Mon propos du jour risque d’exaspérer voire d’indigner nombre de lecteurs. C’est l’inconvénients de bien connaître un sujet complexe sur lequel on travaille depuis des d’années et de ne pas se contenter des clichés et des chiffons rouges.
Or, les débats sur le sujet sont pollués par les clichés et les chiffons rouges, jetés en pâture à l’opinion publique à des fins électorales, sans véritable prise en compte de la réalité.
Ainsi, je regrette de devoir le dire, mais je ne vois guère en quoi l’abrogation ou la révision du « traité franco-algérien » de 1968 qui agite en ce moment les esprits aurait un quelconque impact sur la maîtrise de l’immigration. De fait, ce traité est d’ores et déjà modifié périodiquement. Il implique des différences (non considérables) dans les statuts des Algériens et des autres étrangers, mais ne touche pas au contrôle de la frontière ni à l’asile ni à la lutte contre l’immigration irrégulière. Franchement, sa suppression ne changerait pas grand chose sur le strict plan de la maîtrise de l’immigration sinon d’envenimer encore davantage les relations de la France et de l’Algérie.
Idem pour la « manifestation de volonté » concernant le droit du sol. On est toujours dans la logique du chiffon rouge. De fait, cette manifestation de volonté existe d’ores et déjà à travers la « demande anticipée » (avant l’âge de 18 ans) qui s’applique à la quasi totalité de l’accès à la nationalité par le droit du sol. 20 à 30 000 personnes obtiennent la nationalité par ce biais, nées et scolarisées en France, soit moitié moins que les naturalisations par décret volontaire du gouvernement. Là aussi, une réforme sur la « manifestation de volonté » serait purement symbolique et n’améliorerait pas d’un iota la maîtrise de l’immigration pas plus d’ailleurs que la suppression pure et simple du droit du sol qui reviendrait à ajouter une fracture supplémentaire dans la société française pour des personnes nées et scolarisées en France qui resteraient de toute façon.
Le regroupement familial, c’est-à-dire le droit pour un étranger de faire venir sa famille, est aussi un chiffon rouge. En vérité, il fait l’objet de règles très strictes, de revenu d’un travail et de logement adapté à la taille de la famille et il est parfaitement contenu autour de 25 000 bénéficiaires depuis une trentaine d’années. De fait, il n’est pas à l’origine de nos difficultés. C’est encore un chiffon rouge.
Les vrais sujets sont ailleurs, ceux dont on parle moins car ils sont infiniment plus complexes à traiter que d’agiter des chiffons rouges:
- Le contrôle des frontières européennes et nationales contre les filières d’immigration clandestine, par la Méditerranée et la voie terrestre: là dessus, on est totalement impuissant et incapable de s’organiser au niveau européen pour empêcher les entrées illégales organisées par des réseaux mafieux qui imposent leur loi aux Etats.
- La maîtrise du droit d’asile: on est passé de 25 000 demandes dans les années 1990 à 40 000 en 2010 et à 130 000 aujourd’hui, sans la moindre esquisse d’une solution ou d’une tentative de réguler le fonctionnement du système.
- Les études en France, qui sont en forte augmentation (environ 100 000/an soit un doublement en 10 ans) sans véritable partage entre les études authentiques (utiles pour tout le monde), et les inscriptions abusives à des fins d’immigration.
- Le dispositif de lutte contre l’immigration illégale qui est totalement impuissant (6% des OQTF ou décisions de reconduite appliquées seulement, en raison de la complexité juridique du dispositif). Cette impuissance se traduit par des politiques de régularisation qui ne peuvent qu’alimenter le flux migratoire.
- Les relations diplomatiques avec les pays sources. Elles sont absolument vitales car on ne peut contrôler efficacement l’immigration qu’en coopérant avec les pays d’origine et de transit: maîtrise des embarquements dans les aéroports, lutte contre les filières criminelles et la corruption, retour des migrants en situation irrégulière, aide au développement pour permettre d’offrir une vie digne sur place. A cet égard, la dégradation des relations entre la France et les pays du continent africain est un véritable désastre sur le plan de la maîtrise des migrations. MT