Lecture: Saint Pierre, le mystère et l’évidence, Christophe Dickès, Perrin 2021

Ecrire une biographie de Saint Pierre est sans doute un redoutable défi pour l’historien. En effet, en dehors des Evangiles et de quelques témoignages issus des auteurs de l’antiquité, les sources brillent par leur rareté… Pourtant, l’entreprise de Christophe Dickès, spécialiste du Vatican et de la religion chrétienne, est un succès et il en ressort un livre passionnant de bout en bout sur celui qui est considéré comme le fondateur de l’église catholique ou l’initiateur du christianisme.

C’est avec le regard de l’historien que l’auteur s’efforce de reconstituer une histoire en confrontant les récits des quatre évangélistes et les autres écrits dont il dispose. Le Christ, en tant que personnage historique, s’adresse à un très modeste pêcheur sur le lac de Tibériade pour en faire celui qui se présente comme son bras droit et son successeur. « Ayant fixé les yeux sur lui, Jésus dit: « Tu es Simon, le fils de Jean. Toi tu seras appelé Céphas » ce qui s’interprète: Pierre » (St Jean).

Au fil du récit, Pierre donne des signes de faiblesse, d’incrédulité et de défaillance. L’auteur rapporte une scène particulièrement emblématique, après son triple reniement au moment de l’arrestation de Jésus: « Alors que Jésus sort de la cour, les mains liées, il se retourne vers Pierre. Son regard fixe alors celui de son disciple et celui-ci se remémore les paroles de Jésus [avant le chant du coq, tu m’auras renié trois fois] et l’annonce de son reniement, souvenir qui le rend cruellement conscient de sa faute […] Ce regard silencieux n’est évidemment pas un regard de reproche, mais de miséricorde et de pardon. Pierre se souvient-il alors de la réponse du Messie à sa propre question: Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu’à sept fois? Et Jésus de réponde: « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix-sept fois. » Il n’est évidemment pas indifférent, de nos jours, de se souvenir que le Christ a choisi pour fonder son église un personnage bien loin de la perfection mais représentatif autant des forces que des faiblesses de l’humanité.

Saint Pierre est en effet le personnage clé de l’histoire de la fondation de la religion chrétienne (après Jésus). Cette biographie comporte des passages passionnants sur les débats conflictuels, après l’Ascension entre les disciples du Christ sur l’orientation à donner à l’évangélisation. Certains d’entre eux dont Jacques (que les textes présentent comme le frère de Jésus ce qui signifie son cousin), à Jérusalem, prônent l’observation rigoureuse des rituels de la religion juive. D’autres, comme Paul (Säul), légionnaire romain converti, veulent partiellement s’en affranchir pour mieux porter un message universel. Pierre est dans une position intermédiaire, certes de conviction avec Paul, mais diplomate, désireux de ménager la frange plus « orthodoxe ». Des échanges houleux se déroulent entre Jérusalem et Antioche, l’une des plus grandes villes de l’empire, propice à une vision cosmopolite, avant que Pierre (qui selon l’auteur, aurait peut-être inspiré sinon dicté l’Evangile de Saint Marc dont il était très proche) penche vers la ligne de Paul.

Suit le récit de leur commun périple à Rome, l’œuvre d’évangélisation dans la capitale de l’Empire ou le christianisme commençait à se répandre avant même leur arrivée, et les communes persécutions commises envers les juifs et les chrétiens, surtout considérés par les autorités romaines comme une secte du judaïsme particulièrement dangereuse, puis le martyre de Pierre et de Paul sous Néron ayant accusé les chrétiens de l’incendie de Rome. Une riche biographie que je recommande, où l’on apprend beaucoup sur une période obscure tout en se passionnant pour le récit de la vie d’un homme tout en simplicité et en humilité – en faiblesses aussi – mais fondateur d’une religion qui 2000 ans plus tard, compte plus d’un tiers de l’humanité.

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction