Ces alliances ne sont pas généralisées et ne procèdent d’aucun accord d’état-major national. Elles interviennent dans quelques villes, notamment à Bordeaux, Clermont-Ferrand, Strasbourg pour éviter une victoire verts-gauche. La preuve qu’elles n’ont pas de caractère politique national : à Lyon, le soutien de M Collomb au candidat LR lui a valu d’être sanctionné par le parti macroniste qui lui a retiré son investiture. Ces quelques alliances marquent l’effondrement de LREM qui n’a pas réussi son implantation locale. Elles sont sans doute le signe de l’agonie en cours de ce parti champignon dont l’existence est liée à l’élection du président Macron, et qui peut disparaître aussi vite qu’il est apparu. Elles montrent que localement, en province, les sympathisants LREM souvent des notables, sont idéologiquement plus proches de LR que d’une alliance gauche-vert. Quelques rares exemples inverses, d’alliance LREM verts-gauche existent aussi, comme à Dreux. Tout cela montre que ce parti, qui n’existe que du fait de l’élection de 2017, est privé de toute colonne vertébrale et de cohésion. Son extinction est désormais probable.
2/ Les accords tacites et autres alliances se multiplient sur l’échiquier politique, à gauche comme à droite. Ce renouvellement des clivages clarifient-ils les différentes tendances politiques ou ne fait-il qu’accroître la confusion ?
Ces accords pourraient s’interpréter comme étant révélateurs d’une évolution en profondeur de la politique française. Celle-ci, longtemps dominée par la bataille droite/gauche, évoluerait vers un retour à un système de « troisième force », comme aux débuts de la Quatrième République c’est-à-dire une force centrale, composée de LR et de LREM, combattue à la fois par la gauche (une alliance Insoumis-Verts-PS) et par la droite (RN). Ce schéma est cependant peu probable. Il suppose des ententes nationales qui n’ont rien d’évident, notamment entre PS et Insoumis qui ne se supportent pas, entre LR et LREM alors que des différences nombreuses les séparent en tout cas une partie de LR sur la sécurité, la maîtrise de l’immigration, la vision de la nation et de l’Europe. Et puis surtout, le système politique français est fondé sur un gigantesque aléa : l’élection présidentielle repose sur une émotion collective, étouffant le débat d’idées et de projet cohérent. Face à elle les partis, les programmes et jeux d’alliances sont réduits à un rôle secondaire. Cette élection présidentielle devient une affaire médiatique, avec une dizaine de candidats possibles, déconnectée de la vie des partis qui risque de s’enfoncer toujours plus dans le chaos. Demain, on aura un président sans parti ni majorité présidentielle. Peu importe : il ne sera plus là pour gouverner ni légiférer mais pour pavoiser. Dès lors, à quoi servirait une majorité ?
3/ Plus généralement, qu’il s’agisse de négocier et modifier les traités européens ou d’agir pour le climat en assumant l’impact social, pourquoi est-il si délicat d’initier un changement dans la société actuelle ? Cela s’applique-t-il aussi à l’échiquier politique ?
Parce que de monde moderne est d’une complexité inouïe. L’élection présidentielle donne lieu à une surenchère de promesses ou de slogans destinés à séduire l’électorat. Par exemple le thème de la « transformation de la France ». Mais elle repose sur une monumentale imposture. Les contraintes à l’exercice du pouvoir national sont aujourd’hui titanesques : jurisprudence du Conseil constitutionnel et des autres juridictions nationales et européennes, transferts à l’union européenne (monnaie, concurrence, commerce, etc), décentralisation, contraintes financières, résistance de la société, médiatisation. Aucun président de la République n’a les moyens de « transformer la France ». Dès lors, les chefs de l’Etats élus n’ont pas d’autre solution que de se livrer à une communication à outrance et de jongler avec les illusions pour compenser la déception de leurs promesses non tenues et espérer ainsi être réélus. C’est la cause profonde de l’effondrement du système des partis. A quoi bon bâtir des projets dès lors que la politique est réduite à l’impuissance et à la fuite dans la posture et la communication. De fait, ces alliances sont en trompe-l’œil. Elles ne marquent en rien une clarification mais vont dans le sens d’une décomposition politique qui se poursuit.