retrouver du souffle et de l’ambition« . Au dela de la personnalité de Laurent Wauquiez. En quoi les « valeurs » énoncées ici sont elles conformes aux attentes des électeurs de droite ? 

Elles correspondent aux attentes d’une grande partie des Français, pas seulement des électeurs de droite. Quand on regarde le sondage annuel de CEVIPOF, on s’aperçoit ce que ces principes sont plébiscités par 70% des Français. C’est tout le problème du décalage entre la France dite d’en bas, la majorité silencieuse, et les élites dirigeantes ou influentes. Ce discours sur la réhabilitation du travail, l’indivisibilité de la République, c’est-à-dire le refus du communautarisme et du repli identitaire, la fierté de la France est largement populaire. En revanche il déplaît profondément au monde médiatique et aux milieux influents, dominés par l’idéologie de l’individualisme total et de la défiance envers la nation. Ceux là n’auront de cesse que de le dénigrer. C’est toute la difficulté de l’exercice.  Ce discours de Laurent Wauquiez avait permis à Nicolas Sarkozy de convaincre les Français et de gagner les présidentielles à une large majorité en 2007.

2-En quoi la prise en compte de ces valeurs de l’électorat peut être jugée suffisante, ou non, à une réelle reconstruction de la droite ? Quelles sont les thématiques sur lesquelles la droite devrait proposer une ligne politique plus affirmée ? En quoi les questions relatives à l’Europe, à la mondialisation, au capitalisme financier, essentielles dans le corps électoral, peinent à trouver une réponse de la part de la droite française actuelle ? Quel pourrait être le positionnement de la droite française sur ces questions ? 

Proclamer des valeurs n’est pas le principal problème de fond. Ce qu’il faut avant tout, c’est regagner la confiance dans le politique. Les Français ont été  trop souvent déçu et sont persuadés que le politiques ne s’intéressent qu’à eux-mêmes et ne respectent jamais leurs engagements. L’enjeu fondamental pour Laurent Wauquiez, est de trouver les mots qui permettront de les convaincre de sa détermination à agir, non par ambition personnelle, mais par engagement en faveur du bien commun. Tel est l’immense défi qui se présente à lui… Sur l’Europe et la mondialisation, ou les frontières, il doit prendre le risque de la vérité quitte à s’attirer les foudres du monde médiatique. Pourquoi l’Union européenne est moribonde aujourd’hui, avec le Brexit, la Hongrie, la Grèce ? Pourquoi le déséquilibre entre la réussite de l’Allemagne et l’affaiblissement de l’Europe méditerranéenne est une menace pour le continent ? Comment faire face à la  crise migratoire ? Quelle politique des frontières ? Toutes ces questions ont sombré dans le tabou absolu. Personne n’ose les affronter.  Il est urgent de les regarder en face et de tenir un discours de vérité.

3-Quelles sont les leçons pouvant être tirées des expériences étrangères, notamment dans l’évolution des différents partis de droite des grands pays industrialisés ? 

Désolé mais je ne trouve pas d’exemple satisfaisant dans l’actualité et transposables en France. Il me semble que la crise politique touche largement le monde occidental. L’expérience Trump aux Etats-Unis ne fournit pas un modèle probant pour la France. Elle est marquée par une fuite dans la communication et la provocation, avec le système des Tweets du président. Cela fait beaucoup de bruit, déclenche de gigantesques polémiques, tempêtes dans un verre d’eau, mais nul ne peut dire où cela mène. Il faut faire le contraire : agir sur le fond des dossiers pour faire bouger les choses en évitant les gestes et les mots qui déchirent. La situation en Grande-Bretagne n’a rien non plus de réjouissant, quand on voit le Gouvernement de Mme May englué dans un processus de Brexit dont personne ne voit l’issue. Le courant républicain français doit réinventer son propre modèle, fondé sur le pragmatisme, une volonté de transformation profonde de la politique, pour la sortir de la crise de défiance, réconcilier les Français avec la vie politique, en la sortant de la logique de la communication narcissique pour la réconcilier avec l’intérêt général. Le chantier est immense…

 

Author: Redaction