Anecdotes révélatrices

Attention! Si j’écris ce billet à la première personne, en abusant du « je », ce n’est pas pour la frime ni par mégalo-narcissisme, le mal du siècle, mais pour conter des anecdotes vécues telles quelles – parole d’honneur – qui en disent long sur l’air du temps.

Hier matin, sur le marché de ma banlieue parisienne, je suis allé discuter avec deux militants communistes qui vendaient l’Humanité dimanche et faisaient de la retape pour la Fête de l’Huma. Deux sexagénaires, du type retraités de la classe ouvrière, le genre à avoir adhéré au parti à l’âge de 14 ans et durement travaillé à l’usine pendant 40 ans, eux-mêmes enfants d’ouvriers communistes. L’un d’eux était un « sans dents » au sens propre du terme: il lui manquait plusieurs dents de la mâchoire supérieure: caries non soignées faute d’argent  pour finir les fins de mois dans leur enfance; enfin, j’imagine. Tous deux m’ont parlé du pouvoir actuel avec une rage et une haine indescriptible, dépassant de loin tout ce qui aurait pu être dit sur Sarkozy à la belle époque. Je ne peux même pas retranscrire ici leurs propos. Quand j’ai essayé de me faire « l’avocat du diable », j’ai senti une violente colère monter et suis passé à autre chose.

Hier soir, avec ma femme, soirée parisienne mondaine, costard/cravate. J’ai parlé à un homme d’affaire, encore jeune, golden boy, travaillant dans la finance internationale, dynamique, intelligent, enthousiaste. Il vouait une intense admiration au pouvoir actuel. La raison de cette extase: la suppression prochaine, enfin, la suppression annoncée, de l’ISF pour les valeurs mobilières. Il m’expliquait, entre les mots, que sa fortune placée en actions, atteignant quelque chose comme 20 millions d’euros, lui valait un impôt monstrueux au titre de l’ISF. Ce sera une « bénédiction », me disait-il. Me faisant, toujours, l’avocat du diable je lui objectais qu’il resterait l’ISF sur l’immobilier, frappant les propriétaires de maisons et d’appartement. « C’est pas un problème, me répondait-il, l’immobilier, on s’en arrange toujours (sic) » (j’imagine qu’il voulait dire: en achetant sa maison en Belgique ou en Suisse). Pour être franc, ce genre de discours, dans le même milieu, béatifiant le pouvoir actuel du fait de ses projets sur l’ISF cela fait au moins trois fois que je l’entends.

France dite d’en haut/ France dite d’en bas. Les deux France face à face, l’une sans frontière et l’autre « périurbaine », qui se regardent en chiens de faïence. Jusqu’où la grande fracture? Sans doute faut-il en effet réformer la fiscalité française pour lutter contre la fuite des capitaux et s’aligner sur le régime des autres pays Européens à cet égard, favoriser l’investissement y compris immobilier et l’emploi, tout cela dans un grand effort d’explication sans mépris ni condescendance. Cependant, il me semble qu’un pouvoir politique qui attacherait son identité, sur le plan du symbole,  à la suppression de l’ISF pour les (seules) valeurs mobilières, est voué à un rejet populaire massif et au désastre. Et même si nos mauvaises et grotesques institutions de la VIème République (ou Vème bis) lui permettent de tenir artificiellement 5 ans, moribond, cette longue période de survie jouera comme  compresseur de haine. Et si rien ne change, si tout continue sur le même pente – un pouvoir politique qui nage dans l’aveuglement, coupé de toute sensibilité populaire, une opposition démocratique rongée par ses obsessions narcissiques, le résultat sera clair et net: la gauche radicale, dans 5 ans prendra le pouvoir avec l’aide de l’extrême droite (toujours dans la crétinerie du système présidentiel 1er tour/ 2ème tour), plongeant le pays dans un chaos indescriptible et ils ne restera à nos « financiers sans frontière » que leurs larmes pour pleurer ou leurs dollars pour fuir lâchement un pays à feu et à sang. Si rien ne change, j’ai dit…

Maxime TANDONNET

 

Author: Redaction