COMMUNIQUE DE PRESSE NATIONAL – PARIS – 31 MAI 2010
Expérience OPERA : détection d’un premier candidat dans la recherche d’une preuve directe de l’oscillation des neutrinos
L’expérience OPERA (1) au Gran Sasso près de Rome, à laquelle participe le CNRS/IN2P3 (2) , a probablement détecté son premier neutrino de type tau. Ce neutrino proviendrait de la transformation, au cours de son voyage de 730 km, d’un des très nombreux neutrinos de type muon envoyés dans le faisceau CNGS du CERN. Pour parvenir à cette observation, les accélérateurs du CERN ont produit des milliards de milliards de neutrinos de type muons. Ce nombre est nécessaire vu la très faible capacité des neutrinos à interagir avec la matière. Ce résultat est important car l’observation de plusieurs événements de ce genre pourra constituer la preuve directe attendue depuis longtemps de l’oscillation (changement de saveur) des neutrinos, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle et fascinante physique au-delà du Modèle Standard des particules et de leurs interactions.
Bien que la disparition de la saveur initiale du neutrino ait déjà été observée dans plusieurs expériences ces quinze dernières années, l’« observation directe » du changement de saveur des neutrinos, ou « oscillation », constitue la pièce manquante du puzzle et l’expérience OPERA est unique au monde dans cette perspective.
En 2006, la détection par OPERA, au Laboratoire souterrain du Gran Sasso de l’Institut national de physique nucléaire italien (INFN), des premiers neutrinos de type « muons » envoyés depuis le CERN avait marqué le début de la phase opérationnelle de l’expérience. Des recherches sophistiquées et d’une très haute précision spatiale (au niveau du micron) obtenue sur une cible de 1300 tonnes ont alors été lancées pour observer le signal très particulier pouvant être induit par les neutrinos de type « tau ».
Le détecteur d’OPERA est constitué d’environ 150 000 unités appelées briques, chacune d’entre elle équivalant à un appareil photo sophist iqué. Grâce à ces briques, alternant feuilles de plomb et films photo spéciaux, les chercheurs d’OPERA peuvent détecter tous les détails des événements neutrinos par une mesure précise des particules élémentaires produites par l’interaction du neutrino avec la brique.
Après 3 ans d’expérimentations, pendant lesquelles plusieurs milliers d’interactions de neutrinos ont été enregistrées et analysées, les chercheurs ont à présent peut-être réussi à mettre en évidence un premier candidat pour l’interaction d’un neutrino de type « tau », observé par le dispositif de détection d’OPERA. L’image représente le détail de la région qui entoure le point d’interaction du neutrino (venant de la gauche de l’image) produisant plusieurs particules dont les trajectoires sont reconstituées dans la brique. La présence d’une trajectoire avec un coude (rouge puis turquoise) est la probable signature de l’interaction d’un neutrino tau, avec un taux de probabilité d’environ 98%. L’image repr ésente un volume de seulement quelques millimètres cube, mai! s riche d’informations pour reconstruire la physique de l’interaction.
Ce résultat crucial pour la physique du neutrino est le fruit d’une entreprise scientifique complexe, réalisée grâce aux compétences d’un grand nombre de chercheurs, techniciens, scientifiques et étudiants, et avec un engagement fort de la part des différents partenaires de ce projet : en particulier, les laboratoires hôtes du Gran Sasso et du CERN, le support financier majeur de l’Italie et du Japon, et les importantes contributions (moyens humains et financiers) de la France, l’Allemagne, la Belgique et la Suisse. Plusieurs chercheurs d’Israël, Corée, Russie, Tunisie et Turquie contribuent également au projet.
Quatre laboratoires de l’IN2P3/CNRS ont été impliqués dans l’expérience OPERA.
Ils ont contribué dès le début à son élaboration et à sa construction. Ils ont en particulier conçu et réalisé dans leur totalité des éléments essentiels du détecteur, les trajectographes à scintillateur servant à localiser la brique dans laquelle se produit l’interaction neutrino, l’électronique de lecture ainsi que le système d’acquisition innovant “avec intelligence distribuée” de l’ensemble des détecteurs électroniques. Ils ont également mis au point le dispositif automatisé de manipulation des 150 000 briques. Dans les quatre dernières années, les laboratoires français ont fourni des contributions majeures dans l’analyse des données, incluant l’environnement de calcul et la base de données des événements, une des plus grandes bases relationnelles du monde. Cette activité a bénéficié d’un très fort support du Centre de Calcul de l’IN2P3 (CNRS), qui a offert ses ressources de calcul à l’ensemble de la collaboration.
Image du premier candidat événement neutrino tau.
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On peut voir un détail de la région qui entoure le point d’interaction du neutrino (venant de la gauche de l’image) produisant plusieurs particules identifiées par leurs traces dans la brique. La détection de la trace avec un coude est la probable signature de l’interaction d’un neutrino tau (avec un taux de probabilité d’environ 98%). L’image représente un volume de seulement quelques millimètres cube, mais riche d’informations pour les physiciens d’OPERA. |
Notes
(1) Oscillation Project with Emulsion-tRacking Apparatus
(2) Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS
(3) L’Institut de physique nucléaire de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard-Lyon 1), l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (CNRS/Université de Strasbourg), le Laboratoire de l’accélérateur linéaire (CNRS/Université Paris-Sud 11) qui a participé jusqu’en 2005, le Laboratoire d’Annecy le Vieux de physique des particules (CNRS/Université de Savoie)