1)-Affirmer mordicus qu’une guerre d’anéantissement nucléaire est inconcevable, c’est n’avoir rien compris à la bêtise humaine. Pourquoi inconcevable? L’histoire de l’humanité n’enseigne-t-elle pas que le pire n’est jamais à exclure? Si elle devait un jour avoir lieu quelque part, ce serait sans doute sur le sol de l’Europe, un massacre qui dépasserait par son ampleur toutes les atrocités du XXe siècle, ultime étape d’un effacement de l’Europe qui dure depuis la tuerie de 15 millions d’Européens en 1914-1918, et 2500 ans de civilisation soufflés en quelques instants.
2)-Avec les bouleversement technologiques, la puissance des ordinateurs, Internet, l’Intelligence artificielle, etc. on aurait pu penser que la supériorité technologique de l’occident allait réduire à peu de chose le rôle des combattants et le poids démographique des armées. Nous savons aujourd’hui que la supériorité technologique n’est pas la seule clé de la guerre moderne, n’efface pas la loi du nombre qui, sur le long terme, joue en faveur de la Russie comme elle jouerait en cas de guerre mondiale avec la Chine.
3)-L’un des sujets d’étonnement lié à ce conflit est la faillite intellectuelle des élites militaires et politiques occidentales: a-t-on jamais assisté à un tel déferlement d’erreurs d’analyse et de diagnostic: d’abord (1er semestre 2022) l’armée Russe devait écraser l’Ukraine et déferler sur l’Europe orientale, puis (2ème semestre 2022) l’armée l’ukrainienne était supposée mettre la Russie en déroute et provoquer la chute de Poutine. Rien de tout cela ne s’est jamais produit, tous les pronostics les plus savants déjoués les uns près les autres et malgré le soutien massif de l’occident, la guerre s’est enlisée et rien ne permet aujourd’hui sérieusement de miser sur une issue militaire.
4)-La posture des occidentaux, depuis le début, est incohérente. Elle consiste à dire, nous ne sommes pas belligérants, il est hors de question de faire la guerre directement. Mais nous aidons massivement l’Ukraine à se défendre par des livraisons d’armes et de matériel. Car l’Ukraine, en combattant les Russes, défend l’Europe et l’occident. Cela signifie que l’occident utilise comme bouclier le sang, les ruines, le deuil et à la souffrance de Ukrainiens – mais évidemment sans l’admettre. Et jusqu’où le peuple ukrainien peut-il accepter de payer seul le prix du sang?
5)-la méconnaissance ou l’incompréhension de l’histoire est la source de toutes les aberrations actuelles. Non la Russie actuelle n’est pas l’Allemagne hitlérienne (pas plus que l’Ukraine n’est sous l’influence de « néo-nazis » comme le prétend Poutine), c’est-à-dire une puissance explosive et quasi invincible, déterminée à asservir l’Europe et exterminer une partie de l’humanité. Il fallut trois semaines à l’armée d’Hitler pour venir à bout de la première puissance militaire du monde (ou réputée comme telle) tandis que la Russie de Poutine piétine depuis deux ans face à la cinquantième puissance mondiale. Ceux qui profèrent ce genre de comparaison sont des imbéciles. Elle n’est pas davantage l’équivalent de l’URSS de Staline, de Khrouchtchev ou de Brejnev – dont l’Armée rouge n’eût fait qu’une bouchée de l’Ukraine. Elle est tout autre chose, une tyrannie d’un nouveau genre, ni mieux, ni pire, une autocratie post marxiste du XXIe siècle.
6)-A-t-on jamais vu aussi une telle prolifération du mensonges dans le monde occidental – ou de la propagande? Plus la Russie semble échapper à l’isolement planétaire (Chine, Inde, Afrique), surmonter les sanctions occidentales sur le plan économique et conforter ses gains sur le plan militaire, plus les dirigeants occidentaux, déstabilisés par la tournure des événements, se mettent des œillères et racontent qu’elle est en plein effondrement et Poutine au bord du gouffre. C’est le même refrain depuis deux ans. L’indignation et la colère légitime devant une dictature belliqueuse ne justifient pas le mensonge ni l’abandon d’une logique de réalisme.
7)-Nous sommes aujourd’hui dans une logique de postures. La réalité n’intéresse personne. Il ne faut surtout pas réfléchir ni au passé ni à l’avenir, ni aux issues possibles et crédibles, mais parader dans le discours va-t’en guerre – comme reflet inversé de l’impuissance et du désarroi. La posture martiale et prétendument antimunichoise est toujours avantageuse – avec le sang, les ruines et la souffrance des autres. Et s’il se confirme qu’il n’existe pas d’issue militaire à ce conflit, autre qu’un enlisement, la lente destruction de l’Ukraine et le massacre de sa population, peut-on concevoir un sursaut de lucidité du monde occidental pour s’orienter vers un cessez-le-feu ou une trêve? En attendant l’espoir même lointain d’une réconciliation/démocratisation? Pas du tout certain.
MT