« On ne change pas le peuple, c’est toujours lui qui a le dernier mot »

L’ancien président Nicolas Sarkzy a répondu à quelques questions du JDD. Extraits :

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Vous avez dirigé le pays et demeurez très actif, très attentif aux grands choix que la France a devant-elle.  Vous n’envisagez toujours pas de vous rendre disponible pour servir le pays ? 

Je crains malheureusement – et j’espère me tromper –, que nous ne soyons qu’au début d’une période de chaos. Je redoute même que nous connaissions des violences. Et je trouve invraisemblable que l’on puisse appeler à manifester au seul motif que des compatriotes oseraient voter dans une direction qui n’est pas jugée  « acceptable » par des professeurs de vertu autoproclamés. On aurait le droit de voter, mais à la condition que cela soit pour la gauche. Beau déni de démocratie ! Ce qu’ils ne peuvent obtenir par les urnes, ils sont prêts à l’imposer par la rue ! Ce spectacle est affligeant. Et ceux qui ne le condamnent pas et qui s’y associent sont disqualifiés.  

Envisagez-vous de revenir dans la vie politique ? 

Je n’en aurai jamais fini avec la France. La France m’a tout donné. Je reste passionné par son destin. Mais la politique est finie pour moi.

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Après sept années au pouvoir, quel regard portez-vous sur sa présidence et sa façon de diriger le pays ? 

(…) Je regrette cependant son inclination à croire que son intelligence lui permettra de contourner des contradictions nationales, ce qui l’empêche de les trancher. Or, le président ne doit pas « esquiver ». Il doit décider. C’est peut-être une affaire de tempérament. Enfin, et c’est plus important, je n’ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s’incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. Il se trouve que cela ne correspond pas à son inclination politique naturelle. Or, il doit gouverner en s’adaptant à la matrice politique de la France, car la France ne s’adaptera pas à la sienne. On ne change pas le peuple, c’est toujours lui qui a le dernier mot.

Diriez-vous que le Rassemblement national a changé et que Jordan Bardella, comme il le prétend, est apte à gouverner ?

Le Rassemblement national a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s’il n’avait pas changé, comme s’il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen « du détail », serait une erreur grossière. Il est impossible d’atteindre une cible en visant à côté ! Jordan Bardella a du talent et sait maîtriser son langage, ce qui est une qualité. Il lui reste, et c’est une grande question, à combler un manque d’expérience puisqu’il n’a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu’il a moins de 30 ans. Il n’y est pour rien, mais c’est un fait. Peut-on conduire la France quand on est si jeune et sans expérience ? Chaque Français doit considérer cette réalité. J’ajoute qu’il va être confronté à une autre difficulté : la gestion de Marine Le Pen. Ayant vécu de près la complexité des relations entre Jacques Chirac et Édouard Balladur, je sais que cela ne sera pas le plus simple pour lui.

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Quand la gauche en appelle au front Républicain et au « tout sauf Bardella », elle ne l’affaiblit pas ? 

Ce sont des tartuffes. La réponse à la montée du Rassemblement national n’est pas dans sa diabolisation. Elle est dans l’existence d’une droite républicaine forte, rassemblée et décidée. Ils feraient mieux de réfléchir aux outrances de Jean-Luc Mélenchon et de ses amis. Mélenchon a du talent et de l’expérience, mais ses propos et sa politique sont dangereux et porteurs d’une grande violence. Cela ne lui pose aucun problème de violer un certain nombre de règles républicaines par opportunisme et calcul politique. LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l’antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de « peste brune ».

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Vous estimez donc que le nouveau « Front populaire » rassemblant les partis de gauche, après notamment la reconnaissance par La France insoumise « des massacres terroristes du Hamas », incarne la compromission de la gauche de gouvernement ? 

Ces contorsions sémantiques sont affligeantes. « Est-ce que les actes du Hamas sont terroristes ou est-ce que le Hamas est terroriste ? » Si on en est là de la sémantique après les horreurs du 7 octobre c’est que l’on est tombé bien bas. (…)

Le monde politico-médiatique tombe à bras raccourcis sur ceux qui prônent l’Union des droites, sans même avoir mot pour dénoncer le retournement de veste de François Hollande, un homme qui, décidément, a bien peu de convictions.

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Votre famille politique a explosé sur la ligne à adopter face au RN. Eric Ciotti, président du mouvement a d’emblée annoncé le principe d’une alliance, invoquant « le souhait des Français ». L’approuvez-vous ? 

Avant toute chose s’agissant de ce parti que j’ai créé, à qui j’ai donné ce nom « Les Républicains », et que j’avais porté si haut par le nombre de ses militants comme par celui de ses électeurs, vous me permettrez de dire la peine que j’éprouve à le voir, depuis 2016, persister dans une impasse stratégique qui la conduit là où il se trouve. Concernant Eric Ciotti, il s’est trompé sur deux sujets qui ne sont pas ceux pour lesquels on le condamne aujourd’hui. Je n’ai jamais fait à quiconque de procès pour délit d’opinion. La politique est si complexe, la situation est si difficile qu’Éric Ciotti a parfaitement le droit d’exprimer une orientation politique. Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ?

En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu’il ait pu prospérer. Il aurait dû soumettre aux instances dirigeantes de son parti sa conviction de la nécessité d’une alliance avec le RN et proposer aux adhérents de se prononcer par vote électronique dans un court délai. La question aurait alors été tranchée calmement et de façon incontestable. Il n’y aurait pas eu un déni de démocratie. On ne peut pas agir ainsi.

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J’ai un deuxième désaccord avec lui : l’union des droites doit se faire par les électeurs, non par les états-majors. On m’a suffisamment reproché de m’adresser avec constance à l’électorat du Front national de l’époque. J’ai persisté à convaincre ces derniers de revenir vers nous. Penser qu’on peut faire l’union par les états-majors est une erreur. C’est là un désaccord de fond que j’ai avec Eric Ciotti. Ceci posé, j’ai trouvé que les expressions utilisées contre lui étaient pour la plupart outrancières. Et les références douteuses au passé montrent qu’en matière de culture historique, certains ont beaucoup de lacunes à combler. 

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Donc pour être tout à fait clair vous êtes contre une alliance de LR avec le RN ? 

Je n’ai jamais changé de position. Cette alliance est d’autant plus inopportune quand la droite républicaine est si faible car il s’agit alors d’une absorption.

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Emmanuel Macron a également évoqué l’ouverture d’un débat sur la laïcité, est-ce une réponse pertinente ? 

Poser le débat sur la laïcité est une étrangeté pour moi. La laïcité n’est pas un problème. Je n’ai pas constaté une révolte de l’Église de France contre les règles de la laïcité. Je n’ai pas vu les synagogues françaises se mobiliser contre la laïcité. Je n’ai pas vu les protestants de France demander qu’on mette un terme à la laïcité. Le problème n’est en rien celui de la laïcité. Le problème est celui de l’intégration d’un islam politique militant. Et cette difficulté d’intégration n’a rien de surprenant. (…)

Author: Redaction

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