Le slogan Quoi qu’il en coûte, fondateur de la politique gouvernementale en matière de covid-19 porte en lui même sa propre contradiction. Il signifie que l’objectif de sauver un certain nombre de vies, ne souffre aucune limite. Tout est permis à la puissance publique à cette fin. Cependant cet impératif se heurte à une limite inévitable, une absurdité au sens philosophique : jusqu’où faut-il détruire des vies – ou la vie – pour sauver des vies? « Qui a appris à mourir, il a désappris à servir » selon la célèbre formule de Montaigne. « La conscience qui tombe dans l’esclavage a préféré la vie à la liberté […] C’est seulement en risquant sa vie qu’on conquiert la liberté » (Hegel, Morceaux choisis 2, Idées NRF p. 18 et 22). Entre 1914 et 1918, 1, 5 million de Poilus, jeunes Français de 18 à 40 ans, ont donné leur vie pour une chose dont ils jugeaient qu’elle prévalait sur cette vie. Les résistants de 1940 à 1944 savaient que leur engagement contre l’Allemagne hitlérienne et la collaboration les exposait à une mort presque certaine: l’honneur, la liberté, prévalaient sur leur vie. Car la vie n’a de sens que dans la dignité. La vie vaut elle la peine d’être vécue dans un monde qui sacrifie délibérément, jusqu’à la persécution pure et simple, la vie de millions de petits patrons, de commerçants et de restaurateurs, des étudiants, des artistes et des gens de la culture, du théâtre et des cinémas? La vie vaut elle la peine d’être vécue dans le monde du couvre-feu, où il est interdit de sortir de chez soi après 18H, où la bureaucratie sanitaire peut, à tout moment, vous emprisonner à domicile comme des criminels? Vous interdire de marcher seul dans la forêt, sur une plage, de skier ou d’entrer dans une librairie? La vie vaut elle la peine d’être vécue dans une monde privé des voyages, et du droit absolu à l’évasion par-delà les frontières, les mers et les continents? La vie vaut elle la peine d’être vécue dans un pays d’assistanat généralisé, d’où le travail – source de l’indépendance – aura disparu, et d’endettement gigantesque synonyme de soumission individuelle et collective? Tout cela serait-il provisoire? Mais non! Un précédent est ouvert et la menace désormais perpétuelle dans le nouveau monde. L’impératif absolu de préserver des vies, conduit à la mort, par le désespoir, la dépression et le suicide de masse. Vous aviez le choix entre l’esclavage et la liberté. Vous avez choisi l’esclavage. Vous aurez l’esclavage et la mort.
Maxime TANDONNET