Hier soir, je regardais par curiosité l’émission politique de M6 intitulée « ambitions intimes ». Une demi douzaine des plus hauts responsables politiques étaient interrogés par une présentatrice très avenante, tout sourire et gentillesse, les genoux pliés sur un canapé, dans un cadre familial. Ils parlaient de leur vie privée la plus intime, sur le ton de la confidence, de leurs sentiments profonds, leur enfance, leur grand-mère, leurs chagrins et leurs bonheurs, au son de mélodies langoureuses. Ils riaient, chantaient, parfois émus aux larmes quand des proches intervenaient sur un écran informatique. Nous avions le sentiment de plonger dans une sorte de miroir narcissique absolu. La politique spectacle battait son plein et les dirigeants potentiel du pays devenaient les stars d’une émission de téléréalité. L’idée sous-jacente: les Français doivent connaître personnellement leurs possibles futurs président de la République. Il n’était donc plus question de la crise européenne, du Brexit, de la menace terroriste, des 240 morts du Bataclan et de Nice, pas même des violences anti-policières de la veille, des 3,5 à 5 millions de sans emplois. L’exercice était totalement irréel, coupé du monde, enfermé dans son cocon émotionnel et nombriliste, tellement à l’image de la politique d’aujourd’hui. Mais le plus étrange, c’est que les organisateurs d’une émission de ce genre, comme les acteurs qui se prêtent au jeu, ne sentent pas à quel point les Français, dans leur grande majorité, sont exaspérés par cette espèce de banalisation du culte de la personnalité. Ils attendent des responsables politiques non qu’ils jouent les vedettes ou les idoles, mais uniquement qu’ils s’occupent de leurs difficultés. Autre délire, autre folie: le débat des présidentielles américaines de cette nuit: une affreuse et délirante bataille de chiffonniers donnant lieu aux pires accusations personnelles de nature sexuelle voire à des menaces d’incarcération. Où va l’Amérique? Où va la France? Où va le monde occidental dans une climat aussi délétère? Des nations sans pilote, sans gouvernement, sans politique digne ce nom, peuvent elles survivre longtemps dans la tempête? Le niveau de la vie publique américaine donne le vertige. Mais les Américains ont un Etat fédéral, un Congrès puissant, une économie dynamique et fleurissante. Tel n’est pas le cas de la France. Il n’existe à mes yeux qu’une porte de sortie au malaise politique français: réinventer la gouvernance autour d’un système moins personnalisé, plus anonyme, plus collectif, plus démocratique, tourné vers le faire et non le paraître, la raison et non l’émotion, l’action et non la posture, l’intérêt général et non la polémique. En finir avec l’idée du « sauveur providentiel » qui tourne au ridicule. Mais est-ce possible? Comment favoriser une prise de conscience? Qui peut montrer la voie, en dehors de quelques malheureux sites Internet et groupes dispersés sans lendemain?
Maxime TANDONNET