Marisol TOURAINE est intervenue, mercredi 6 juillet 2016, lors de l’Assemblée plénière de la conférence nationale de santé (CNS).
Vous pouvez lire son discours ci-dessous ou le télécharger en cliquant ici.
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Intervention de Marisol Touraine
Ministre des Affaires sociales et de la santé
Assemblée plénière de la Conférence nationale de Santé (CNS)
Mercredi 6 juillet 2016
Seul le prononcé fait foi
Madame la présidente de la CNS,
Mesdames messieurs,
Je suis très heureuse d’être parmi vous aujourd’hui. Heureuse de recevoir la charte du parcours sur laquelle vous avez longuement travaillé. Elle constitue une étape essentielle pour la concrétisation des réformes engagées dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de santé. Heureuse, aussi, d’être au contact de femmes et d’hommes engagés au service d’une ambition essentielle : celle de faire vivre la démocratie sanitaire en donnant plus de place aux avis partagés des acteurs de la santé.
En 2012, je vous avais écrit pour vous donner ma vision de la CNS. Je la décrivais comme « le véritable Parlement de la santé ». Vous remplissez des missions essentielles. Vous contribuez à éclairer les décisions des pouvoirs publics. En somme, vous participez à faire vivre le débat sur les grands enjeux de notre système de santé.
La transparence des échanges, la réduction des asymétries d’information, l’émancipation des individus sont des marqueurs de la transformation de notre société. La santé n’échappe pas à cette transformation, bien au contraire : la démocratie en santé existe, elle grandit, se développe. Nous partageons un objectif commun : lui fixer un cadre, lui donner des moyens, lui permettre de s’exprimer, pour qu’elle profite à tous.
Vous avez ainsi adopté ce matin la seconde partie de votre avis relatif aux nouvelles perspectives pour la démocratie en santé. Je veux vous dire, après en avoir pris connaissance, que je partage nombre des propositions que vous formulez.
- Parce que ces propositions rejoignent pleinement mon engagement
Avec la loi de modernisation de notre système de santé, nous avons consacré une nouvelle étape majeure pour la démocratie en santé dans notre pays, terme que je préfère comme vous à celui de « démocratie sanitaire », tant son champ doit être large et couvrir toutes les thématiques de santé, et ne pas se limiter au seul soin. J’ai fixé trois grands principes.
Le premier, c’est la co-construction des politiques publiques en santé. Forums citoyens, consultations, débats publics, les nouvelles formes d’expression sont nombreuses. Mon ambition est de mieux les solliciter pour mieux prendre en compte les attentes, les besoins et l’expertise des citoyens. Je veux aussi permettre aux professionnels de santé d’y prendre part. Le dialogue doit se renforcer, pas seulement entre patients, mais entre citoyens et décideurs, usagers et professionnels, associations et administrations. Et sur ce plan, votre rôle est essentiel, j’y reviendrai.
Le second principe, c’est le renforcement de l’information. L’information est un enjeu de transparence et d’égalité, c’est la première condition de la démocratie. Elle doit être partagée pour que chacun dispose des outils nécessaires pour décider en connaissance de cause. Le service public d’information en santé s’inscrit dans cette ambition. Il doit permettre à nos concitoyens d’accéder facilement aux bonnes informations pour mieux comprendre et s’orienter dans notre système de santé, mais aussi pour mieux rester en bonne santé.… C’est aussi toute l’ambition de la création du score nutritionnel qui doit permettre à chacun de choisir de manière éclairée ce qu’il va consommer.
Le troisième principe, c’est la mobilisation individuelle. Nous devons être davantage impliqués dans la gestion de notre santé. Les expérimentations d’accompagnement des patients souffrant de maladies chroniques, de handicap ou particulièrement exposés au risque de maladie chronique doivent par exemple leur permettre d’acquérir plus d’autonomie.
La loi de modernisation de notre système de santé constitue donc une étape majeure. Je sais qu’à l’occasion de sa mise en œuvre, des inquiétudes ont été formulées. Je crois qu’elles sont avant tout à la mesure des attentes des acteurs engagés pour la démocratie en santé. Et je veux rassurer.
Je veux rassurer, parce que l’expression des attentes est pour moi signe de maturité de la démocratie en santé : avant-hier, on se battait pour qu’elle existe, hier on se l’appropriait, aujourd’hui on la revendique. Je veux rassurer, aussi, parce que vos travaux montrent combien le positionnement de la CNS est d’actualité.
D’ailleurs, la Charte que vous avez adoptée s’appuie pleinement sur les trois principes que j’ai évoqués. Vous insistez sur la dimension partenariale de la relation patient-professionnel. Cette relation implique que le patient prenne avec le professionnel les décisions concernant sa santé, qu’il s’agisse de prévention, de soins, de lieu de prise en charge. Nous savons que les professionnels adhèrent collectivement à cette conception de la relation avec le patient, mais nous devons constater que dans la pratique, la situation n’est pas la même partout, par manque de temps parfois, par manque de réflexes aussi. La diffusion de cette Charte du parcours de santé contribuera donc très utilement à sensibiliser usagers et professionnels.
2. La question du pilotage de la démocratie en santé, de la place de ses acteurs, suscite beaucoup d’attentes. C’est légitime. Je souhaite que nous avancions ensemble
Vous le savez, j’ai demandé à l’IGAS de me faire des propositions quant au pilotage de la démocratie en santé dans notre administration. Ce rapport vous sera communiqué dès aujourd’hui. Je veux profiter de cet échange pour vous dire comment j’entends avancer. Je fixe trois exigences : cohérence, interaction et efficacité.
La première exigence, c’est la cohérence. Ces dernières années, chacune des directions du ministère s’est investie dans les sujets de démocratie en santé, et je tiens à saluer leur implication. L’enjeu est aujourd’hui de donner une cohérence globale à ces efforts. Il faut davantage de transversalité entre les directions, mais aussi entre le national et le régional.
Pour avancer dans cette voie, j’ai confié au secrétariat général du ministère la mission de coordonner les personnes impliquées sur la démocratie en santé de toutes les directions. L’enjeu est de préfigurer ce qui deviendra, à terme, une structure dédiée au pilotage la démocratie en santé au sein de notre administration.
Seconde exigence : l’interaction. Les acteurs de la démocratie en santé sont nombreux, divers. C’est une formidable richesse, mais cela soulève aussi un vrai défi : celui d’identifier davantage de passerelles entre eux.
Je veux revenir sur la création de l’Institut pour la démocratie en santé (IPDS). Je sais qu’elle a suscité des questionnements chez certains d’entre vous. Mais je veux vous dire que les missions de cet institut ne sont en aucun cas concurrentes des vôtres. Le rôle de l’IPDS, c’est définir des outils méthodologiques, d’identifier des initiatives innovantes, de lancer des réflexions et des recherches, d’organiser un centre de ressource de référence sur la démocratie en santé et de mettre en place des formations pour ses acteurs. Il n’y a donc aucune concurrence avec votre conférence, bien au contraire, et vous pourrez bénéficier de ces ressources et de ces travaux, comme l’administration, les ARS ou d’autres acteurs. Je le redis avec force : le seul enjeu, ici, est de travailler à une meilleure synergie des acteurs de la démocratie en santé.
Autre acteur nouveau dans le paysage de la démocratie en santé : l’union des usagers. Quel est l’enjeu ? Renforcer la représentation des associations d’usagers, dont le rôle et les missions doivent être mieux valorisés. Si nous voulons qu’elles jouent un rôle renforcé, alors il faut les soutenir. Ce rôle de défense et de représentation de la voix des usagers est indispensable, ce n’est pas le rôle de votre Conférence où doivent débattre l’ensemble des acteurs de notre système de santé : usagers, élus, professionnels… Mais là encore, les synergies vont très rapidement apparaître et des représentants de l’Union auront vocation à intégrer votre collège des usagers. J’ai confié à Edouard COUTY la mission de préparer le décret d’application de cette mesure. Son rapport m’a été remis et sera mis en ligne sur le site du ministère.
Renforcer l’interaction entre les acteurs de la démocratie en santé, c’est enfin rapprocher les champs du sanitaire et du médicosocial, encore trop cloisonnés. La logique de parcours qui est au cœur de la politique que je conduis nous oblige à adopter une approche globale. Ce travail doit se faire avec vous et votre Charte, une nouvelle fois, montre que vous partagez cette vision.
J’en viens à la troisième exigence concernant le pilotage : l’efficacité. Je connais votre souhait que soient mises en place les conditions d’un réel suivi concernant le respect des droits des usagers. La loi vous en a confié l’évaluation, mais il vous faut les moyens de la réaliser. Un cahier des charges sera élaboré au sein d’un groupe de travail qui réunira les acteurs concernés et l’administration.
Vous rendez des avis et, à juste titre, vous souhaitez connaître les suites qui leur sont données, les modalités de leur prise en compte. Ces informations, elles vous sont dues. Je souhaite que les services puissent mieux vous informer des décisions prises et de leur état d’avancement lorsque vous êtes sollicités. Je souhaite aussi que vos moyens soient renforcés. Nous allons avancer.
3. Nous allons avancer, parce que votre instance est unique et je souhaite qu’elle voie sa place et ses missions renforcées.
Il y a eu des polémiques sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais dont je refuse qu’elles entachent l’image de votre conférence ou qu’elles puissent faire douter certains membres.
La conférence nationale de santé fête aujourd’hui ses 20 ans. C’est l’anniversaire de tous les possibles. Je suis convaincue de son importance, parce que multireprésentative et pluridisciplinaire, parce que libre de débattre, libre de formuler des avis. Votre rôle, au moment où la loi entre en application, est majeur.
Vos avis sont précieux. Ils nous éclairent, nous amènent parfois à faire évoluer un texte, une position. Ils ont aussi la particularité de distinguer des points de convergence et de rassemblement des acteurs, des points de passage lorsqu’un sujet fait débat.
Lorsque je dis que vos moyens doivent être renforcés, je ne le dis pas pour flatter tel ou tel égo. Je le dis parce que les défis sont là. Ils sont majeurs et, surtout, ils évoluent. Vous devez pouvoir vous en saisir, formuler vos avis et vos propositions. Je serai ainsi très attentive à la question d’un débat public sur les enjeux liés à la e-santé que vous évoquerez tout à l’heure. J’ai présenté il y a deux jours une nouvelle stratégie e-santé et je souhaite que le déploiement du numérique profite aux usagers. A cette occasion, j’ai fait part de mon souhait que la CNS contribue aux travaux sur le blue button, et sur la plateforme de consultation en ligne. Le débat que vous organisez est donc essentiel et comme je le disais précédemment, l’IPDS pourra vous aider en proposant des canevas de réflexion à partir d’initiatives innovantes qui ont pu être mises en place et qui permettront de nourrir votre débat.
Je souhaite aussi que votre Conférence contribue sur d’autres sujets qui impliquent professionnels, patients et structures de soins. Je pense ici par exemple au prix du médicament, donc vous connaissez l’enjeu majeur. Cette question est centrale pour l’accès à l’innovation et la pérennité de notre système d’assurance solidaire. La transversalité du regard de la Conférence serait précieux.
Mesdames et messieurs,
Je termine en vous remerciant. En vous remerciant pour votre présence, pour vos travaux, pour votre mobilisation. Pour votre engagement, aussi. Parce que c’est bien de cela qu’il s’agit. Vous êtes engagés pour la démocratie en santé, pour les droits de vos concitoyens. Notre système de santé a besoin de vous.
Je vous remercie.