- « Je propose que désormais, tous les élèves portent la même tenue vestimentaire. Pour deux objectifs d’ailleurs : à la fois un objectif de laïcité, impératif, je vous fais remarquer que nous le faisons déjà en France, dans les territoires métropolitains, et ça fonctionne très bien. Mais aussi pour un autre objectif, plus social : j’en ai assez de repérer dans les salles de classes, à la tenue qu’ils portent, aux vêtements à la mode qu’ils portent, les enfants issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé. Nous repartons à la conquête.
- Donc c’est l’uniforme, pour dire les choses simplement.
- Oui, c’est l’uniforme. La République n’a pas à avoir honte de ses valeurs sacrées. L’école, le collège, le lycée, l’université sont des espaces sacrés. Nous avons trop reculé, nous avons trop reculé sur un concept…«
La proposition d’uniforme à l’université est typique d’une conception de plus en plus répandue de la vie politique. L’université fait face à des problèmes gigantesques et fondamentaux: l’effondrement du niveau scolaire qui se retrouve évidemment sur les bancs de l’université et dans la dévalorisation des diplômes, la précarité de nombreux étudiants qui sont réduits aux files d’attente devant les soupes populaires – ce n’est pas un mythe – les défaillances du dispositif d’orientation scolaire qui aboutit à ce que de nombreux anciens lycéens se retrouvent dans des filières universitaires inadaptées à leur profil au risque de perdre des années de leur vie. Telle est la réalité du monde universitaire aujourd’hui.
Alors, pour fuir la réalité, parce qu’on n’a pas le courage ni la volonté de regarder en face les questions dramatiques qui conditionnent l’avenir de la société française, on donne des coups de menton, on lance des propositions choc dont l’objectif est de séduire l’opinion. L’idée d’uniforme à l’université est de celle-là. En soi elle est inadmissible. L’université est un lieu de liberté d’expression, d’intelligence, de réflexion et de pensée. Elle n’est pas une caserne destinée à embrigader les étudiants dans un moule unique dont l’uniforme serait le reflet. L’idée d’uniformisation en réponse au problème du voile islamique manifeste une fuite devant la réalité. Pour ne pas avoir à trancher sur cette question particulière et bien spécifique qui concerne une minorité d’étudiantes, on s’en prend à la vie quotidienne de l’ensemble du monde universitaire.
L’auteur de cette proposition dément aujourd’hui l’avoir faite. En réalité, ce qui est frappant, c’est qu’elle correspond quand même à l’air du temps et à la pratique. Il se trouve toute une fraction de l’opinion pour l’approuver. Sa logique est celle de l’autoritarisme impuissant ou du coup de menton stérile. On en crève…
[NB: je dis tout cela en tant que chargé d’enseignements dans l’une des universités les plus populaires de la région parisienne Paris-Est-Créteil… ]
MT