Il s’agit d’un essai très dense et fouillé écrit par un auteur spécialiste en analyse géopolitique. T. Gomart est le directeur de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI), think tank renommé en matière de relations internationales.
On apprécie dans ce livre la bibliographie impressionnante et l’index des noms propres bien utile pour les recherches en cours de lecture.
L’originalité d’étudier le point de vue de neuf puissances permet d’échapper à l’égocentrisme Français très présent dans notre classe politique, davantage tournée depuis trop longtemps vers le ressassement des débats du passé que vers les défis de l’avenir. Ce livre ayant été écrit fin 2022, il prend en compte les conséquences géopolitiques du conflit Russo/Ukrainien
On note toutefois dans cette analyse, l’absence de références à l’Afrique, à l’Amérique du Sud notamment le Brésil et à l’Extrême Orient non chinois (Japon, Corée ou Indonésie, pays qui auront très certainement des rôles importants à jouer au cours des prochaines décennies.
T. Gomart décrit les ambitions stratégiques inavouées de neuf grandes puissances dont les politiques touchent directement les intérêts Français afin d’aider nos gouvernants à définir notre propre stratégie en espérant qu’elle prenne en compte, contrairement à nos vieilles habitudes prétentieuses, celles des autres.
Ces puissances sont regroupées en trois domaines :
– La terre (Russie, Chine, Allemagne), pays à dominance continentale,
– La mer (Etats-Unis, Royaume Uni, Inde), pays exerçant une forte emprise sur de vastes espaces maritimes. A noter pour l’Inde, un pays en devenir refusant les alliances contraignantes, la jeunesse de ses habitants, son immense poids démographique, sa religion dominante (Indouisme) et son régime politique en opposition avec l’Islam.
– Le ciel (Turquie, Arabie Saoudite, Iran), pays où la religion (trois visions différentes de l’islam) joue un rôle direct dans l’élaboration de leur politique étrangère.
Chaque chapitre relatif à un pays se conclut par la synthèse de ses trois à cinq priorités stratégiques et ses enseignements qui se veulent opérationnels pour la France. Ces priorités sont différentes mais ont souvent un fond commun avec l’énergie, la sécurité et le militaire, la technologie, le territorial ou le développement économique.
L’épilogue de cet essai est intitulé « La France à l’heure des choix », il propose pour notre pays une « grande stratégie » à dominante verte (énergie/climat), établie sur une ou deux génération (horizon 2050), en voici quelques extraits.
S’ils peuvent être trompeurs, les parallèles historiques permettent des rappels utiles en période de trouble politique comme celle que nous connaissons depuis les élections de 2022 : entre 1935 et 1940 «la faillite des élites précéda assurément la faillite de la France » Il est temps pour elle de rompre avec son nombrilisme stratégique, observé de longue date, plus marqué qu’ailleurs, qui s’avère très préjudiciable à la compréhension des chocs que nous allons subir. » page 284
« Or, le croisement des dynamiques stratégique, politique, énergétique et économique annonce des ajustements brutaux auxquels il faut se préparer. » page 287
« C’est bien la politique énergétique de la France qui devrait être le point de départ d’une véritable grande stratégie. » page 289
« Sur le plan économique beaucoup d’investisseurs considèrent que la France ne sera plus dans les dix premières économies mondiales à l’horizon 2030. » page 293
« En réalité, la priorité devrait être la préparation aux chocs que nous n’allons pas manquer de subir plutôt que la recherche hypothétique d’une position de surplomb. » page 294
Gérard BAYON