Devoir de réserve, qu’en est-il vraiment?

Actuellement, le sujet du devoir de réserve des serviteurs de l’Etat, civils ou militaires revient au premier plan de l’actualité. La fameuse tribune des généraux à la retraite dénonçant la montée de la violence et du communautarisme en France, suivie d’une pétition anonyme de centaines de soldats et désormais d’un texte signé par des policiers à la retraite ont replacé le sujet au goût du jour. En outre, fait sans précédent, plusieurs anciens préfets ont signé des articles courageux pour dénoncer la suppression du corps préfectoral et le démantèlement en cours de l’Etat. Les médias et certains partis politiques se déchaînent, invoquant des comparaisons historiques fumeuses tel le second putsch des généraux d’Alger alors que des récupérations douteuses tendent à discréditer ces démarches. Les autorités politiques déplorent des manquements au devoir de réserve et menacent de sanction…

Qu’en est-il vraiment? De fait, le devoir de réserve est une création jurisprudentielle et ne figure pas dans le statut de la fonction publique. La déclaration des droits de l’homme et du citoyen s’applique d’ailleurs à tous les Français sans exception : [« Article 10. – Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». « Article 11. – La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ».] Certes, certains métiers de représentation de l’Etat sont incompatibles avec cette liberté d’expression et celui qui les embrasse fait le choix logique d’y renoncer provisoirement : ambassadeurs, préfets.

Pour le reste, l’exercice de la liberté d’expression s’apprécie au cas par cas, doit s’exercer dans des conditions compatibles avec l’exercice d’une fonction et ne pas nuire au bon fonctionnement d’un service: les termes de l’expression doivent être corrects ou non insultants (pour ne pas porter atteinte à la dignité de la fonction); ils ne peuvent pas concerner la mission même dont le fonctionnaire est en charge, critiquer publiquement ses supérieurs ou ses collègues, ce qui est bien logique; le signataire en service n’a pas le droit de se référer à son titre et sa fonction dans l’administration – il écrit en son nom propre en tant qu’auteur mais non en tant que fonctionnaire.

Dès lors, on voit mal en quoi des serviteurs de l’Etat à la retraite – n’exerçant aucune fonction – ou encore des policiers ou soldats à titre anonyme – ce qui est leur droit – porteraient atteinte à leur supposé devoir de réserve en exprimant une préoccupation générale sur l’évolution du pays. Certes cette floraison de tribunes alarmistes est absolument désastreuse pour l’image du pouvoir politique en soulignant l’accélération du délitement de la société et la perte de confiance de ses propres troupes. Elle est bel et bien le symptôme d’un effondrement. En revanche, cette libre expression ne viole les principes républicains dans une société de liberté. D’ailleurs, si le code de la fonction publique est silencieux sur le devoir de réserve, il est précis sur un tout autre point: Loi n°83.634 du 13 juillet 1983, article 28 Le fonctionnaire « doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. »

Maxime TANDONNET

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Author: Redaction